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Mes Semaines Twitter 34 et 35 de 2019

Carpentier me manquait. Carpentier, c’est l’un des deux héros gendarmes de l’hilarante série de Bruno Dumont, P’tit Quinquin et Coincoin et les Z’inhumains. Sur la photo ci-dessus, Carpentier, c’est celui de droite. Celui de gauche, c’est Van der Weyden, son chef.

Carpentier, c’est mon fanal pour mettre en valeur les contributions les plus ineptes des thuriféraires de la gestion active chère. Il est apparu régulièrement dans ma semaine Twitter (cliquer ici pour retrouver l’intégrale).

Le Carpentier de la semaine revient à Lesley-Anne Scorgie, grâce à un papier d’anthologie intitulé Why low-fee investment products are bad for you. A savoir, Pourquoi les produits de placement à bas coûts sont mauvais pour vous.

D’après sa fiche sur Wikipedia, « Lesley-Anne Scorgie est une auteure canadienne, conférencière et conseillère en finances personnelles basée à Calgary. Elle a publié son premier livre intitulé Rich by Thirty: Le guide du succès financier des jeunes adultes en 2007, puis un second livre en 2010. »

Rich by Thirty = comment devenir riche avant d’avoir 30 ans. Tout un programme.

Le titre du livre de 2010 est Well-Heeled: The Smart Girl’s Guide to Getting Rich.

Scorgie met en garde ses lecteurs contre les séductions des publicités promouvant des produits indiciels à bas coûts faisant des frais bas l’argument principal :

Bien trop souvent, les investisseurs négligent les performances, séduits par le récit centré sur les frais bas. Ne tombez pas dans le piège.

Car ce qui importe, c’est le ROR. Le Rate of Return. La performance de votre placement quoi.

En faisant votre propre recherche et en utilisant les services d’un conseiller financier, vous pouvez vous tenir à l’écart des placements ayant des mauvaises performances et vous concentrer sur ceux qui ont un bon ROR, dans lesquels vous allez investir.

Mais, Lesley-Anne, comment je fais pour trouver les meilleurs ROR futurs ? Je croyais que la performance passée etc. ?

C’est très simple Philippe,

les indicateurs à regarder sont un ROR supérieur à la moyenne durant la majorité des 10 dernières années, une recherche indépendante indiquant que le risque est justifié par le ROR (j’utilise la recherche indépendante des analystes de Morningstar.ca) et la clarté sur le processus d’investissement (un tuyau, si vous ne comprenez pas ce que la société de gestion essaie de faire, n’achetez pas le produit).

Et Lesley-Anne d’assener le coup de grâce :

Les frais devraient être une considération accessoire, pas le sujet principal : même si les frais du fonds ou de votre conseiller se montent à 2,5%, avec un ROR de 12%, votre performance nette de frais est de 9,5%. Tant que votre ROR net est supérieur à celui du marché, vous devriez être content de payer ces frais1.

Bon. La fiche Wikipedia de Lesley-Anne précise également ceci :

Scorgie est apparu dans le The Oprah Winfrey Show à l’âge de 17 ans dans le segment Ordinary People, Extraordinary Wealth [Gens Ordinaires, Fortune Extraordinaire], elle y a déclaré qu’elle serait millionaire avant d’avoir 25 ans. Cependant, elle n’a pas atteint cet objectif2.

Les Carpentier de la gestion active chère, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. Bienvenue au Club Carpentier, Lesley-Anne.

Le continent nord-américain, Canada et surtout Etats-Unis, est un terreau fertile pour les charlatans. Dans mes conseils de lecture, je mentionne régulièrement Elmer Gantry (la version originale en anglais est ici) du grand Sinclair Lewis (1885-1951).

Dans l’adaptation cinématographique de Richard Brooks, Burt Lancaster est prodigieux dans le rôle d’Elmer Gantry.

Puisque j’ai parlé de terreau fertile, retournons au jardin. Je dois avouer ne rien comprendre à la psychologie de mon potager. Ca fait plus de 10 ans que j’ai découvert les joies du jardinage, mais on ne peut pas dire que j’aie connu jusque là beaucoup de succès avec les tomates. Circonstance atténuante, nous sommes généralement en vacances au mois d’août, période cruciale où il est préférable d’être présent pour arroser les tomates et leur parler. En tout cas pour arroser.

