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Ma Semaine Twitter 23 de 2023

Ah, financer l’économie réelle plutôt que participer au casino de la finance de marché hors-sol. Le rêve de tout épargnant prêt à prendre quelques risques, non ?

D’après France Assureurs, la fédération qui réunit l’ensemble des entreprises d’assurance et de réassurance opérant en France, les placements en représentation des unités de compte — à savoir les fonds souscrits par les assuré.e.s dans leurs contrats d’assurance vie multisupports — contribueraient à hauteur de 83 % au financement des entreprises.

C’est en tout cas ce qui est affirmé dans le rapport sur l’assurance vie en unités de compte en 2021 publié en avril dernier.

Les montants sont énormes : si l’on regarde les stocks à fin 2021, on parle de 420 milliards d’euros (italique ajouté par mes soins).

Ce sont 420 Md€ de financement aux entreprises qui se décomposent en 295 Md€ en actions, 87 Md€ en obligations et 38 Md€ en immobilier. La part investie en titre de capital ou de dette (76 %) est bien supérieure à celle observée sur l’ensemble de l’assurance vie (55 %). La moitié de ces financements productifs est orientée vers les entreprises françaises (211 Md€), principalement en actions (138 Md€) et, dans une moindre mesure, en obligations (41 Md€) et en immobilier (32 Md€).

Si ma lecture est la bonne, les souscriptions en unités de compte ont apporté 420 milliards d’euros de financement aux entreprises.

Toujours si ma lecture est la bonne, il faut pour cela que la totalité des encours des fonds actions ait été affectée à des augmentations de capital des entreprises ; et que la totalité des encours des fonds obligataires ait été affectée à l’achat des obligations lors de leur émission ; et que la totalité des encours en fonds immobilier aient été affectés à l’achat d’immobilier d’entreprise neuf.

Dans ce cas, et dans ce cas seulement, on pourrait assimiler les 420 milliards d’euros encours à des « investissements productifs ». 

Ce n’est bien évidemment pas le cas : les fonds achètent et vendent des actions presque exclusivement sur le marché secondaire, c’est-à-dire qu’ils effectuent des transactions avec d’autres investisseurs

Les entreprises ne se financent quasiment plus en bourse. Au contraire, elles rachètent leurs propres actions en bourse.

Je comprends fort bien qu’un groupe d’intérêt aussi puissant que celui des assureurs ait à coeur de promouvoir un produit aussi important pour ses membres que l’assurance vie.

Je comprends moins que ce groupe d’intérêt énonce des contre-vérités aussi flagrantes. A savoir, en bon français, qu’il mente.

Mentir, c’est mal.

Pas de Vexin le week-end dernier, mais un séjour à Belle-Île, où ma femme et moi n’avions pas mis les pieds depuis presque 20 ans.

Quelle splendeur. C’est aussi beau que lors du séjour de Claude Monet en 1886.

Claude Monet, Les Pyramides de Port-Coton, mer sauvage, 1886, 65 × 81 cm, musée Pouchkine

Vous rappelez-vous de Sam Bankman-Fried, le fondateur de FTX et d’Alameda Research, qui est aussi probablement un escroc ?

Un remarquable podcast de Bloomberg et Wondery en six épisodes retrace son histoire : Spellcaster: the fall of Sam Bankman-Fried.

C’est fascinant.

Pour aller à Belle-Île, nous avons pris le train et sommes passés près de Carnac.

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Bienvenue dans ma semaine Twitter 23 de 2023.

Le mammouth se rebiffe

Albert Simonin (1905-1980) est l’auteur d’une trilogie romanesque consacrée à un truand, Max le menteur, dont chaque opus a été adapté au cinéma.

Il y eut d’abord Touchez pas au grisbi, réalisé par Jacques Becker. Puis Le cave se rebiffe, réalisé par Gilles Grangier. Et enfin Grisbi or not Grisbi, adapté au cinéma par Georges Lautner sous un titre devenu culte : Les tontons flingueurs.

C’est Michel Audiard (1920-1985) qui a signé les dialogues des trois films. 

La levée de bouclier des lobbies de la banque et de l’assurance contre le projet de l’Union européenne me fait penser à cette trilogie. J’y reviendrai en fin de vignette, mais laissez-moi d’abord exposer les réactions de l’écosystème de la gestion et de la distribution de produits de placement (le « mammouth ») au projet de la commission européenne pour la stratégie d’investissement des particuliers

Le mammouth est inquiet.

