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Ma Semaine Twitter #17 de 2017

On vote dimanche prochain en France. J’ai déjà écrit la semaine dernière que Frexit ne faisait pas partie de mon vocabulaire. Occulter le drapeau européen lors d’un passage à la télévision me semble une idée exécrable, en voici donc un que j’arbore fièrement sur ce blog.

Je suis français, et très content de l’être, et européen, et très content de l’être. Les deux appartenances me semblent totalement compatibles.

Par ailleurs, je fais plus ou moins partie de ce monde de la finance fustigé comme l’ennemi par un candidat en 2012 et de nouveau par une candidate en 2017. Je me méfie toujours quand on pointe le doigt sur un secteur d’activité ou un groupe de personnes que l’on accuse de tous les maux.

Allez voter dimanche, bienvenue à toutes et à tous, les financiers comme les non-financiers, dans ma semaine Twitter 17 de 2017.

Part active et surperformance

La part active mesure le degré de différence entre le portefeuille d’un fonds et celui de son indicateur de référence. Plus elle est élevée, plus le portefeuille du fonds est éloigné de l’indicateur de référence (il peut s’en éloigner de 3 manières : en ne détenant pas un titre présent dans l’indice, en le détenant avec une pondération différente, en détenant un titre pas présent dans l’indice).

Elle peut aller de 0 (pour un fonds indiciel) à 100.

Le concept de part active a été inventé par Martijn Cremers et Antti Petajisto. Leur premier papier de recherche à ce sujet, paru en 2009, est ici en anglais.

Cremers et Petajisto avaient initialement conclu que le niveau de part active était positivement corrélé à la surperformance future. En d’autres termes, une part active élevée prédisait une surperformance future élevée.

Larry Swedroe, le directeur de la recherche de The BAM Alliance aux Etats-Unis, s’est intéressé à la littérature académique sur cette relation depuis cette publication pour voir si la part active avait effectivement tenu cette promesse. 

Résultat de son analyse : la part active ne permet pas de prédire la surperformance d’un fonds. En d’autres termes, un fonds ayant une part active élevée ne délivrera pas nécessairement une surperformance.

Gestion active : un échec chronique, pas un complot

Robin Powell est un journaliste anglais ayant notamment réalisé un document remarquable sur la gestion (How to win the loser’s game).

Il blogue sur le site The Evidence-Based Investor.

Le terme « evidence-based investing » (« l’investissement s’appuyant sur des preuves » est une assez piteuse traduction, si vous avez une meilleure idée, partagez-la avec moi !) peut se définir comme suit (traduction par mes soins d’une définition des organisateurs de la première conférence sur cette approche de l’investissement).

L’EBI est une approche disciplinée de la gestion d’actifs, combinant les données du passé et du présent tout en étant lucide sur le caractère imprévisible du futur. Là où d’autres approches s’appuient sur des prévisions, des corrélations ou des émotions pour prendre des décisions, les praticiens de l’EBI utilisent les faits, la logique et la raison.

Via la société Regis Media, Powell vend également des prestations aux distributeurs de produits d’investissement ayant adopté l’approche EBI pour les aider à mieux communiquer sur les vertus de leur offre.

Dans un post récent, il s’est intéressé à une théorie de type complotiste (et oui, encore une) propagée par quelques commentateurs : la gestion active serait une entreprise délibérée pour transférer l’argent des masses épargnantes vers quelques happy few.

Pour lui, la montée en puissance de la gestion active n’a été ni planifiée, ni orchestrée : elle s’est produite pour plusieurs raisons : la prévalence de la rémunération par commissions, une réglementation légère, l’influence politique du secteur et surtout une longue période de hausse sur les marchés.

Tant que la valeur de leur portefeuille progressait, les investisseurs avaient peu de raison de se plaindre de la gestion active. 

A cela s’ajoutent le manque de connaissances du public en matière du finance et les travers comportementaux des investisseurs.

La hausse des actifs gérés a permis à tout un éco-système de se mettre en place et de prospérer : consultants, agences de notation, analystes financiers, dépositaires, courtiers en ligne, supermarchés de fonds, chacun de ces intervenants chantant les louanges de la gestion active, qui les nourrissait fort bien.