Canicules diverses + absence pendant les trois semaines d’août, le cocktail aurait dû être fatal. Il n’en est rien, et la récolte 2019 de tomates est his-to-rique, avec un ROR très au-dessus de la moyenne des 10 dernières années. Tant mieux. Je ne cherche pas à comprendre pourquoi et je ne suis sans doute pas devenu un meilleur jardinier. Soyons humble.

Bienvenue dans mes semaines Twitter 34 et 35 de 2019.

Le mirage de l’active share

L’active share mesure le degré de similarité entre le portefeuille d’un fonds et son indice de référence. Un fonds qui détiendrait toutes les valeurs de l’indice dans les mêmes proportions que ce dernier aurait une active share nulle. Un fonds qui n’aurait aucune valeur commune avec son indice a une active share de 100%.

Depuis des années, l’active share est présentée comme le Graal de la gestion active, certains chercheurs3 et certaines sociétés de gestion allant même jusqu’à affirmer que plus l’active share d’un fonds est élevée, plus sa surperformance future le sera.

Bref, plutôt que d’acheter la performance passée pour obtenir une bonne performance future, achetez une active share élevée. Le ROR est mort, vive l’active share.

Vanguard s’est penché sur cette affirmation et a cherché à savoir si elle était fondée4.

Le titre du papier (The urban legends of active share5) laisse peu de doutes quant aux conclusions. Voici les principaux enseignements de l’étude6.

  • En moyenne, les fonds ayant une active share plus élevée ne surperforment pas les fonds à bas frais et à active share peu élevée. Les investisseurs intéressés par la maximisation des rendements ajustés du risque auront intérêt à favoriser les fonds à bas frais et à active share peu élevée.
  • Il existe une relation positive statistiquement significative entre l’active share et le niveau de frais7 Cette relation explique la relation négative entre l’active share et le rendement excédentaire net8. Le coût par unité d’active share est donc important.
  • Une active share plus élevée n’est pas une prime de risque rémunérée : elle conduit à une dispersion accrue des performances sans que la performance moyenne augmente.

Quelques commentaires :

  • Si les gérants actifs veulent battre leur indice de référence, il faut que leur portefeuille soit différent de l’indice, donc qu’il ait une active share assez élevée9.
  • Il importe donc de calculer l’active share et de la fournir aux investisseurs, notamment dans les reportings périodiques. Hélas, mille fois hélas, les gérants actifs fournissant l’active share sont très peu nombreux.
  • Les bienfaits présumés d’une active share élevée sont annihilés par des frais trop élevés. Mais malheureusement, plus l’active share est élevée, plus les frais le sont aussi. Ca s’appelle se tirer une balle dans le pied.

Pas facile d’être un gérant actif aujourd’hui. Décidément, le principal suspect, ce sont quand même les frais. Il va bien falloir les baisser. Ou périr.

Connais-toi toi-même tes peurs

Connais-toi toi-même (νῶθι σεαυτόν), c’était d’après Platon un des trois préceptes gravés gravés à l’entrée du temple de Delphes. Il est (et sera) toujours d’actualité.

Joachim Klement, CFA, conseille à l’investisseur vertueux, dans une excellente série de posts (The Virtuous Investor) inspirée par Spinoza (!), de connaître ses peurs.

Klement est directeur de la recherche de Fidante Partners, une société australienne prenant des participations dans des sociétés de gestion spécialisées. Il s’intéresse de près à la psychologie des investisseurs.

Les peurs des investisseurs ont selon Klement trois facteurs explicatifs :

  • Nos gènes et nos prédispositions (Genetic effect dans l’infographie, en bleu marine) ;
  • Nos origines culturelles et l’environnement dans lequel nous vivons (Shared environment effect dans l’infographie, en bleu ciel) ;
  • Nos expériences individuelles (Individual specific error effect dans l’infographie, en violet).

Pour mesurer la part revenant à chacun des facteurs, Klement a utilisé les résultats d’une étude10 réalisée en 2009 par 3 professeurs d’université.

Ces derniers ont mesuré la variation de la part des actions dans le portefeuille d’investisseurs privés suédois par tranche d’âge, ainsi que la part de cette variation revenant à l’un des trois facteurs mentionnés ci-dessus.

Cette variation est le reflet des émotions, généralement négatives, donc des peurs.

Les prédispositions génétiques sont les plus importantes chez les jeunes investisseurs (moins de 30 ans), puisqu’elles expliquent plus de 40% de la variation de la part des actions. Si leur influence diminue avec l’âge, elles expliquent toujours 20% de la variation pour les investisseurs les plus âgés.