Pourtant, l’interdiction des rétrocessions n’est pas au programme. Mais il faut croire que le mammouth ne veut aucun changement.

Après la réaction de quelques groupes d’intérêt français dont j’ai parlé la semaine dernière, nous avons eu droit à celle de groupes d’intérêt agissant au niveau européen.

Avec la panoplie habituelle utilisé par tout lobby désireux de protéger ses intérêts : s’abriter derrière le bien public, à savoir le consommateur, qui serait immanquablement lésé par les réformes envisagées.

Qui sont ces partisans de l’immobilisme, des frais élevés et de l’absence de concurrence ?

  • EBF (European Banking Federation, le pendant au niveau européen de la Fédération bancaire européenne) ;
  • European Association of Co-operative Banks ;
  • EAPB (European Association of Public Banks) ;
  • ESBG (the European Savings and Retail Banking Group) ;
  • Insurance Europe (le pendant au niveau européen de France Assureurs) ;
  • AMICE (Association des assureurs mutuels et coopératifs en Europe) ;
  • EFAMA (European fund and asset management association, dont l’AFG est membre) ;
  • Eusipa (European Structured Investment Products Association, dont est membre l’afpdb, à savoir l’association française des produits d’investissement de détail et de bourse).

Bien entendu, ces entités sont tout à fait favorables au développement de la participation des particuliers aux marchés financiers. Elles aiment notamment beaucoup le passage au tout numérique pour la mise à disposition des informations et l’encouragement à promouvoir la littératie financière.

Mais elles sont très inquiètes des conséquences de l’interdiction des rétrocessions  dans quelques cas (dont celui des prestations n’impliquant pas de conseil de la part de l’intermédiaire) ; et très réservées face au test de « best interest of the client » (pour démontrer qu’elles agissent bien dans le meilleur intérêt du client).

Dans le cas de ce dernier test, elles craignent que l’importance « disproportionnée » apportée aux coûts ne conduise les clients à choisir le produit le moins cher plutôt qu’un autre qui pourrait potentiellement offrir un meilleur couple performance/frais. Ce qui irait à l’encontre de l’intérêt du consommateur, disent les signataires du communiqué de presse.

Ben voyons, il ne faudrait pas que le client choisisse le produit le meilleur pour lui plutôt que celui qui permet à l’intermédiaire de bien gagner sa vie. Et tant pis si le produit le plus cher n’est pas dans l’intérêt du client.

Faut bien qu’on vive.

Autre grief : les nouvelles exigences en matière de communication d’information pourraient dissuader les consommateurs d’investir sur les marchés financiers, ce qui va à l’encontre de l’objectif de la stratégie d’investissement des particuliers, qui est de faire des déposants des investisseurs.

Pire encore, la mise en place par l’ESMA et l’EIOPA de benchmarks performance/coûts pour les produits d’investissement serait en contradiction de l’objectif central du processus d’investissement, qui est d’offrir un service sur mesure.

Les signataires ne veulent surtout pas d’un contrôle des prix de leurs services via la réglementation. Socialisme, sors du corps de la Commission européenne !

Et puis ça freinerait l’innovation !

Quelle blague.

Une menace voilée sur l’introduction des benchmarks « Value for money » (italique ajouté par mes soins) :

Nous nous interrogeons sur la nécessité, le fondement légal et les conséquences, en particulier en matière de concurrence, d’une telle mesure.

Dernier argument, toujours aussi habituel car tout délai est bon à prendre : le calendrier est irréaliste.

Mais attention, hein (ma traduction), 

notre engagement à contribuer de manière constructive au débat sur la façon de faire monter en puissance les investisseurs particuliers. Nous poursuivrons le dialogue avec les institutions de l’Union européenne et sommes désireux d’avoir de nouvelles discussions sur les mesures proposées une fois que nous en aurons terminé l’évaluation.

Alors, le lien avec Albert Simonin ?

La levée de bouclier des lobbies de la banque et de l’assurance contre le projet de l’Union européenne me fait penser à cette trilogie.

