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Tous pigeons

Comme l’a montré l’affaire Madoff, des personnes riches et présumées éduquées (John Malkovich, Elie Wiesel, Larry King, Steven Spielberg via sa fondation) peuvent succomber à des arnaques.

Comme l’a montré le H2Ogate, des gérants présumés expérimentés peuvent se faire plumer par un multi-récidiviste notoire de la cavalerie et du non-remboursement des dettes.

Tous pigeons.

Nul n’est à l’abri des escrocs. Pas même les diplômés de la Harvard Business School (HBS).

Vladimir Artamonov est un ancien élève de la HBS où il a obtenu son MBA en 2003. Et un escroc. Qui s’est dit qu’il lui serait probablement facile d’approcher et de plumer d’anciens élèves de la HBS.

A partir de 2021, il a réussi à convaincre au moins 29 investisseurs particuliers de lui confier 2,9 millions de dollars. En leur vantant les mérites de la stratégie infaillible d’un projet nommé « Project Information Arbitrage » mis en œuvre dans le « Artamanov Fund ».

Son pitch ? Il prétendait pouvoir connaître un peu avant les marchés les prochains investissements de Berkshire Hathaway (BH).

Comment ? En lisant les rapports réglementaires que les compagnies d’assurance doivent publier auprès des régulateurs des différents Etats fédéraux dans lesquelles elles sont enregistrées.

Selon Artamonov, c’était comme s’il pouvait lire le journal de demain aujourd’hui. Toujours selon l’escroc diplômé de la HBS, les rendements escomptés allaient de 500% à 1000%, sur la foi de backtests.

Si le premier argument (avoir accès aux prochains investissements de BH en lisant d’obscurs rapports qui auraient la primeur de l’information avant les rapports déposés par toute société cotée auprès de la SEC) peut à la limite convaincre un investisseur peu sophistiqué, qui peut croire à une espérance de gain de 500 à 1000% sur un investissement en actions cotées ?

Manifestement, au moins 29 individus y ont cru.

Avec leur argent, Artamonov a spéculé sur des options expirant à très court terme, sans lien apparent avec BH et ses participations. Il a évidemment tout perdu.

Il aurait aussi utilisé l’argent des pigeons pour financer ses vacances, ses achats personnels et ses sorties au restaurant.

Et il remboursait les pigeons les plus anciens qui en faisaient la demande avec l’argent des nouveaux. Le « Project Information Arbitrage » était un bon vieux Ponzi.

La naïveté des victimes d’Artamonov pourrait être anecdotique si l’une d’entre elles, ayant appris que les 100 000 dollars confiés à l’escroc avaient disparu, ne s’était suicidée.

Pour l’Attorney General de l’Etat de New York, Letitia James, « même des investisseurs sophistiqués peuvent être escroqués par des fraudeurs, notamment quand des relations personnelles et des réseaux sont utilisés pour établir un lien de confiance non justifiée. »

L’euphorie boursière et le retour des esprits animaux dans l’écosystème faisandé des crypto sont un environnement propice à la fraude mais aussi aux promesses les plus insensées.

Comme celle de cette plateforme en ligne qui promeut un « programme Re-Up » aux vertus miraculeuses : il permettrait de se créer une rente annuelle perpétuelle de 56 000 euros moyennant un investissement de 315 000 euros sur 6 ans.

Comment ? En n’investissant que dans des fonds de private equity du premier quartile, ce qui permet de tabler sur un rendement annuel net de frais et d’impôts de… 15%. « Au regard des rendements historiques du Private Equity, cette hypothèse est conservatrice, » selon la plateforme. Qui précise quand même qu’elle n’est pas garantie.

Ou comme celle de cette plateforme en ligne de crypto, qui partage sur LinkedIn les prouesses d’un de ses clients : il a réalisé en 3 mois une plus-value de 100% sur l’Ethereum, en suivant les recommandations de l’application. Sa plus-value totale atteindrait la somme magique d’un million d’euros.

Il faut dire que cette plateforme calcule un score « basée [sic] sur des modèles mathématiques en constantes progressions [sic] ! »

Quand c’est trop beau pour être vrai, le scepticisme s’impose.

Cette chronique, rédigée le 15 mars 2024, est parue initialement dans le numéro d’avril 2024 de Gestion de Fortune, sans les illustrations, les notes de bas de page, ni les liens.

Photo de Nathan Dumlao sur Unsplash

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