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Ma Semaine Twitter 47 de 2021

Peu de sociétés de gestion échapperont au raz-de-marée de l’ESG. La réglementation impose de plus en plus aux investisseurs institutionnels de tenir compte de l’impact de leurs placements, la pression publique s’intensifie, et en plus c’est une excellente raison pour vendre encore plus de fonds.

Car c’est pour la bonne cause : sauver la planète.

Peu importe si un portefeuille construit en respectant les plus hauts standards ESG n’a qu’une influence très limitée sur le comportement des entreprises.

Le narratif est irrésistible : achetez mon fonds qui va sauver la planète. Et continuez à acheter des SUV, à changer de téléphone portable tous les deux ans et à prendre l’avion pour partir en week-end ou en vacances, car vous avez mis votre portefeuille en adéquation avec vos valeurs.

Même Cathie Wood, la fondatrice d’ARK Invest, star planétaire de la gestion active en 2020, s’y met1.

Nous n’utilisons pas l’acronyme ESG pour nos portefeuilles, mais si vous nous posez la question, nous vous répondons que nos portefeuilles sont intrinsèquement ESG.

« Nos portefeuilles sont intrinsèquement ESG. » Il fallait y penser. Les bras m’en tombent. Plus c’est gros, plus ça passe.

On ne devrait pas vieillir et les marathons devraient faire 29 km. Au-delà, crampes. J’ai quand même réussi à finir en rampant le magnifique marathon de La Rochelle en 4 heures 3 minutes et 49 secondes. C’était dimanche 28 novembre.

Indispensable Gabriela Manzoni.

Je répondrai à l’interrogation métaphysique d’Etienne Dorsay à partir du 2 décembre, date de ma troisième dose. 

Le 2 décembre 1805, c’était la bataille d’Austerlitz. Le 2 décembre 1851, le coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. Le 2 décembre 1852, la proclamation du second empire. Ce sont sans doute des coïncidences, mais on ne sait jamais, hein ?

De toute façon, mon téléphone n’est pas compatible avec la 5G, donc sans doute pas avec la 15G non plus, et je n’ai aucune intention de le changer, il n’a que 6 ans2.

Bienvenue dans ma semaine Twitter 47 de 2021.

Les Temps Modernes

On vit décidément une époque formidable : courtage « gratuit », usage dévoyé du « nudge » pour inciter les humains (trop humains) à multiplier les transactions « gratuites » inutiles, groupes Reddit de « dégénérés » auto-proclamés, meme stocks, « stick it to the suits », ?????, etc.

Le tout sur fond de ratios de valorisation stratosphériques pour certaines actions et de « valorisations » en forte hausse pour des pseudo-supports d’investissement (les crypto) non valorisables autrement que par un acte de foi.

Josh Brown (The Reformed Broker) a inventé un mot pour décrire cette époque formidable :

The Age of Funcertainty.

Funcertainty = Fun + uncertainty. Le fun + l’incertitude. La funcertitude.

Ca donne cela :

La Funcertitude est partout. Dans chaque rally du S&P 500 suivant une émeute raciale diffusée à la télévision. Dans chaque nouveau plus haut du Nasdaq au milieu des arrestations de masse ayant suivi l’attaque contre Washington DC. Vous pouvez la voir dans le prospectus de chaque licorne qui perd de l’argent et lève des milliards de dollars auprès de gens qui ne peuvent même pas épeler le mot prospectus, et encore moins en lire un.

Quant à Jean-Claude Adjemian, il n’a pas son pareil pour restituer le Zeitgeist avec son style inimitable.

Jouissez sans entraves ! C’est le grand retour de mai 68, mais pas dans les rues du Quartier Latin : dans celles, virtuelles, du métavers du grand casino des produits de placement spéculation !

Photo : Henri Cartier-Bresson (1908-2004)

Jouissez sans entraves ! Tant que ça dure.

Sur le « nudge » dans son acception positive, on pourra lire Nudge : La méthode douce pour inspirer la bonne décision de Cass Sunstein et Richard Thaler.