Touche pas au grisbi, Commission européenne ! Touche pas aux rétrocessions ! Touche pas à notre liberté inaliénable de fixer les prix !

Comme le cave dans le roman d’Albert Simonin, le mammouth des services financiers se rebiffe contre toute atteinte à l’ordre établi.

Et menace de lancer ses porte-flingues à l’assaut du projet scélérat et liberticide de l’Union européenne. 

Les prochaines semaines vont être passionnantes : l’UE va-t-elle avoir le cran de se confronter aux puissants groupes d’intérêt qui voudraient que rien ne change, et que la collectivité des consommateurs continue de payer des frais bien trop élevés ?

En plus, le communiqué de presse du mammouth européen est nettement moins drôle que les dialogues d’Audiard.

Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous infliger une scène du Cave se rebiffe, avec un échange savoureux entre Françoise Rosay et Jean Gabin.

– Je t’envoie un mec cette semaine.
– Mais à quoi je le reconnaîtrai ?
– Un beau brun, avec des petites bacchantes, grand, l’air con.
– Ça court les rues les grands cons.
– Ouais mais celui-là c’est un gabarit exceptionnel. Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre-étalon. Il serait à Sèvres.

Ça vaut son pesant de rétrocessions, non ?

Les ETF pour tous

En réalité, le mammouth dont il a été question ci-dessus est terrifié par la montée en puissance de la gestion indicielle à bas coûts, symbolisée par celle des ETF.

Ces fonds indiciels cotés en bourse (Exchange-traded funds) permettent de s’exposer pour des frais beaucoup plus faibles que ceux des fonds gérés activement à leur indice sous-jacent.

Il est aujourd’hui possible de s’exposer à des indices actions très diversifiés (que ce soit géographiquement, sectoriellement ou en termes de capitalisation boursière) pour des frais de gestion très faibles : moins de 0,04% aux Etats-Unis, moins de 0,2% en Europe, où la concurrence n’est pour le moment pas aussi rude.

Comme leur nom l’indique, les ETF s’achètent et se vendent en bourse. Mais ce sont en Europe des OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières) et la plupart d’entre eux sont éligibles à l’assurance vie.

Problème pour les courtiers d’assurance : les ETF ne donnent pas de rétrocessions.

Ce n’est pas un problème pour l’assureur vie, qui prélève ses frais en nature, mais c’en est un pour le courtier (le « conseiller », qui en en fait un vendeur) car il ne perçoit rien quand son client s’expose à un ETF.

D’où l’absence de référencement d’ETF dans les contrats d’assurance vie distribués dans les réseaux de banque de détail et la progression très lente de ces produits dans les contrats intermédiés par des courtiers en assurance, ces derniers n’ayant aucun intérêt à les prescrire.

En revanche, il est aujourd’hui assez aisé d’accéder à une gestion sous mandat utilisant des ETF indiciels à bas coûts dans le cadre de l’assurance vie : le courtier se rémunère avec les frais de mandat.

Les acteurs historiques en France sont Yomoni (qui est aussi une société de gestion), Anatec (qui opère sous la marque WeSave, a le double statut de CIF conseil en investissement financier et de courtier en assurance et a été racheté par Amundi) et Nalo (qui est également CIF et courtier et vient d’être racheté par Apicil).

Le coût annuel total des contrats d’assurance vie de ces 3 acteurs est de 1,5 à 1,6%, un niveau de frais bien moins élevé que celui les contrats d’assurance vie dont l’offre d’UC est constitué presque exclusivement de fonds gérés activement, mais reste fort élevé.

J’ai parlé ici d’un nouveau venu sur le marché français, Indexa Capital, qui a lancé avec Spirica un contrat d’assurance vie en gestion sous mandat avec des produits indiciels à bas coûts gérés par Vanguard et BlackRock, pour des frais annuels totaux moyens de 0,81%.

C’est deux fois moins que les frais des acteurs mentionnés ci-dessus, et je souhaite beaucoup de succès à Indexa Vie Spirica.

Depuis quelque temps, les plans d’épargne en ETF connaissent un grand succès dans certains pays d’Europe. C’est en Allemagne qu’ils se sont le plus développés, avec des acteurs comme Trade Republic et Scalable Capital, qui sont des courtiers en ligne.