Autre raison à la croissance de la gestion active : de gigantesques budgets publicitaires et marketing. Les médias destinataires de cette manne ont permis à certains gérants actifs de devenir des stars et les investisseurs ont été incités à faire toujours plus de transactions.

Mais il ne s’agit absolument pas d’un complot : simplement d’un échec chronique, rendu possible par le fait que trop peu de personnes posaient les bonnes questions. Pas seulement parmi les conseillers financiers, les journalistes, les politiques ou les régulateurs, mais aussi et surtout chez les investisseurs. Vous. Moi.

ETF : toujours plus

Rien ne semble pouvoir stopper la croissance des ETF. Les fonds indiciels cotés battent records sur records, mois après mois, en termes de collecte.

D’après ETFGI, la société britannique spécialiste de ces instruments financiers répliquant un indice, les encours globaux s’élevaient à 3913 milliards de $ à fin mars 2017, et les encours des produits cotés en Europe à 640 milliards de $. Mars a été le 38ème mois consécutif de collecte nette positive dans le monde pour les ETF, et le 31ème en Europe.

La collecte nette dans le monde s’est élevée à 197,26 milliards de $ au premier trimestre (contre 69,97 milliards lors de la même période l’an dernier), et à 35,37 milliards de $ en Europe (contre 10,97 milliards lors de la même période l’an dernier).

Les gérants actifs face au tsunami indiciel

Sophie Rolland a interrogé pour Les Echos quelques gérants actifs sur leur stratégie pour faire face au raz de marée de la gestion indicielle.

Pour Antoine Briant d’amLeague, l’essor de la gestion indicielle va permettre d’éliminer les mauvais gérants actifs et les faux gérants actifs (les fameux et infâmes « closet indexers »).

Pour Didier Le Ménestrel de La Financière de l’Echiquier, la fin programmée des politiques monétaires accommodantes des banques centrales devrait permettre aux gérants actifs de faire la différence.

Pour Thierry Dupont de BDL Capital, les gérants actifs se développent dans des stratégies difficiles à répliquer pour les fonds indiciels, comme les petites et moyennes valeurs.

Autre stratégie : lancer des fonds diversifiés (notamment des fonds flexibles, voir ici la dernière étude trimestrielle de l’Observatoire de la Gestion Flexible de Quantalys). 

Dernière piste : développer la gestion quantitative.

Mes commentaires : le problème des frais n’est pas mentionné, alors que c’est une des raisons de la sous-performance de la gestion active ; on ne voit pas beaucoup d’espoir dans les pistes évoquées pour les gérants actions et obligataires traditionnels (c’est-à-dire intervenant sur les marchés des grandes capitalisations et des obligations d’Etat et d’entreprises qualité d’investissement, représentant l’immense majorité des encours à l’heure actuelle). 

Jack Bogle sceptique sur le smart beta

Le fondateur de Vanguard n’a jamais beaucoup aimé les ETF d’une part, et le concept de smart beta d’autre part.

Selon lui, même si les produits smart beta ne sont pas tout à fait stupides, ils ne sont pas capables de tenir leurs promesses.

Rappelons que le smart beta cherche à se différencier des techniques de construction d’indices traditionnels, reposant sur la capitalisation boursière pour les indices actions, en vue d’améliorer les performances ou le couple rendement/risque.

Selon Bogle, l’industrie financière est trop innovante, et la plupart des nouveaux produits smart beta sont plus conçus dans l’intérêt de leurs promoteurs que dans celui des investisseurs.

Il invite ces derniers à se méfier des produits conçus pour battre les indices traditionnels sur 50 ans et à se « contenter » du rendement de ces indices traditionnels, qui est à portée de main. 

ETF = armes de destruction massive

FPA Capital Managers est un gérant actions états-unien. Trouvant les valorisations très élevées depuis quelques années, ce gérant de conviction a beaucoup de liquidités dans le portefeuille de FPA Capital Fund (voir ici sa fiche sur le site de Morningstar aux Etats-Unis) et se trouve fort mal classé depuis 10 ans dans sa catégorie (Mid-Cap Value) pour cette raison (tout à fait estimable par ailleurs).