C’est encore chez les jeunes investisseurs (moins de 30 ans) que l’impact de l’environnement culturel (qui mixe la culture du pays et la culture familiale des individus) est le plus fort. Il disparaît après 30 ans, vraisemblablement en raison de l’expérience acquise avec l’âge.

L’infographie montre clairement que le facteur principal expliquant les variations de la part des actions dans les portefeuilles, c’est l’expérience individuelle, dont l’influence augmente avec l’âge.

Ainsi, le rapport d’un investisseur au risque actions sera en grande partie déterminé par l’environnement boursier durant sa jeunesse, quand il commence à investir.

Klement cite son propre exemple : il a commencé à investir dans des valeurs technologiques durant la bulle internet, a perdu 80% de sa mise et en a conçu une défiance durable à l’encontre des valeurs technologiques11.

A l’inverse, si un investisseur commence à s’exposer au marché actions durant une période faste, sa tolérance au risque sera plus élevée.

Nos expériences individuelles durant nos années de formation (avant trente ans) conditionnent donc nos peurs dans une proportion qui augmente avec l’âge.

Pour essayer de surmonter ses peurs, l’investisseur doit en comprendre les sources, en essayant de faire l’historique de sa relation avec les marchés actions. Un bon conseiller peut l’aider dans cette tâche.

Pour vous abonner à l’excellente lettre quotidienne de Klement, cliquez ici.

Horizon d’investissement, pas si long

Joe Wiggins, CFA, est l’éditeur de l’excellent site Behavioural Investment, consacré, comme son nom l’indique, à la finance comportementale. Le jour, Wiggins est gérant de fonds de fonds multi classes d’actifs chez Aberdeen Standard Investments.

Quand on parle d’investir dans des produits de placements risqués, on en vient rapidement à parler d’horizon de placement : la durée d’immobilisation des sommes investies, qui est un des déterminants importants de l’allocation d’actifs de l’investisseur.

Pour Wiggins, il arrive fréquemment que l’horizon de placement de l’investisseur soit dans la vraie vie inférieur à celui qu’il.elle avait envisagé avant d’investir.

Pourquoi donc ?

Parce que nous sommes humains.

Le déterminant principal [de notre comportement], c’est la façon dont nous abordons les marchés financiers : à quelle fréquence consultons-nous notre portefeuille ? Est-il facile de faire des transactions ? Quel est l’impact des fluctuations quotidiennes des cours sur notre niveau d’anxiété ? Suivons-nous en permanence l’actualité financière ? La performance de court terme ?

Pour réussir un placement de long terme selon Wiggins, il faut comprendre la discipline comportementale requise. Pour cela, il est important de faire abstraction du bruit quotidien des marchés et des commentaires des « experts »12.

Mission impossible pour la plupart d’entre nous : le placement de long terme se métamorphose en une succession de décisions de court terme.

Les 17 lois de Morgan

Ah, Morgan Housel. L’un de mes blogueurs favoris : il ne parle jamais vraiment de produits financiers, jamais vraiment de stratégies, et produit un contenu à la fois remarquable et utile.

Il écrit « long ». Il écrit bien. Son post sur les 17 lois régissant l’investissement est une merveille, en voici quelques pépites.

Mais au fait, c’est quoi une « loi » en matière de placements ? S’il est incapable d’en donner une définition précise, Housel s’est limité aux forces qui influencent tout type de placement, dans tous les secteurs, dans tous les pays, à travers le temps, et tente d’expliquer pourquoi la loi restera indéfiniment en vigueur.

Conviction forte chez Housel, quand on investit, il ne faut pas seulement étudier la finance, mais également étudier la façon dont nous nous comportons avec l’argent. Les « lois » s’attachent donc à décrire la façon dont nous réagissons face aux risques, aux gains et à la rareté.

  • Loi #6: le plus grand risque, c’est celui dont personne ne parle, parce que si personne n’en parle, c’est que personne n’est préparé à y faire face.
  • Loi #9: les meilleures performances proviennent d’événements exceptionnels (« tail events« ), ce qui explique pourquoi il est normal de gagner tout en perdant la plupart du temps.
  • Loi #10: les stratégies qui marchent changent car les métriques qui intéressent les investisseurs évoluent.
  • Loi #11: la preuve la plus convaincante est celle dont nous voulons qu’elle soit vraie et/ou dont nous avons fait personnellement l’expérience.
  • Loi #13: les erreurs de diagnostic nous incitent à agir alors qu’en matière de placement, la première règle en matière de capitalisation (« compounding« ) est de ne jamais l’interrompre [la capitalisation] inutilement.
  • Loi #17: l’humble arithmétique de l’épargne, des frais et des impôts. Epargner peut être plus important que la performance des investissements eux-mêmes, car vous contrôlez plus votre taux d’épargne que vous ne contrôlez la performance de vos investissements.

