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Ma Semaine Twitter #47

Rude semaine pour les dindes. Heureusement qu’il y aura un peu de répit pour les volailles avant une nouvelle période difficile à l’occasion des fêtes de fin d’année. Un bon chapon est meilleur qu’un malheureux poulet élevé en batterie, et plus cher. En matière de gestion d’actifs en revanche, pas sûr que plus cher soit synonyme de mieux. Ca pourrait mettre bien être l’inverse. Bienvenue dans ma Semaine Twitter 47.

Les dindes attaquent

On commence par un clin d’oeil. Ce tweet du magazine libéral satirique The Economist m’a beaucoup diverti.

Si vous n’êtes pas anglophone, le graphique représente l’évolution du poids moyen des dindes d’après le Ministère de l’Agriculture états-unien. The Economist extrapole ensuite la tendance passée pour arriver à la conclusion que les dindes pèseront autant que les humains dans 150 ans et qu’il faut les manger avant qu’elles ne nous mangent.

Cliquez sur la flèche pour voir l’animation.

Frais trop élevés, sortez de ce corps

Le génie des frais est sorti de la bouteille, et il va être difficile de l’y faire rentrer.

Comme les Canadiens de GestaltU, dont il fut question la semaine dernière, John Rekenthaler, une des signatures de Morningstar aux Etats-Unis, considère qu’il faut rapporter les frais des fonds gérés activement à leur surperformance, et pas à leur performance. En effet, leur raison d’être est de faire mieux que l’indice, et c’est donc par rapport à cet objectif qu’il faut évaluer leur coût.

Reprenant les termes de Charley Ellis, qui considère que le modèle de facturation de la gestion d’actifs (un pourcentage des actifs gérés) est le plus profitable au monde, il rappelle que ce secteur est probablement le seul à ne pas faire bénéficier ses clients d’économies d’échelle (voir ci-dessous pour un exemple parlant de « dis-économies d’échelle »).

Rekenthaler recommande également d’exprimer les coûts de la gestion en montant, et pas seulement en pourcentage, pour transformer une abstraction (un pourcentage) en quelque chose de tangible pour les clients.

Investisseurs, surveillez les frais de vos fonds

Russel Kinnell est une autre des signatures de Morningstar aux Etats-Unis. Dans un récent post, il est revenu sur la guerre des prix qui fait rage dans l’industrie des ETF. Mais sur certains ETF seulement. Pas sur tous. Caveat emptor.

Et il s’attarde même sur l’exemple du fonds Oppenheimer Small-Mid Companies, dont les actifs ont très fortement progressé entre 2013 et 2015 (500 millions de collecte en 2013, 700 millions en 2014, 2,8 milliards en 2015).

Que fit la société de gestion ? Elle décida d’avoir le beurre et l’argent du beurre (« to have its cake and eat it »), changea l’indice du fonds (passant d’un indice small caps à un indice mid caps), ferma le fonds aux nouvelles souscriptions et augmenta les frais de gestion de 1,18% à 1,43% (le pourcentage n’étant pas très élevé, ça semble peu, mais c’est une augmentation de 21,2%, ce qui change radicalement la perspective).

Kinnell ironise sur les « dis-économies » d’échelle de ce fonds qui facturait 1,14% de frais de gestion quand ses encours étaient de 600 millions de $, et qui facture 1,43% quand ils s’élèvent à 6,8 milliards. Soit un revenu annuel pour la société de gestion de 97 millions de $ contre 7 millions auparavant.

Pour sa défense, celle-ci indique avoir augmenté les frais de gestion pour tenir du nouvel indice, plus large que le précédent. Et avoir recruté un second analyste. Donc Kinnell se demande s’il est payé 90 millions de $ par an.

Kinnell conseille aux investisseurs de surveiller les frais de leurs fonds et d’examiner les alternatives moins chères, car il y a quand même de la concurrence sur les prix entre sociétés de gestion. 

Jack Bogle, révolutionnaire marxiste

Les lecteurs de ce blog sont familiers de Vanguard et de son fondateur, Jack Bogle. Ce dernier a aujourd’hui 87 ans et a créé Vanguard il y a 40 ans, en 1976.

