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Gestion d’actifs : les deux migrations

Eric Balchunas est l’excellentissime analyste suivant l’actualité des ETF chez Bloomberg (suivez-le ici sur Twitter).

Dans un récent article publié sur Bloomberg View, il a identifié les deux migrations affectant le secteur de la gestion d’actifs.

  • Une migration des produits gérés activement vers les produits gérés passivement.
  • Une migration des produits à frais élevés vers les produits à frais faibles (qu’il qualifie de « cost migration », « migration due aux frais »).

J’ai récemment consacré un post à la collecte phénoménale de Vanguard, notamment dans ses produits indiciels. Les rachats massifs affectant les fonds gérés activement et les souscriptions massives dans les fonds gérés passivement sont parfaitement documentés depuis des années aux Etats-Unis.

Ce qui l’est moins, c’est la deuxième des migrations décrites par Balchunas, celle des produits chers vers les produits bon marché. Il l’appelle à juste titre « la mère de toutes les tendances ».

On aurait tort de croire que c’est un avatar de la première (actif vers passif). En effet, une analyse fine des flux sortant des fonds gérés activement montrent que ce sont les fonds les plus chers qui souffrent, même quand ils battent leur indice de référence.

Cette dernière tendance est très inquiétante pour la gestion active, car elle montre que les coûts peuvent être plus importants que la performance pour orienter les choix des investisseurs qui brûlent aujourd’hui ce qu’ils ont adoré pendant des années.

Et qui sont les deux gérants actifs qui ont enregistré des collectes nettes positives depuis 36 mois ? Vanguard ( bien entendu pour la seule partie active de sa gamme) et Dimensional Fund Advisors, dont les frais moyens (respectivement de 0,20% et 0,36%) sont très inférieurs aux frais moyens de tous les fonds gérés activement (0,69%). Pis encore, certains des fonds actifs ont collecté en dépit de leur sous-performance.

Pour Balchunas, cette tendance de fond va finir par affecter tout l’écosystème en raison du poids des fonds vendus auprès d’une clientèle de particuliers dans le compte d’exploitation des sociétés de gestion. Quand ces dernières gagnent moins d’argent, c’est moins d’argent pour les courtiers, les dépositaires et valorisateurs, les comptables et les sociétés de relations publiques.

La souffrance est contenue pour le moment, car la hausse des marchés depuis plusieurs années a permis de contrer la décollecte sur les fonds actifs. Balchunas note à juste titre que l’industrie de la gestion d’actifs a le rare privilège de pouvoir accroître son chiffre d’affaires même en perdant massivement des clients, dès lors que son bateau est porté par la marée montante des marchés.

Et de citer l’exemple de Janus Capital Group, qui a fait face depuis 5 ans aux Etats-Unis à des rachats de 40 milliards de dollars (représentant près de 50% de ses encours) alors que ses actifs gérés ont progressé sur la même période de 87 à 107 milliards. Merci la hausse des marchés !

Comme le disait Warren Buffett, « c’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus ». Et la mer va finir par se retirer après 8 années consécutives de hausse des marchés actions aux Etats-Unis.

C’est sans doute en prévision de jours moins fastes que Janus Capital Group a récemment annoncé son intention de fusionner avec Henderson, un gérant d’actifs coté à Londres.

L’avenir de la gestion selon Balchunas ? Un monde low cost, « Vanguardien ».

Pourquoi ? Selon lui (dans une réponse à un de mes tweets), en partie parce que les gérants actifs n’ont pas restitué en baisse de frais de gestion aux investisseurs les économies d’échelle réalisées grâce à la hausse phénoménale de leurs encours depuis 30 ans.

Et en France ? Pour le moment, force est de constater que les frais ne font pas partie de la conversation.

Pourquoi comparons-nous si facilement le prix de l’essence, avons-nous si facilement changé d’opérateur téléphonique quand Free a lancé les forfaits à 2 euros, alors que nous ne parlons pas du coût de la gestion, qui peut pourtant porter sur des sommes beaucoup plus considérables ?

Manque de compréhension de la part des particuliers ? Discrétion de violette de la part des sociétés de gestion et des conseillers financiers ? Sans doute un peu de tout cela (j’y reviendrai fréquemment dans les mois qui viennent, il me semble que le sujet le mérite).

J’en profite pour mentionner un excellent article de fond au sujet des frais paru la semaine dernière dans L’Agefi Actifs. Rédigé par Franck Joselin (suivez-le ici sur Twitter) et Jean-François Tardiveau, sa thèse est celle d’une « inéluctable tendance à la baisse des frais » (avertissement : j’y suis interrogé). C’est ici (réservé aux abonnés).

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