En anglais, il existe une édition plus récente : Nudge.

DeFi, DAO et maxi-frais 

DeFi, c’est Decentralized Finance, la finance décentralisée. Les gentils Girondins, là où BNP Paribas et le Crédit Agricole sont les méchants Jacobins. 

DeFi va rendre le pouvoir au peuple. Power to the people !

Grâce notamment au Web3 et aux DAO. Les Decentralized Autonomous Organizations. Les Organisations Autonomes Décentralisées. Des entités librement constituées entre Girondins désireux de s’affranchir du Leviathan jacobin de la finance mainstream.

Des Girondins ont décidé de créer une DAO pour participer à la mise aux enchères par Sotheby’s du dernier exemplaire de la constitution états-unienne encore entre des mains privées : ConstitutionDAO.

We the People, for the People.

Cette DAO a réussi à lever auprès de nombreuses personnes 47 millions de $ via une campagne de crowdfunding. Et l’a annoncé à la terre entière. C’est donc arrivé jusqu’aux oreilles de Ken Griffin, le fondateur de Citadel Securities et du hedge fund Citadel.

Donc un homme très, très riche3.

Qui n’a eu aucun mal à surenchérir sur ConstitutionDAO dont il connaissait les ressources. Et qui a donc emporté la mise pour 43 millions de $ (plus les frais, portant le coût total à plus de 47 millions de $). 

ConstitutionDAO, qui a été créée pour acheter un exemplaire unique de la constitution des Etats-Unis qui lui a échappé, a donc 47 millions de $ sur un wallet,. Et doit rendre l’argent à ses membres.

Et c’est là qu’on découvre le fonctionnement étonnant de ce métavers.

Jordan Pearson et Jason Koebler de Motherboard ont contribué 200 $ au projet et ont suivi l’argent.

ConstitutionDAO fonctionne avec le réseau Ethereum et n’acceptait que le jeton ether pour acheter son propre jeton $PEOPLE. Pour contribuer au DAO, il fallait convertir des USD en ether (ETH). Par exemple sur Coinbase.

Pour convertir 200 $ (la moyenne des contributions à ConstitutionDAO) en ETH, il en coûte 3 $ de frais sur Coinbase (1,5%). Il a ensuite fallu transférer les ETH de Coinbase à un cryptowallet sur MetaMask et payer pour cela 12 $ de network fee.

Puis envoyer les ETH de MetaMask à Juicebox, l’entité choisie par ConstitutionDAO pour le crowdfunding. Et payer des gas fees pour effectuer l’opération, dont le montant fluctue. Sur le réseau Ethereum, ces gas fees sont actuellement très élevés, un peu comme les cours du vrai gaz, le gaz naturel.

Les 2 journalistes de Motherboard ont payé 75 $ de gas fees. Nous avions donc 200 $ au départ et, après paiement de 90 $ de frais, 110 $ en ETH sont arrivés sur Juicebox. Ces frais d’intermédiation sont… spectaculaires ?

Pour que ces 110 $ en ETH reviennent à leur point de départ, il leur faut de nouveau payer des frais. Autant dire qu’il ne restera à peu près rien.

Et pour les petits donataires, moins que rien car les gas fees ne sont pas proportionnels aux montants transférés, mais forfaitaires.

Vous trouvez (à juste titre) que vous payez beaucoup trop de frais dans votre contrat d’assurance vie ?  Bienvenue dans le monde enchanté des DAO, des smart contracts et des gas fees forfaitaires.

Mais vous payez bien des frais déraisonnables avec votre contrat d’assurance vie.

Le tragédie des horizons

La tragédie des communs (Tragedy of the commons) est un livre de Garrett Hardin (1915-2003) développant un article de 1968.

Démarquant l’expression de Hardin, Mark Carney, alors gouverneur de la Bank of England, avait prononcé en 2005 un discours fameux, Breaking the Tragedy of the Horizons, Climate Change and Financial Stability.