Michael Regan, un excellent éditorialiste de Bloomberg, s’est longuement entretenu avec le père de la révolution indicielle.

Lisez, l’entretien est passionnant.

J’en sélectionne un seul thème : Bogle réfute une note de recherche de Sanford Bernstein, un courtier actions, écrite par le stratégiste Inigo Fraser-Jenkins. Cette note, intitulée « The Silent Road to Serfdom: Why Passive Investing Is Worse Than Marxism” (« La route silencieuse vers la servitude : pourquoi la gestion indicielle est pire que le marxisme ») et publiée en août 2016, affirmait que la gestion indicielle empêchait l’allocation efficiente du capital (ce en quoi elle était pire que le marxisme).

Pour Bogle, le marché actions n’a RIEN à voir avec l’allocation du capital. C’est un univers clos dans lequel des acheteurs et des vendeurs échangent des capitaux sur le marché secondaire, le marché primaire (les introductions en bourse ou les augmentations de capital) ne représentant qu’une infime partie de ce qu’on appelle le marché.

Si vous voulez écouter Bogle, il a récemment été interviewé par la BBC dans l’émission Money Box. D’autres intervenants aident à mettre ses propos en perspective.

Mon robot ne connaît pas l’empathie

Michael Kitces est un consultant et bloggeur spécialiste du monde du conseil financier aux Etats-Unis.

Dans un récent post, il entrevoit très prochainement un monde dans lequel des algorithmes pourront à la fois se charger de la gestion financière des portefeuilles (ce que font déjà aujourd’hui les robo-advisors) mais aussi de la planification financière (ce seront alors des robo-planners).

Pour survivre, il faudra que les conseillers financiers développent une qualité qu’aucun robot ne pourra jamais acquérir (je l’espère en tout cas) : l’empathie.

Empathie : faculté de s’identifier à quelqu’un, de ressentir ce qu’il ressent. (Petit Robert, édition 1996)

Comme toutes les compétences personnelles (« soft skills »), l’empathie n’est pas enseignée à l’université ni dans les cursus de certification professionnelle des conseillers financiers (par exemple la certification CFP – Certified Financial Planner – aux Etats-Unis).

Et pourtant, alors que l’intelligence artificielle fait des progrès phénoménaux, il semble inéluctable à Kitces que la machine sera bientôt plus performante que le conseiller financier. Ce dernier devra donc évoluer, passant du statut de détenteur du savoir (« knowledge worker ») à celui de gestionnaire de la relation avec son client (« relationship worker »).

Et pour bien gérer une relation humaine, il faut avoir de l’empathie.

Défense et illustration de la gestion active

First Eagle Investment Management est un gérant actif états-unien avec environ 98 milliards de $ d’actifs au 30.09.2016. Son vaisseau amiral est le First Eagle Global Fund, qui existe depuis 1979 et a été géré dans le passé par Jean-Marie Eveillard, un Français auquel Morningstar avait décerné le titre de gérant actions internationales de l’année en 2001.

On retrouve cette stratégie en Europe dans un compartiment d’une sicav luxembourgeoise d’Amundi (lien vers la fiche Quantalys ici).

Alpha Beta Blog s’intéresse de près à toute prise de parole par les gérants actifs pour défendre leur approche. First Eagle IM l’a fait récemment.

Selon la société de gestion, nous vivons une époque risquée : l’endettement est l’un des risques, la géopolitique en est un autre. Généralement, dans un tel environnement, les actifs risqués ont des niveaux de valorisation plus faibles, précisément pour rémunérer le risque.

Or ce n’est pas le cas : les taux d’intérêt sont à des niveaux très bas, voire négatifs sur certains segments de la courbe des taux ; les valorisations des marchés actions sont au-dessus de leur niveau historique. 

Dans l’environnement que prévoit First Eagle dans les 10 prochaines années, il ne sera pas possible d’obtenir des rendements satisfaisants en s’exposant au seul beta des marchés actions ou en prenant un risque de duration (c’est-à-dire en s’exposant à des obligations de maturité assez éloignée).

