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Ma Semaine Twitter #13 de 2017

Lyssenko, le charlatan à l’origine la génétique mitchourinienne, la science alternative qui avait officiellement remplacé la science bourgeoise en 1948 dans l’Union Soviétique de la période stalinienne, a trouvé un successeur : il s’appelle Scott Pruitt et il est depuis le début de l’année 2017 à la tête de l’Environmental Protection Agency aux Etats-Unis, qui fait office de Ministère de l’Environnement.

Vous trouverez ici un compte-rendu d’une récente session surréaliste du comité parlementaire en charge de la science consacrée au changement climatique. Pour le journaliste, c’était un peu comme si l’on débattait de la question suivante : « la Terre tourne-t-elle vraiment autour du soleil ? »

Résumons donc : Lyssenko est de retour, aux Etats-Unis cette fois. On vit vraiment une époque formidable.

Pendant ce temps, une bonne nouvelle : comme tous les ans (pourvu que ça dure), le printemps est arrivé dans mon jardin de l’Oise.

Bienvenue à toutes et à tous dans ma semaine Twitter 13 de 2017. Au fait, la Terre tourne bien autour du soleil.

 

Séisme dans la recherche actions

La recherche actions des sociétés de courtage a longtemps utilisé un modèle étonnant, un peu « hors-sol » pour utiliser un terme à la mode : la production des analystes était réservée aux clients de la société, qui ne la payaient pas explicitement, mais en courtage.

Je récapitule : la société de courtage paie une équipe d’analystes qui suivent des valeurs cotées, produisent des notes de recherche (acheter, conserver, vendre, avec une énorme majorité de recommandations d’achat), les envoient aux clients (qui sont des investisseurs), lesquels clients font transiter leurs ordres par la société de courtage, qui leur facture des frais d’exécution. Ces frais d’exécution sont payés par les fonds d’investissement, donc par les actionnaires des fonds d’investissement.

En bref : pas de facture explicite pour la prestation de recherche.

Et pourtant, tous ces analystes talentueux sont payés (et bien payés) et ont même des bonus.

Ce modèle étrange sera bientôt obsolète en Europe, grâce à MiFID 2, une directive qui entrera en vigueur début 2018.

Les gérants d’actifs devront en effet indiquer combien ils paient pour la recherche. Ce qui va forcer les fournisseurs de recherche à découpler leurs services en séparant la partie recherche de la partie courtage.

En d’autres termes, la recherche aura enfin un prix. Selon The Economist, qui n’est pas un repère de gauchistes anti finance, MiFID 2 va considérablement perturber une industrie totalement inefficiente et la forcer à évoluer pour rendre un service de qualité à ses clients.

Conclusion du journaliste : « convaincre les clients de payer pour une recherche médiocre va devenir plus difficile ».

Mon commentaire : tout service a un prix, quand ce prix n’est pas explicite, il ne peut être que trop élevé. Quand il devient explicite et doit donc être accepté par son acheteur, il s’ajuste pour refléter la confrontation d’une offre et d’une demande.

La volatilité est l’amie de la performance

Spontanément, la plupart des êtres humains évitent le risque. C’est également vrai en matière d’investissement.

Par convention, on mesure la volatilité d’un placement par l’écart-type de ses rendements (c’est-à-dire l’écart de chacune de ses performances périodiques par rapport à la moyenne de ces performances).

Pour Josh Brown, ce sont les stratégies qui cherchent à éviter la volatilité qui détruisent la performance sur longue durée. Au premier rang de ces stratégies, le market timing, à savoir le choix du « meilleur » moment pour s’exposer au risque ou réduire son exposition.

On oppose en anglais « timing the market » (choisir le bon moment pour s’exposer afin de réduire le risque) à « time in the market » (être exposé constamment au marché).

Sur longue durée, les portefeuilles constamment exposés au risque du marché ont des performances très supérieures à celles des portefeuilles qui cherchent à choisir le « bon » moment.

Attention à la surexposition à un même risque

« N’investissez pas dans ce que vous connaissez. » C’est ce que recommandent les excellents bloggeurs de Resolve Asset Management.

Paradoxal ? Pas vraiment si on lit leur raisonnement jusqu’au bout.

Ce conseil s’adresse en fait aux entrepreneurs qui décideraient de n’investir à titre professionnel que dans les entreprises ou projets du secteur qu’ils connaissent le mieux : le leur.

Vous êtes un.e spécialiste des applications mobiles ? Vous êtes donc parfaitement outillé.e pour investir dans des sociétés du secteur.

Mais vous êtes donc ainsi doublement exposé.e aux risques de ce même secteur : si la conjoncture se retourne (elle le fait toujours), vous souffrirez donc à la fois en tant qu’entrepreneur et en tant qu’investisseur.

Le conseil de Resolve Asset Management : investissez plutôt dans des secteurs ayant des cycles économomiques différents de celui de votre secteur d’activité.

Ca s’appelle la diversification, et c’est le seul déjeuner gratuit en finance.

Le hold up du siècle ?

Vanguard s’exprime actuellement beaucoup sur sa vision de la gestion de portefeuille de demain. Le deuxième gérant d’actifs au mode utilise un graphique qui résume à mes yeux parfaitement l’énorme problème de la gestion active.

Ce graphique s’appuie sur des données de Morningstar au 31 décembre 2015 et compare sur 10 ans le montant payé par les investisseurs aux gérants actifs aux Etats-Unis et celui qu’ils ont reçu de ces mêmes gérants actifs.

Si la fourniture de services d’investissement était efficiente, le coût de la prestation devrait être inférieur à ce qu’elle rapporte.

Le coût payé par les investisseurs est calculé comme suit : (les frais de gestion des fonds actifs sur 10 ans – les coûts des fonds indiciels passifs) x les actifs totaux.