Le principe ? Vous mettez en place des versements programmés (mensuels, trimestriels, etc.) d’un montant minimum faible pour que le plus grand nombre d’épargnants puisse participer, sur des ETF que vous choisissez et pondérez.

Et vous n’avez plus rien à faire.

Cerise sur le gâteau : la plupart des acteurs proposant des plans d’épargne en ETF ne facturent pas de frais de transaction. 

Je leur reproche d’enterrer dans les conditions générales d’utilisation le fait que la plupart d’entre eux perçoivent des paiements pour flux d’ordre1, mais leur service permet de démocratiser l’accès à des produits financiers peu onéreux.

Notamment parce qu’ils ont résolu la problématique du fractionnement des ordres (permettre à un investisseur d’acheter pour 12,48 € d’un ETF dont la part cote 108,93 €).

En Europe, les offres d’investissement en ETF se multiplient.

Au Royaume-Uni, InvestEngine vient de lancer la sienne.

Les caractéristiques de l’offre :

  • Minimum d’investissement par ETF : 1 £.
  • Vision détaillée des expositions du portefeuille : par classe d’actifs, par titre, par zone géographique, par secteur.
  • Rééquilibrage du portefeuille en un clic. Quand je pense qu’il y a encore une immense majorité de contrats d’assurance vie qui ne proposent pas cette fonction essentielle en France, les bras m’en tombent.
  • Accès à 550 ETF (liste).
  • Investissement automatique des liquidités présentes sur le compte-espèces attaché au compte-titres selon la clé de répartition préalablement renseignée par l’investisseur.
  • Frais de transaction : aucun pour les investisseurs en gestion libre. Accès à la gestion sous mandat d’InvestEngine pour 0,25% par an à partir de 100 £. L’investisseur est soumis aux frais de gestion des ETF (qui varient selon les produits) et à la fourchette achat/vente (spread) lors des transactions. Je n’ai pas trouvé de détails sur ce spread en gestion libre : comme il s’agit de la seule rémunération apparente d’InvestEngine, il est possible que ce spread soit important2.
  • Enveloppes : compte-titres ordinaire et ISA3.

InvestEngine n’indique malheureusement pas comment la société se rémunère. C’est dommage, car il me semble important de le faire savoir : avant de s’engager, je suppose que l’investisseur préfère avoir confiance dans la pérennité de la société.

Les ETF pour tous, ou le cauchemar du mammouth de la gestion et de la distribution de produits financiers.

Dans sa remarquable histoire de la gestion indicielle, Trillions, Robin Wigglesworth, journaliste au Financial Times, revient longuement sur la genèse des ETF et leur spectaculaire développement.

Skin in the game

Si l’on en croit l’avertissement standard, la performance passée ne préjuge pas de la performance future. Même si presque personne ne croit à cet avertissement standard et presque tous les investisseurs courent après la performance passée (voir ci-dessous), les sélectionneurs de fonds professionnels recherchent le graal, à savoir les critères prédictifs d’une bonne performance future.

Les mesures de la performance, du risque et de ses dérivés ne sont pas prédictives ; le moins mauvais prédicteur de la performance future, ce sont les frais : moins ils sont élevés, plus la performance future sera élevée. Mais ça ne suffit pas à justifier l’existence des sélectionneurs de fonds. Il faut donc explorer d’autres critères.

L’un d’entre eux, c’est que le gérant ait investi son propre argent dans le fonds qu’il gère, ce qui permet, paraît-il, d’aligner les intérêts du gérant avec ceux des investisseurs qui lui confient leur argent.

Joe Wiggins, CFA, publie l’excellent blog Behavioural Investment. Il s’est récemment demandé si ce critère était pertinent.

Il existe en anglais une expression dont je n’ai pas trouvé d’équivalent en français : « to have skin in the game ». Être impliqué financièrement, être partie prenante.

Nassim Taleb a écrit un livre dont le titre anglais était Skin in the Game – Hidden Asymmetries in Daily Life. En français, c’est devenu Jouer sa peau – Asymétries cachées dans la vie quotidienne.

Quand le gérant « joue sa peau », est-ce bon pour les investisseurs ?

Selon Wiggins, pas forcément.