Après un coup de griffe à la gestion passive (« une stratégie parasite qui a besoin d’un hôte actif dynamique »), First Eagle vante son modèle : sélection de valeurs, capacité à augmenter la poche de liquidités dans le fonds pour se prémunir de baisses, champ d’investissement mondial et exposition constante et structurelle à l’or pour se couvrir en cas de très fortes baisses des marchés.

La démonstration n’en est pas une, elle repose sur des hypothèses, mais elle a le mérite d’exister.

Moins d’histoires, plus de faits

Il fut question ici il y a deux semaines d’Evidence-Based Investing (EBI). 

Le terme, jusque là utilisé dans le petit cercle des convaincus, est en train de gagner en popularité. John Rekenthaler, éditorialiste pour Morningstar aux Etats-Unis (dont il a déjà été question dans cette Semaine Twitter 47), était l’un des intervenants de la première conférence EBI qui s’est tenue à New York le 14 novembre dernier.

Selon lui, les investisseurs n’achètent plus les fonds comme avant. Ils sont moins sensibles aux histoires que leur racontent les gérants et les conseillers financiers, et plus à des faits vérifiables, s’articulant autour de la sainte trinité : frais, persistance (de la performance) et transparence (du portefeuille).

Les stratégies de vente vont devoir évoluer : raconter une histoire sur une bonne performance récente et les nombreuses raisons pour lesquelles cette performance pourrait continuer dans le futur ne va plus suffire. Les investisseurs ne se contentent plus de promesses, ils veulent des faits.

Une adaptation nécessaire et douloureuse en perspective pour les sociétés de gestion et les distributeurs.

Investir en une fois ou progressivement ?

Que faire quand on souhaite investir une somme importante (héritage, produit d’une vente) ? Faut-il tout investir en une fois ou y aller progressivement ?

Instinctivement, la crainte d’une évolution très négative des marchés juste après l’investissement en une fois de la totalité de la somme nous incite à y aller progressivement.

Vanguard a fait quelques simulations pour vérifier laquelle des deux options donnait les meilleurs résultats.

Comment ? En constituant un portefeuille comportant 60% d’actions (marché local) et 40% d’obligations (marché local), rebalancé tous les mois pour rétablir l’allocation cible.

Vanguard a fait la simulation pour un investisseur états-unien (sur la période 1926-2015), anglais (sur la période 1976-2015) et australien (sur la période 1984-2015), en utilisant des indices représentatifs et sans tenir compte de frais (gestion ou transaction).

Résultat de l’exercice : dans la majorité des cas (2/3 quand l’investissement progressif se fait sur 12 mois), c’est l’investissement de la totalité de la somme en une fois qui obtient les meilleures performances.

Logique, dès lors que l’on considère que les marchés délivrent sur le long terme une performance positive. Investir en totalité dès le début de la période permet de s’exposer à cette tendance, là où un investissement échelonné conduit à ne pas rémunérer du tout une partie de la somme investie pendant un certain temps. 

Le résultat est le même que la période d’investissement progressif soit plus courte (6 mois) ou plus longue (24 mois). Et pour d’autres  allocations d’actifs (100% obligations, 50/50 actions/obligations, 100% actions).

Vanguard considère que l’investissement progressif a une vertu, celle de minimiser le potentiel de regret en cas de forte baisse immédiatement après l’investissement de la somme en une seule fois, notamment quand cette somme est significative.

Et si l’investisseur tient réellement à s’exposer progressivement, les résultats de l’étude conduisent Vangard à recommander de le faire sur une durée maximum de 12 mois.

Cette hiérarchie (la performance d’un investissement en une seule fois est supérieure à celle d’un investissement progressif) sera conservée dans le futur si les actions et les obligations continuent de délivrer des performances supérieures à la rémunération des liquidités. 

C’était ma Semaine Twitter 47. A la semaine prochaine.

N’hésitez pas à suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog (en français). Et le compte sur lequel je tweete en anglais.

J’ai écrit cette semaine sur les sociétés de gestion préférées des conseillers financiers facturant majoritairement des honoraires aux Etats-Unis, c’est ici.

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