Ce que les investisseurs ont reçu des gérants actifs est calculé comme suit : (performance moyenne des fonds gérés activement – performance moyenne des fonds indiciels).

Montant payé par les investisseurs aux gérants : 437 milliards de $.

Performance reçue par les investisseurs de la part des gérants actifs : -545 milliards de $.

Un tel système de redistribution n’est pas soutenable et explique sans doute la collecte phénoménale des fonds gérés passivement depuis quelques années. 

Faut-il vraiment surperformer ?

Ben Carlson, CFA, est un de mes bloggeurs favoris aux Etats-Unis. Dans un entretien passionnant avec Jeffrey Ptak, CFA, le directeur mondial de la recherche sur les fonds de Morningstar, il pose une question faussement naïve qui ouvre des perspectives vertigineuses.

Avons-nous vraiment besoin de surperformer pour atteindre nos objectifs financiers ?

L’industrie de la gestion d’actifs est construite pour promettre de la surperformance. En moyenne, elle n’en délivre pas depuis des années. En moyenne, elle prélève aux investisseurs plus de frais qu’elle ne leur délivre de surperformance (voir les données Morningstar ci-dessus pour l’ordre de grandeur). 

Avons-nous donc vraiment besoin de surperformer pour atteindre nos objectifs financiers ? En d’autres termes, n’est-il pas plus rentable en moyenne de s’exposer au marché via un produit indiciel à faible coûts plutôt que de chercher à battre le marché via un produit géré activement à coûts plus élevés ?

Vertigineux.

Mort d’un commis voyageur du gérant de portefeuille traditionnel (?)

BlackRock a récemment secoué l’industrie de la gestion d’actifs en annonçant une restructuration de son pôle actions.

BlackRock n’est rien moins que le plus gros gérant d’actifs au monde : 5147 milliards de $ d’actifs sous gestion au 31 décembre 2016, dont 1501 milliards en gestion active et 3240 milliards en gestion indicielle (dont les ETF iShares).

C’est quoi ce séisme ? Vanguard a licencié sept gérants actions, baissé les frais de gestion de certains fonds et réorganisé sa gestion actions active en quatre pôles :

  1. Core Alpha : pour les clients recherchant une surperformance (alpha) régulière avec une faible prise de risque.
  2. High Conviction Alpha : pour les clients recherchant de l’alpha et prêts à prendre plus de risque avec des portefeuilles plus concentrés.
  3. Outcome oriented : pour les clients cherchant un résultat pré-défini (distribution de revenus, approche ESG).
  4. Fonds spécialisés par pays ou par secteur.

C’est tout ? C’est tout.

Je résume cette réorganisation comme suit : moins de gérants fondamentaux, plus d’algorithmes.

Et alors ?

Ce sont surtout les commentaires de la société qui ont interpellé les professionnels de la gestion d’actifs.

Le communiqué de presse s’intitule :  » Comment BlackRock positionne sa plate-forme actions pour le futur de la gestion active ».

Quelques extraits (accrochez vos ceintures, il y a un peu de langue de bois, c’est moi qui insiste sur certains termes identifiés en gras) :

Les méthodes traditionnelles de la gestion actions sont bouleversées par les avancées massives de la technologie et du traitement des données.  Simultanément, les préférences des clients évoluent et ne se concentrent plus seulement sur les résultats mais également sur la manière dont la performance et les frais impactent la valeur.

“L’industrie de la gestion active doit changer. Les gérants d’actifs qui continuent de n’utiliser que les techniques et outils du passé vont limiter leur capacité à générer de l’alpha et à satisfaire les attentes des clients.

Pour John Rekenthaler de Morningstar « le processus d’extinction du gérant de portefeuille traditionnel se poursuit. »

A suivre, comme pour les dinosaures, ça prendra du temps.

Bill, dessine-moi la gestion de demain

Bill McNabb est le directeur général de Vanguard. Vanguard est le deuxième plus grand gérant d’actifs au monde après BlackRock, c’est aussi le champion de la gestion (tant passive qu’active) à bas coûts. C’est enfin une société appartenant aux fonds qu’elle gère, donc in fine aux actionnaires de ces fonds, à qui elle restitue les économies d’échelle réalisées grâce à sa forte croissance sous forme de baisse des frais de gestion.

Je parle régulièrement de Vanguard sur ce blog, par exemple ici.

Quand McNabb s’exprime sur le futur de la gestion d’actifs, j’ouvre en grand mes oreilles. Il l’a fait récemment lors d’une conférence à Wharton (université de Pennsylvanie).

Selon lui, l’explosion de la bulle internet (2000-2002) a accéléré la transition de la gestion active vers la gestion passive.

Autre transition : celle du modèle de rémunération du conseil, qui passe des commissions aux honoraires, ce qui favorise la montée en puissance des fonds à bas coûts car la rémunération du conseiller ne dépend plus des frais de gestion des fonds qu’il conseille.

Les investisseurs comme les gérants d’actifs ont fini par comprendre que plus les frais étaient bas, meilleure était la performance pour les investisseurs.

Enfin, les conseillers ont également intégré le fait que l’allocation d’actifs du portefeuille était plus importante que le choix des titres ou des fonds qui composent celui-ci.

En ce qui concerne le futur de la gestion active, il passe par des frais plus bas. En outre, McNabb voit également les frais du conseil (actuellement de 0,8% à 1,2% aux Etats-Unis) baisser.

Nous sommes tous prévenus.

J’ai écrit cette semaine sur une idée reçue selon laquelle les gérants actifs seraient plus à l’aise dans les marchés peu efficients, à laquelle une étude de Vanguard tord le cou.

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C’était ma Semaine Twitter 13 de 2017, à la semaine prochaine.

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