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Paru ailleurs

Plus vert que moi, tu meurs

Quand je réfléchis aux planches de salut de la gestion active, attaquée de toutes parts par la gestion indicielle à bas coûts, je psalmodie deux mantras :

  • L’avenir est thématique.
  • L’avenir est ESG.

En tout cas en Europe. En effet, si la gestion indicielle est déjà dominante aux Etats-Unis sur ces deux marchés, c’est encore la gestion active qui domine en Europe.

En ce qui concerne l’ESG, le génie est sorti de la bouteille et ne devrait pas y rentrer de sitôt. Le narratif en faveur de l’ESG est en effet très convaincant : la survie de l’humanité en dépend ! Sauvons la planète avec nos placements ! Limitons le réchauffement climatique !

Sous l’influence des Etats ou des structures supra-étatiques, avant tout en Europe, les investisseurs institutionnels sont de plus en plus incités à intégrer des critères ESG dans leur stratégie d’investissement.

Les fournisseurs de produits des institutionnels que sont les sociétés de gestion sont obligés de suivre le mouvement et se convertissent en nombre grandissant à l’investissement durable et responsable.

« Nous avons placé l’ESG au cœur de notre processus d’investissement. »

« Nous faisons de la durabilité la plus haute priorité de notre équipe de direction, et de l’ESG une part intégrale de notre ADN. »

Et tiennent des discours sous-entendant trop souvent un lien mécanique entre la détention de fonds gérés selon des critères ESG (qu’ils soient article 8, qui va devenir le standard minimum pour être considéré par certains institutionnels, ou article 9, le nec plus ultra en matière d’ESG selon la réglementation SFDR) et leur impact positif sur la planète.

Plus vert que moi, tu meurs.

Mais voilà, il y a parfois loin de la coupe aux lèvres, et certains épisodes récents laissent en bouche un arrière-goût prononcé de greenwashing.

Ca a commencé avec Tariq Fancy, qui fut de janvier 2018 à septembre 2019 le Directeur des Investissements Durables de BlackRock. En février 2021, il se lâche dans une chronique publiée par le quotidien USA Today, dans laquelle il affirme que Wall Street considère l’ESG comme une gigantesque opération de relations publiques et se livre au greenwashing.

Il aggrave son cas en publiant en août 2021 une série de 3 billets sur le site Medium, The Secret Diary of a ‘Sustainable Investor’, racontant de l’intérieur comment la machine à vendre BlackRock demande aux gestionnaires ESG de tenir un discours simple aux clients : « dites-leur que nos ETF bas carbone ont une empreinte carbone inférieure à celles des produits concurrents, rien de plus ».

Alors que Fancy voulait tenter d’expliquer les mécanismes par lesquels un portefeuille bas carbone pouvait peut-être contribuer à améliorer la situation de la planète.

Ca a continué en août 2021 quand on apprenait par le Wall Street Journal que la SEC aux Etats-Unis et la Bafin en Allemagne avaient ouvert une enquête sur DWS, la filiale de gestion d’actifs de Deutsche Bank, suspectée d’avoir surestimé dans son rapport annuel 2020 la part de ses encours gérée en suivant des critères ESG.

Plus vert que moi, tu meurs.

Du côté des fonds actions ESG, dont une des promesses est d’investir dans des sociétés luttant contre le réchauffement climatique, ça n’est pas joli non plus.

InfluenceMap, une société anglaise, a identifié et analysé 723 fonds, dont 593 fonds ESG et 130 fonds climatiques, pour calculer leur alignement avec les objectifs de l’accord de Paris (limiter le réchauffement moyen à 2°C d’ici à la fin du siècle).

Résultat ? 71% des fonds ESG et 55% des fonds climat ont un score d’alignement négatif.

Plus vert que moi, tu meurs.

Il est tout à fait possible que détenir un fonds ayant adopté une approche ESG permette de lutter contre le réchauffement climatique, de sauvegarder la biodiversité ou de réduire les inégalités.

Mais il ne suffit pas de l’affirmer, il faut expliquer comment et prouver que ça marche avec des données vérifiables.

Les labels ne suffisent pas, il va falloir soulever le capot et regarder de très près.

Cette chronique est parue initialement dans le numéro d’octobre 2021 de Gestion de Fortune, sans les illustrations, les notes de bas de pages, ni les liens.

Illustration : Shrek, de Mike Mitchell

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