Autant j’admire des gérants fondamentaux ayant le courage de ne pas investir parce qu’ils ne trouvent pas d’idées d’investissement à un prix raisonnable, autant je n’aime pas la recherche de « coupables » extérieurs et le sensationnalisme de certaines affirmations.

Et là, on est dans le sensationnalisme : dans le rapport des gérants sur le premier trimestre 2017 (disponible ici en anglais), ne lit-on pas ceci :

Les ETF sont-ils les nouvelles armes de destruction massive ?

Arik Ahitov et Dennis Bryan, les deux gérants, font un parallèle entre les armes de destruction massive devenues célèbres lors de la crise financière de 2008 (les CDS – Credit Default Swaps – et les CDO – Collateralized Debt Obligations) et les ETF aujourd’hui. 

Rappelant les chiffres connus de collecte massive des fonds indiciels (dont les ETF) et de décollecte encore plus massive des fonds gérés activement, Ahitov et Bryan s’inquiètent de voir toujours plus d’ETF (dont certains, horreur, ont du levier, mais les gérants se gardent bien de préciser que ces ETF à effet de levier représentent une partie infinitésimale du total des ETF) s’investir sur toujours moins de valeurs (en raison de la baisse tendancielle du nombre de sociétés cotées aux Etats-Unis).

Leur conclusion apocalyptique :

Quand le monde décide qu’on n’a plus besoin de recherche fondamentale et que les investisseurs peuvent se contenter d’acheter aveuglément des fonds indiciels sans se préoccuper des valorisations, nous disons que l’heure est venue d’avoir peur.

Amen.

Heureusement, la mécanique impitoyable de la vie des indices, qui fait que les valeurs qui en sortent sont massacrées [aucune donnée ne venant étayer cette affirmation] et les valeurs qui y entrent ou y sont présentes voient leur valorisation augmenter du fait des souscriptions massives dans les fonds indiciels, va permettre, le jour où le monde se remettra à tourner dans le bon sens, aux vrais gérants actifs de pouvoir acheter des sociétés ayant d’excellents fondamentaux à des niveaux de valorisation attractifs.

C’est possible, mais il ne me semble pas nécessaire de donner dans l’hyperbole (en s’appuyant sur le précédent de Warren Buffett, qui avait qualifié les produits dérivés d’armes financières de destruction massive dès 2002) pour défendre la gestion active. 

La littératie financière, cause planétaire

J’ai longuement hésité avant d’utiliser « littératie financière » pour traduire « financial litteracy ».

Dans mes précédents posts à ce sujet, j’ai plutôt utilisé « éducation financière », mais le terme est impropre. L’éducation financière, c’est ce que l’on dispense ou ce que l’on reçoit. Ce que l’on en retire, c’est une compréhension des mécanismes de base de la finance.

J’étais il y a deux semaine à Montréal pour un séminaire lié à mes activités de volontaire pour CFA Institute, l’association des professionnels de l’investissement, et j’ai parlé de ce sujet avec mes homologues québécois de CFA Montréal (qui a fait un travail remarquable en créant des fiches pédagogiques à destination des investisseurs, accessibles ici).

Comme vous le savez, il est important d’utiliser des termes français au Québec. Les Québécois ne s’arrêtent pas à un panneau « stop » comme les Français, mais à un panneau « arrêt ».

De quoi littératie financière est-il le nom ? Voici la définition du groupe de travail sur la littératie financière du Canada :

La littératie financière, c’est disposer des connaissances, des compétences et de la confiance en soi nécessaires pour prendre des décisions financières responsables.

L’OCDE fait depuis des années un travail de fond en matière pour définir les politiques publiques en matière de littératie financière. L’institution vient de publier un rapport remarquable sur les enjeux de la littératie financière à l’ére du numérique.

Le numérique permet d’intégrer au monde de la finance (la finance de tous les jours, pas la finance des professionnels) des populations jusque-là exclues, mais présente également de nombreux risques (sécurité, confiance, exclusion, surendettement). 

Un cadre réglementaire approprié, des mécanismes de protection des consommateurs de produits financiers et des politiques d’éducation financière sont les composants nécessaires à la mise en place d’un cadre sécurisé pour la finance à l’ère du numérique.

Le rapport est fort riche, lisez-le.

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C’était ma semaine Twitter 17 de 2017. A la semaine prochaine. Allez voter dimanche.

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