A l’ère de la Funcertitude, on ne peut pas dire que les communs (ce qui, appartenant à tous, est d’intérêt général) et les horizons (le long terme) soient des sujets de conversation chez les investisseurs, et c’est bien dommage. 

Et pourtant, ce terme magnifique de tragédie des horizons est très pertinent.

C’est ce que nous explique l’excellent Joe Wiggins, CFA, sur son blog Behavioural Investment.

Après un exercice de style consistant à se demander quelle est la probabilité pour un quidam de faire mieux que Warren Buffett pour arriver à faire le départ entre le talent et la chance, Joe arrive à quelques conclusions.

1) Les discussions sur la chance et le talent en matière de placement n’ont aucun sens si l’on ne spécifie pas un horizon temporel. Pour la plupart des styles de placement, plus l’horizon est long, plus le talent va influer sur le résultat. Mais quel que soit l’horizon de placement, les résultats seront toujours influencés par la chance.

2) Investir est une activité bizarre. Sur des durées raisonnablement longues (un an, trois ans et plus) des personnes sans aucune compétence visible vont obtenir des résultats meilleurs que ceux de la plupart des individus talentueux. Trèu peu d’activités sont structurées ainsi.

3) Les investisseurs en fonds gérés activement se trompent complètement en matière d’horizon de placement. Tenter d’identifier le talent [chez un.e gérant.e] et s’inquiéter ensuite de sa performance à un an ou à trois ans est futile. Ca revient à jouer à la roulette (particulièrement si nous admettons qu’il est peu probable que nous sachions identifier les meilleur.e.s gérant.e.s de leur génération à l’avance). Se polariser sur le court terme nous voue à prendre en permanence de mauvaises décisions basées sur les mouvements inprévisibles des marchés.

Si vous ne deviez retenir que deux phrases du billet de Joe :

Si l’on veut avoir une chance de succès quand on investit dans des fonds gérés activement, nous devons allonger notre horizon temporel. Si ça n’est pas possible, nous ne devrions même pas les utiliser.

Pour en revenir à la tragédie des communs, la thèse de Harding était que l’existence d’une ressource commune et finie conduisait immanquablement à sa surexploitation du fait de la concurrence entre les personnes voulant y accéder.

Elinor Olstrom (1933-2012) est arrivé à une conclusion différente dans son analyse de la gouvernance des biens communs.

De la co-récipiendaire en 2009 du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, on pourra lire Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action (Gouvernance des biens communs: Pour une nouvelle approche des ressources naturelles).

Notre ennemi les frais

Charles (Charley) D. Ellis est un des grands noms de la gestion d’actifs. Fondateur en 1972 du cabinet de conseil Greenwich Associates, il est l’auteur d’un livre à succès constamment réédité depuis 1998, Winning the Loser’s Game: Timeless Strategies for Successful Investing.

Sa thèse ? Pour la plupart des investisseurs, mieux vaut utiliser des produits indiciels à très bas coûts plutôt que des gérants actifs beaucoup plus chers.

Il avait préparé le terrain de son livre avec un article paru en 1975 dans le Financial Analysts Journal, « The Loser’s Game », dans lequel il écrivait ceci :

L’activité de la gestion d’actifs […] repose sur une croyance simple et basique : les gérants professionnels peuvent battre le marché. Il se trouve que ce postulat est faux.

Dans un billet publié sur l’excellent site Humble Dollar animé par Jonathan Clements, il a rappelé l’historique de la facturation des frais de gestion et de l’adoption récente du modèle ad valorem par presque tout l’écosystème des produits de placement, de la gestion au « conseil ».

Aux Etats-Unis, avant la crise de 1929, les cabinets d’avocats créaient pour leurs clients riches des structures dédiées à leurs placements : des trusts. Ces avocats facturaient la gestion des placements à l’heure.

Pour gagner plus d’argent, les cabinets d’avocats ont réussi à imposer aux plus gros portefeuilles des honoraires dépendant des dividendes perçus, première irruption de la facturation ad valorem dans le conseil financier.

