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Actif vs Indiciel

SPIVA, comment va la gestion active en Europe ?

Deux grandes études mesurent le taux de succès de la gestion active : le baromètre actif/passif de Morningstar (j’ai récemment synthétisé les résultats du dernier baromètre pour les fonds domiciliés aux Etats-Unis dans une série de deux posts, la premier est ici, le second est là) et l’étude SPIVA de Standard & Poor’s Dow Jones Indices (ci-après S&P DJ).

SPIVA est l’acronyme de S&P Indices vActive, à savoir indices S&P contre gestion active. L’étude compare les fonds gérés activement regroupés par grandes catégories avec un indice S&P Dow Jones représentatif. Cet indice n’est pas nécessairement celui de chaque fonds.

SPIVA calcule le pourcentage des fonds de l’univers de départ ayant été battus par l’indice de référence affecté à la catégorie sur 1, 3, 5 et 10 ans. 

Je rappelle en outre que la performance d’un indice ne comporte aucun frais, elle n’est donc pas atteignable pour les investisseurs. On peut chercher à la répliquer en investissant dans un véhicule indiciel (ETF ou fonds traditionnel), qui facturera des frais venant en déduction de la performance délivrée à l’investisseur.

Je rappelle enfin qu’un fournisseur d’indices vend à des institutions financières les droits d’utilisation de ses produits et que le gros du chiffre d’affaires est constitué de redevances payées par les gérants de fonds indiciels. Il est donc de l’intérêt bien compris du fournisseur de promouvoir l’approche indicielle.

L’étude SPIVA arrêtée au 31 décembre 2019 vient d’être publiée pour les fonds domiciliés en Europe (elle est disponible ici, PDF en anglais). Les calculs sont effectués dans différentes devises européennes (l’euro, la sterling, le franc suisse, la couronne danoise, la couronne suédoise, le zloty polonais).

Méthodologie

SPIVA utilise des données fournies par Morningstar pour les fonds domiciliés en Europe. Les différentes catégories Morningstar sont agrégées au sein de macro-catégories définies par S&P DJ (ci-dessous la composition de la macro-catégorie Actions Europe).

Cette approche conduit  à comparer à un indice unique composé de valeurs de toutes capitalisations (mais avec un poids prédominant pour les grandes capitalisations), des fonds de grandes, de moyennes et de petites capitalisations, ainsi que des fonds pouvant investir dans toutes les tailles de capitalisations. C’est une de ses limites.

Voici les principales caractéristiques de SPIVA :

  • Biais du survivant : de nombreux fonds sont liquidés, généralement parce qu’ils ont des performances médiocres. Les fonds liquidés sont purgés des bases de données et les performances historiques ne tiennent pas compte de leur performance, ce qui conduit vraisemblablement à surévaluer la performance moyenne. SPIVA tient compte des fonds liquidés pour ses calculs sur la période pendant laquelle ils existaient pour contrer le biais du survivant.
  • Performances pondérées des encours : pour calculer les moyennes de performance, SPIVA n’utilise pas une moyenne arithmétique (qui donne un poids égal à chaque fonds quelle que soit sa taille) mais une moyenne pondérée en fonction des encours des fonds, qui reflète mieux la réalité « moyenne » pour l’investisseur.
  • Nettoyage des données : SPIVA utilise pour les calculs une seule part par fonds, celle ayant les encours les plus élevés. Les fonds indiciels (traditionnels et ETF) et les fonds à effet de levier sont exclus de l’univers, qui ne comprend que les fonds se disant actifs.

Voici les résultats de quelques catégories, en euro.

 

Actions globales ?

Pour cette catégorie, c’est la Bérézina sur toutes les périodes : la gestion active réalise son « meilleur » score sur un an, 18% des fonds actifs battant l’indice de la catégorie. Sur 10 ans, ce sont 98% des fonds actifs qui ont sous-performé.

 

Actions Marchés Emergents ?

Sur un an, la moitié des fonds gérés activement ont surperformé l’indice S&P/IFCI composite. Sur 3 et 5 ans, c’est franchement mauvais, et sur 10 ans calamiteux : 96% des fonds actifs ont sous-performé.

 

Actions Etats-Unis ??

Sur le marché présumé être le plus efficient au monde, les fonds actifs sont à la peine sur toutes les périodes. Sur 10 ans, moins de 2% d’entre eux font mieux que le S&P 500.

Le poids des Etats-Unis dans l’indice MSCI ACWI était de 56,17%  à fin février.

Au vu de ces résultats, il n’est pas étonnant que la majorité des actifs gérés collectivement en actions Etats-Unis soient aujourd’hui dans des véhicules indiciels (aux Etats-Unis, on n’en est pas encore là en Europe).

 

Actions Europe ?

A titre anecdotique (une durée d’un an ne permettant de tirer aucune conclusion statistiquement fiable), les résultats 2019 sont mauvais : 71% des fonds ont sous-performé l’indice affecté à la catégorie. C’est pire sur 3 et 5 ans et catastrophique sur 10 ans, puisque 87% des fonds ont sous-performé.

