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Gérant pseudo-actif, sors de ce corps

Depuis 2008, la gestion indicielle taille des croupières à la gestion active aux Etats-Unis. Selon Morningstar, l’indiciel y pèse 41% des actifs des fonds (hors monétaire) à fin janvier 2020. Pour la catégorie-reine des actions Etats-Unis, l’indiciel représente même 51% des encours.

La raison ? En moyenne, la gestion active fait moins bien que la gestion indicielle. Deux études le montrent depuis des années : SPIVA et le baromètre de Morningstar.

Certains gérants actifs expliquent que c’est parce que se cachent en leur sein de faux gérants actifs, des gérants pseudo-actifs (ceux que l’on appelle en anglais les closet indexers), que les performances moyennes de la gestion active sont tirées vers le bas.

Un gérant pseudo-actif dit être actif, ne l’est pas mais fait payer des frais de gestion active, plus élevés que ceux d’un fonds indiciel.

Et c’est mal. C’est comme vendre des œufs de lompe au prix du caviar, de la truite au prix du saumon, du crémant au prix du Champagne. En droit de la consommation, ça s’appelle une tromperie.

Les régulateurs en Europe ont commencé à s’intéresser au problème du closet indexing à partir du milieu des années 2010.

En France, l’AMF a publié en juillet 2018 une étude décrivant une proposition de méthodologie pour identifier les fonds pseudo-actifs, sans nommer les fonds identifiés comme tels par cette méthodologie. Et notre régulateur d’affirmer martialement qu’il « continuera[it] d’exercer une vigilance particulière dans le cadre de sa supervision des fonds d’investissement et analysera[it], plus en détail, les fonds identifiés dans cette étude. »

Depuis, rien.

D’autres régulateurs européens ont pris le taureau par les cornes.

En Norvège, Finanstilsynet avait enjoint dès 2015 DNB Asset Management, la filiale de gestion d’actifs de la plus grande banque norvégienne, DNB, de prendre des mesures correctives pour un de ses fonds d’actions norvégiennes.

Ce fonds se prétendant actif sans l’être facturait des frais de gestion de 1,8%, alors que DNB Asset Management gérait également un fonds indiciel d’actions norvégienne dont les frais de gestion étaient de 0,3%.

Finanstilsynet avait proposé deux solutions à DNB AM pour remédier au manquement : redonner une gestion vraiment active au fonds, ou bien le convertir en fonds indiciel. Dans les deux cas, il fallait indemniser les investisseurs à hauteur du trop-perçu en matière de frais de gestion.

Une association de consommateurs, le Forbrukerrådet, avait fédéré 180 000 investisseurs privés norvégiens concernés (la Norvège ayant 5,37 millions d’habitants, c’est comme si 2 250 000 investisseurs privés intentaient via une association de consommateurs une action de groupe en France) et attaqué DNB en justice.

La Cour Suprême norvégienne vient de condamner DNB à indemniser les investisseurs lésés, à hauteur de l’équivalent de 34 millions d’euros, en validant l’argumentation du régulateur.

Ce dernier avait utilisé quelques métriques (l’écart de suivi, l’écart de performance, la part active) pour arriver à la détermination que le fonds n’était pas géré activement. La banque avait bien entendu contesté ces métriques, disant qu’elles ne permettaient pas d’identifier de façon certaine les closet indexers.

C’est le raisonnement du régulateur qui a finalement prévalu auprès de la Cour Suprême norvégienne.

Tant qu’il n’était pas possible d’identifier les fonds pseudo-actifs, ces derniers pouvaient dormir tranquilles. La décision norvégienne pourrait faire jurisprudence dans d’autres pays européens et ouvrir la voie à des actions de groupe.

Tant mieux. Car la gestion active souffre de deux maux. Le principal : un niveau de frais trop élevé pour espérer faire mieux que des fonds indiciels dont les frais sont de plus en plus bas ; et l’accessoire : les fonds pseudo-actifs.

La chasse aux closet indexers va pouvoir commencer. Au nom de tous les investisseurs en fonds gérés activement et des vrais gérants actifs, un grand merci à la Cour Suprême de Norvège.

Cet article est paru initialement dans le numéro d’avril 2020 de Gestion de Fortune, sans les illustrations ni les liens.

Illustration : Dead Ringers (Faux Semblants) de David Cronenberg (1988)

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