  • Le sens de l’éventuelle relation de cause à effet n’est pas établi : est-ce que le gérant investit dans sa propre stratégie avant que celle-ci ne délivre une bonne performance, ou ce gérant investit-il plus dans sa stratégie après que celle-ci a délivré une bonne performance ?
  • Il existe d’autres variables pouvant interférer dans la relation de cause à effet : l’expérience peut jouer un rôle (plus le gérant a de l’ancienneté dans la gestion du fonds, plus il est susceptible d’avoir des capitaux à investir).
  • Les gérants susceptibles d’investir des montants élevés dans leur propre fonds sont probablement ceux qui ont délivré des performances passées élevées et gèrent des actifs importants. Ces deux caractéristiques combinées ne sont pas favorables à des performances futures élevées. Est-ce à dire que c’est un mauvais présage quand le gérant a beaucoup investi son propre argent dans son fonds ?
  • Pourquoi un niveau d’investissement élevé du gérant dans son propre fonds devrait-il indiquer un niveau de compétence élevé pour le gérant ? Ce dernier est-il apte à évaluer sa propre compétence objectivement ?
  • Et si un investissement de son propre argent dans son fonds était un signe d’excès de confiance de la part d’un gérant ? Pour Wiggins, l’excès de confiance est souvent présent chez les gérants actifs, ce qui les rend peu aptes à évaluer leur propre compétence.
  • Les investisseurs prudents diversifient : la carrière, le salaire et le bonus d’un gérant dépendent de ses performances. Pour cette raison, il n’est pas prudent d’investir substantiellement dans son propre fonds. Pour réduire son exposition à lui-même, le gérant prudent investira plutôt dans d’autres fonds que les siens.

Wiggins voit trois raisons principales qui pourraient conduire les sélectionneurs de fonds à estimer qu’un investissement important du gérant dans son propre fonds est un signe positif.

  1. Le gérant sait quelque chose sur lui-même (à savoir qu’il est compétent) ou à des lumières que les autres n’ont pas sur un segment du marché.
  2. Le gérant est exposé aux mêmes risques que les investisseurs dans ses fonds.
  3. Le gérant va se focaliser sur les fonds dans lesquels il a investi son propre argent.

Seule la troisième raison est plausible, et elle est peu importante : ce n’est pas en se focalisant sur certains fonds qu’un gérant incompétent deviendra compétent.

Pour Wiggins, il est très difficile de prouver que le niveau d’investissement du gérant dans ses propres fonds est un bon prédicteur de la performance future.

Quoi qu’il en soit, l’information sur le niveau d’investissement des gérants dans leurs fonds n’est presque jamais disponible en Europe et je n’ai quasiment jamais entendu un gérant en faire état depuis que je m’intéresse de près au sujet (2001).

On en revient donc toujours au même critère pour prédire la performance future : toutes choses égales par ailleurs, moins le niveau des frais du fonds est élevé, plus élevée sera sa performance future.

Cette vérité vaut quel que soit le gérant. Et particulièrement quand le rôle de ce dernier est réduit, ce qui est le cas des fonds indiciels.

H2Ogate + FOMO

Décidément, le H2Ogate arrive encore à me surprendre.

Alors que la société de gestion et ses deux dirigeants Bruno Crastes et Vincent Chailley ont été condamnés par l’AMF à des sanctions historiquement très sévères (je suppose qu’un recours a été intenté par les intéressés devant le Conseil d’Etat), que presque toutes les compagnies d’assurance vie ont suspendu les nouvelles souscriptions sur les fonds liquides de H2O, les esprits animaux sont toujours là.

Dans un article de Citywire, on a appris que certains vendeurs de produits financiers réclamaient à cor et à cri la réouverture des souscriptions pour pouvoir courir après la performance passée de certains fonds H2O.

Certains déploient même des trésors d’ingéniosité (création de fonds de fonds dédiés investissant dans certains fonds H2O) pour contourner le veto des assureurs vie.

Pensez donc : 6 des 10 fonds Global Macro les plus performants depuis douze mois sont des fonds H2O (à fin avril 2023).

Depuis 12 mois ! FOMO !

L’assurance vie étant fermée aux crypto et l’offre en matière de produits thématiques pour spéculer sur s’exposer au potentiel considérable de l’intelligence artificielle, énième nouvelle frontière de l’investissement après le vieillissement de la population, les millénariaux, la blockchain, l’hydrogène, les technologies disruptives, la ville de demain, l’exploration spatiale4n’étant pas encore très développée, pourquoi ne pas s’exposer à la performance passée des fonds Global Macro H2O ? A une gestion qui a fait ses preuves ?