Cette dernière phrase est très puissante, quand on y réfléchit un peu.

Lisez le post dans son intégralité, Morgan Housel explique bien entendu en détail chacune de ses 17 lois.

Pendant ce temps, aux Etats-Unis

Allez, quelques statistiques de collecte par société de gestion, fournies par Morningstar.

C’est sur un an, au 30 juin 2019.

Un trio a enregistré une collecte nette supérieure à 100 milliards de $ : en tête, Vanguard, suivi de près par BlackRock/iShares.

Plus surprenant, Fidelity pointe à la troisième place, avec une collecte nette de 105 milliards de $. Fidelity, c’est le gérant actif par excellence. Et cette collecte nette est intégralement (et même plus) due à sa gamme de fonds indiciels.

Il est loin le temps13 où Edward C. Johnson, alors Chairman de Fidelity, disait ne pas pouvoir croire que la grande masse des investisseurs allait se contenter de performances moyennes.

I can’t believe that the great mass of investors are going to be satisfied with just receiving average returns. The name of the game is to be the best. 

Aujourd’hui, the name of the game is to be average all the time at the lowest possible cost. Je rappelle que Fidelity a lancé l’an dernier 4 fonds indiciels traditionnels (des mutual funds, pas des ETF) à frais de gestion nuls.

Nuls. L’investisseur garde tout le ROR ! Tout le ROR, Lesley-Anne. Voilà comment on devient plus riche : en payant moins de frais.

Les produits dont il a été question dans mes semaines Twitter 34 et 35 peuvent être achetés en cliquant sur les liens ci-dessous (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).

Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais .

N’hésitez pas à réagir dans la rubrique « Laisser un commentaire » à la fin de chaque article. Votre contribution ne sera publiée qu’après validation par mes soins.

Je ne suis pas habilité à donner dans ce blog des conseils sur les produits, ne me sollicitez pas ici pour cela.

Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.

Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.

Je connais un conseiller financier payé par ses clients. Il s’appelle Alpha & K, j’en suis co-fondateur avec Julien Coudert. Vous trouverez plus d’informations sur le site de la société.

C’étaient mes semaines Twitter 34 et 35 de 2019. Sayōnara. さようなら

  1. Et si par malheur votre ROR était inférieur à celui du marché, demandez à la société de gestion ou à votre conseiller financier de vous rembourser les 2,5% de frais. Dites bien que vous venez de la part de Lesley-Anne.
  2. Elle a maintenant 36 ans, j’espère sincèrement qu’elle est aujourd’hui millionnaire, car elle le vaut bien.
  3. Publié en 2006, How Active is Your Fund Manager? A New Measure That Predicts Performance de Martijn Cremers et Antti Petajisto est le papier qui a popularisé l’active share.
  4. D’autres avant Vanguard s’étaient livrés à l’exercice et avaient conclu qu’une active share élevée ne permettait pas de prédire une performance future élevée. Les principaux papiers de recherche sont cités en page 2 du document de Vanguard.
  5. Les légendes urbaines de l’active share
  6. En utilisant des données Morningstar et FactSet, Vanguard a travaillé sur les fonds actions Etats-Unis gérés activement de droit américain entre 2003 et 2018.
  7. En bon français : plus l’active share est élevée, plus les frais sont élevés.
  8. En bon français : plus l’active share est élevée, moins le rendement excédentaire est élevé
  9. Par une convention relativement consensuelle, on considère qu’une active share supérieure à 60% dénote une gestion réellement active.
  10. Nature or nurture: What determines investor behavior? par Amir Barnea, Henrik Cronqvist et Stephan Siegel.
  11. Défiance qu’il a depuis surmontée.
  12. Les abonnés à Free – dont je fais partie – sont privés depuis peu de l’accès à BFM TV, source majeure de bruit.
  13. C’était après le lancement par Vanguard du premier mutual fund indiciel, qui eut lieu en 1976.

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