 

Actions zone euro

C’est encore pire pour les actions zone euro : 91% des fonds ont sous-performé sur 10 ans.

 

Actions pays nordiques ?? ?? ?? ??

Ah, le célèbre « modèle nordique ». Un paradis pour les gérants actions actifs, non ? Un marché de spécialistes, non ?

Pas vraiment. Si 39% des fonds actifs ont surperformé sur 1 an, sur 3 et 5 ans, c’est catastrophique, et sur 10 ans, calamiteux : 96% des fonds actifs ont sous-performé.

 

Actions France ??

C’est tout aussi terrifiant pour les fonds actions France : 90% des fonds gérés activement ont sous-performé sur 10 ans.

Le poids de la France dans l’indice MSCI ACWI était de 3,24% à fin février.

 

Actions Allemagne ??

Les résultats sont un peu moins catastrophiques. Mais sur 10 ans, 83% des fonds ont sous-performé.

A fin février, le poids de l’Allemagne dans l’indice MSCI ACWI était inférieur à celui des valeurs françaises (qui était de 3,24%).

 

Actions Italie ??

C’est un peu mieux pour les fonds actions Italie sur 5 et 10 ans, mais ce n’est pas glorieux : les deux tiers des fonds ont sous-performé l’indice affecté à la catégorie sur ces 2 durées.

A fin février, le poids de l’Italie dans l’indice MSCI ACWI était inférieur à celui des valeurs françaises (qui était de 3,24%).

 

Actions Espagne ??

Pas mieux outre-Pyrénées.

A fin février, le poids de l’Espagne dans l’indice MSCI ACWI était inférieur à celui des valeurs françaises (qui était de 3,24%).

 

Actions Pays-Bas ??

Une pensée émue pour nos ami.e.s bataves : pas un fonds géré activement n’a fait mieux que le S&P Netherlands BMI sur 1 et 3 ans. C’est mieux sur 10 ans mais ça reste calamiteux : 96% des fonds actifs ont sous-performé.

A fin février, le poids des Pays-Bas dans l’indice MSCI ACWI était inférieur à celui des valeurs françaises (qui était de 3,24%).

 

Actions Royaume-Uni ??

Faisons un saut au Royaume-Uni, paradis des gérants actions actifs.

Au sein du MSCI ACWI, c’est la troisième plus forte pondération, avec 4,46% de la capitalisation de cet indice à fin février (56,17% pour les Etats-Unis et 7,07% pour le Japon).

Les performances sont bien entendu calculées en £.

Grandes capitalisations

Tiens, une majorité de fonds actifs grandes capitalisations ont surperformé sur un an. Sur 3 ans, une moitié. Sur 5 et 10, environ deux tiers des fonds actifs ont sous-performé.

Grandes et moyennes capitalisations

Les résultats sont similaires pour les fonds grandes et moyennes capitalisations.

Petites capitalisations

Le taux de succès de la gestion active fluctue selon les durées pour les petites capitalisations.

On le voit, très peu de fonds actions gérés activement surperforment sur longue durée.

Est-ce à dire que les gérants actifs sont mauvais ?

Non, ils n’ont jamais été aussi bien formés qu’aujourd’hui. Ni aussi nombreux.

Et c’est bien le problème : l’alpha est en quantité limitée et des acteurs toujours plus compétents sont de plus en plus nombreux à se le disputer.

Mais le principal problème, c’est celui des frais des fonds gérés activement. Ils sont beaucoup trop élevés par rapport à ceux des véhicules indiciels, fonds traditionnels et ETF.

Il va bien falloir se décider à en parler un jour, non ?

Illustration : carte Vidal Lablache numéro 12 – Europe, relief du sol – JeLiDee sur Pinterest

 

2 réponses sur « SPIVA, comment va la gestion active en Europe ? »

Merci. Très intéressante analyse.
Évidement il convient aussi de tenir compte des fonds multi-assets qui sont sans doute mieux armés pour faire face à un bear market voire à un crash.
Acheter l’indice c’est bien tant que le marché ne crache pas …
Sur les coûts, l’offre pléthorique de fonds permet aux investisseurs informés de trouver chaussures à leurs pieds et à bon prix. Le tout est se savoir où chercher.
Par ailleurs, il faut selon moi éviter d’opposer actif et passif.
Beaucoup d’investisseurs ont en portefeuille des lignes en direct, des fonds actifs et des ETF. Et gère leur positions em ETF de manière active.

Bonjour,

Il y a une chose que je n’explique pas c’est la discordance apparente entre le taux de succès des fonds actifs vs passif dans l’univers des marchés émergents entre l’étude SPIVA (4% de taux de succès) et l’étude de Morningstar (51% de taux de succès à 10 ans). Je sais bien que SPIVA utilise un indice pour référence, alors que Morningstar a recours à un ETF, mais je ne pense pas que cela suffise à expliquer cette discordance.

Merci d’avance.

Répondre à Tanguy van de Werve Annuler la réponse

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