A ma grande surprise, il y a même eu des souscriptions nettes d’un montant non négligeable sur les parts R et SR € de H2O Multibonds FCP.

Si vous avez la réponse à ma question, n’hésitez pas à me la communiquer. 

Elle intéresse d’ailleurs d’autres investisseurs, qui me le disent de façon très transparente sur Twitter : on ne va quand même pas passer à côté d’une telle performance passée.

J’aimerais tellement que les assureurs vie communiquent de façon transparente sur les raisons pour lesquelles ils suspendent les transactions sur certains fonds de certaines sociétés de gestion, et les critères qu’ils prennent en compte pour décider de l’éventuelle réouverture des souscriptions.

La communication des assureurs vie depuis le début du H2Ogate est d’une consternante opacité.

Des nouvelles du #H2Ogate

Avertissement : l’Association Collectif Porteurs H2O m’a proposé de l’assister dans le cadre d’une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si cette mission influe sur ma couverture de l’affaire H2O AM sur ce blog.

J’attends avec une impatience grandissante la mise à jour des valeurs mensuelles estimatives des 7 side-pockets à fin mars. Depuis le début de l’année, elle advenait dès le début du mois. Les valeurs estimatives en ligne sur le site de la société de gestion le 12 juin à 15 heures étaient toujours celles de fin février.

H2OAM a déjà suspendu la mise à jour des valeurs mensuelles estimatives des side-pockets : celles de fin avril et fin mars 2021 puis de fin septembre, fin octobre et fin novembre 2021, puis de fin octobre et fin novembre 2022 n’avaient pas été publiées.

C’est bien entendu dans un souci de transparence, pour maximiser la performance et la liquidité des actifs Windhorst pourris.

Je rappelle que H2O AM avait fait un pari massif sur le rouble russe début 2022. Pas de chance, la Russie agressait l’Ukraine et l’envahissait en février 2022. S’ensuivit un coup de grisou sur le rouble russe, qui fit brutalement chuter les fonds exposés à la devise de l’agresseur.

Depuis, les fonds affectés ont remonté la pente. Certains de peu : Multiequities et Moderato.

Et si l’on regarde l’évolution depuis le plus haut atteint avant la scission des fonds en deux (la partie saine logée dans un nouveau fonds avec « FCP » à la fin du nom et la partie contaminée par le bacille illiquidita pestis windhorstis  🦠 dans le side pocket), la baisse est encore très, très loin d’avoir été effacée, comme on peut le voir plus bas.

Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.

Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.

Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.

Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.

Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.

Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022.

Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).

Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.

Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.

En fait de 250 millions, ce sont 144 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.

Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.  

Voilà où on en est au 8 juin 2023 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 28 février 2023). J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant de la distribution du 23 janvier 2023.

En matière de décollecte, voilà où on en est.

En matière de performance, voilà où on en est. L'écart entre les parts R et SR € de Multibonds FCP est de plus en plus abyssal et sans commune mesure avec la différence de frais de gestion — minime — entre les 2 types de parts.

Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 23 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).

Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens ci-dessous (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).

Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais .

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Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.

Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.

Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.

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C’était ma semaine Twitter 23 de 2023. Sayōnara. さようなら.

Illustration : Jean Gabin et Bernard Blier dans Le cave se rebiffe (1961) de Gilles Grangier, d'après le roman d'Albert Simonin. Photo colorisée par mes soins sur img2go.com.

  1. Et qu’il n’est pas certain que les clients reçoivent la meilleure qualité d’exécution.
  2. En gestion sous mandat, InvestEngine indique qu’il est en moyenne de 0,07%.
  3. Les Individual Savings Accounts permettent aux individus éligibles d’investir jusqu’à 25000 £ par an plafond pour l’année fiscale 2023-2024 sans taxation des plus-values (source).
  4. J’ai oublié quelque chose ?

2 réponses sur « Ma Semaine Twitter 23 de 2023 »

Merci pour votre blog, toujours intéressant.
Une précision : Touchez pas au grisbi a été réalisé par Jacques Becker. C’est la première apparition de Lino Ventura au cinéma.

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