Une étude récente de Morningstar confirme la sous-représentation des femmes parmi les gérants de fonds dans le monde entier. Pis encore, il n’y a eu presque aucun progrès depuis 2008.
Morningstar a examiné 26340 gérants de fonds dans 56 pays, étendant ainsi le périmètre d’une étude réalisée pour la première fois en 2015 aux Etats-Unis, en Espagne et à Hong Kong.
Les « bons » élèves et les autres
C’est un palmarès par défaut, les « bons » élèves étant plutôt les moins mauvais.
On trouve la plus forte proportion de femmes parmi les gérants de fonds à Singapour (30%), au Portugal (28%), en Espagne (26%), à Hong Kong (26%) et en France (21%).
Dans les pays où les gérants de fonds sont le plus nombreux, c’est nettement moins bien : Grande-Bretagne (13%), Australie et Nouvelle-Zélande (11%), Canada (11%), Etats-Unis (10%).
La finance, terre hostile aux femmes ?
Morningstar a comparé la féminisation de la profession de gérant de fonds avec celle de professions requérant des compétences professionnelles similaires : avocats et docteurs. Ainsi qu’avec la proportion de femmes parmi les détenteurs de la certification financière CFA, délivrée par le CFA Institute (avertissement : je suis détenteur de la certification CFA et suis membre de CFA Institute).
Dans tous les pays pour lesquels les données sont disponibles, le taux de féminisation est beaucoup plus élevé parmi les avocats et les médecins.
Biais de genre
Morningstar arrive à la conclusion que les femmes ont des opportunités limitées dans les postes de gestion de fonds du secteur de la gestion d’actifs.
Et pour celles qui arrivent à devenir gérantes de fonds, c’est généralement dans un environnement où la responsabilité est partagée, ou bien dans un cadre de gestion indicielle plutôt qu’active (la gestion indicielle étant considérée comme moins prestigieuse que la gestion active). On leur confiera plus volontiers la gestion de fonds de fonds que la gestion d’un fonds dans lequel le gérant/la gérante doit acheter des titres individuels.
Enfin, les femmes sont moins susceptibles de gérer plusieurs fonds que les hommes.
Morningstar examine également le comportement en fonction du sexe. Les femmes gérantes de fonds ont une durée de détention moyenne plus élevée, et ce dans toutes les classes d’actifs étudiées et quelle que soit la configuration de marché. Cette caractéristique est en phase avec les conclusions de nombreuses études selon lesquelles les hommes font beaucoup plus de transactions que les femmes.
Pour Morningstar, ce trait comportemental dénote des convictions plus fortes chez les femmes et devrait constituer un atout majeur pour gérer des fonds actifs : toutes les études montrent que les frais sont le pire ennemi de la performance, faire moins de transactions, c’est encourir moins de frais. Hélas, l’étude de Morningstar montre également que les femmes sont moins susceptibles de gérer des fonds actifs.
Parmi les gérants actions et les gérants obligataires, Morningstar conclue que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de détenir la certification CFA. Même si détenir cette certification n’implique pas qu’on soit un meilleur analyste ou un meilleur gérant, cela dénote une maîtrise technique et requière une expérience professionnelle d’au moins 4 ans.
Des opportunités qui évoluent
Les grands gérants actions sont plus susceptibles de nommer des femmes gérantes de fonds que les petits.
Globalement, parmi les gérants actions, 7,7% des gérants de fonds sont des femmes. Chez les poids lourds ayant les actifs sous gestion les plus élevés, le ratio est plus élevé, allant de 9,5% chez Fidelity et Vanguard à 13,8% chez American Funds et Franklin Templeton.
En 2008, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’être gérantes de fonds socialement responsables. Dans sa dernière étude, Morningstar montre que ce n’est plus le cas et suppose que c’est dû à la forte croissance des stratégies ISR (investissement socialement responsable), qui a attiré des gérants hommes.
Comme dans de nombreux autres secteurs d’activité, les femmes sont sous-représentées parmi les gérants de fonds. Alors que le secteur de la gestion, notamment active, fait face à des critiques très virulentes, y compris de la part des régulateurs, il serait bon qu’il s’intéresse sérieusement aux raisons pour lesquelles les femmes, au moins aussi qualifiées que leurs homologues masculins, n’accèdent pas aux mêmes responsabilités.
En France, même si nous n’avons pas à rougir de nos résultats relatifs, il reste une marge de progression considérable.
CFA Institute a lancé une initiative globale, Women in Investment Management (les femmes dans la gestion d’actifs), visant à augmenter le nombre de femmes dans la profession et parmi les détenteurs de la certification CFA, à leur permettre de rester dans la profession et de l’influencer de l’intérieur, et à susciter dans le secteur une demande de diversité, vitale pour l’avenir. Plus de détails ici (en anglais). CFA Society France relaie cette initiative localement.
CFA Institute a également commissionné une étude sur la diversité femmes-hommes dans la gestion d’actifs, qui parvient malheureusement aux mêmes résultats que l’étude de Morningstar. Cette étude est ici (en anglais).
Enfin, CFA Institute a organisé en septembre 2016 une conférence dédiée à ce sujet (Alpha and Gender Diversity: the Competitive Edge, soit Alpha et la diversité femmes/hommes : l’avantage concurrentiel), dont les principales interventions sont synthétisées dans ce post publié sur l’excellent Blog The Enterprising Investor.
Morningstar a publié une synthèse de son étude ici. Quant à l’étude complète, elle est accessible là.