Après le krach de 1929, le montant des dividendes diminua, mais moins que la valorisation des portefeuilles. Des clients se plaignant, les gérants des trusts, de plus en plus fréquemment intégrés aux banques, modifièrent de nouveau la facturation de leurs services : 50% sur les dividendes, 50% sur le montant des actifs. Puis, pour simplifier, 100% sur les actifs, avec un pourcentage bas : 0,1% des actifs au titre de la rémunération du conseil.

Jusqu’au milieu des années 1970, les trusts et les courtiers bénéficièrent d’accords permettant de maintenir les commissions de conseil à ce niveau assez bas. Jusqu’à ce que la libéralisation des frais du courtage en 1975 conduise le leader de l’activité de trust, Morgan Guaranty Trust, à augmenter les frais de 0,1% à 0,25%.

Alors que la société s’attendait à un exode des clients, elle n’en perdit qu’un.

Qu’en dit Ellis ?

L’industrie de la gestion d’actifs réalisa que les frais n’importaient pas à ses clients.

Le génie des frais sortit de la bouteille il y a près de 50 ans, et il n’y est pas encore rentré, en dépit de la montée en puissance de la gestion indicielle à bas coûts.

Bienvenue dans l’effet Veblen. J’en avais déjà parlé en 2019, c’est ici.

Thorstein Bunde Veblen (1857-1929) est un économiste et sociologue américain qui a donné son nom à l’effet Veblen : plus le prix de certains biens (les biens Veblen) augmente, plus la demande pour ces biens augmente, en contradiction avec les lois habituelles de l’offre et de la demande.

Selon Veblen, cet effet affecte les biens répondant au besoin de certains humains d’avoir une consommation ostentatoire, permettant d’affirmer et de mettre en valeur un statut social élevé.

Pour contrer l’effet Veblen en gestion d’actifs, Ellis conseille de modifier son point de vue. Plutôt que de dire que la gestion ne coûte « que » 1%4, il suggère de rapporter le niveau de frais au rendement attendu.

Si l’on attend d’un placement en actions un rendement annuel moyen de 7%, « seulement » 1% de frais annuels représente 14% du rendement attendu5.

Quant à moi, j’aime à convertir les frais de gestion en prix du litre d’essence. L’ETF indiciel répliquant l’indice MSCI Europe pour des frais de 0,2% vous fait payer le litre d’essence 1,7 €. Votre fonds actions Europe à 2% de frais vous fait payer le même litre d’essence à 17 €.

A vous de voir si l’essence de la gestion active est de qualité supérieure. Ca peut être le cas pour certains gérants. Si vous savez les identifier à l’avance, n’hésitez pas.

Ellis a également publié en 2016 The Index Revolution: Why Investors Should Join It Now.

De Thorstein Veblen, on pourra lire Théorie de la classe de loisir.

Lars et le #H2Ogate

Lars Windhorst avait annoncé sur Twitter qu’un tribunal néerlandais avait déclaré sa holding Tennor insolvable et nommé un liquidateur. C’était le 4 novembre.

Il avait rassuré la (nombreuse) communauté des créanciers de Tennor sur le fait que tout allait bien, que Tennor et ses filiales étaient en pleine forme et que la société avait fait appel de la décision après avoir trouvé un accord avec le créancier à l’origine de la plainte.

Depuis, Lars est très discret.

Il a seulement annoncé la nomination d’un nouveau dirigeant pour Avatera, une société développant des solutions chirurgicales robotiques qui avait émis des obligations souscrites par certains fonds de H2O AM.

Greg Roche est bien entendu l’homme de la situation. Et comme le président du conseil d’administration d’Avatera est Ian Read, qui fut longtemps P-DG de Pfizer où il a contribué à créer 240 milliards de $ de valeur, Avatera est en de bonnes mains.

Je suis rassuré, avec de tels pointures la société saura rembourser ses dettes.

Dans un autre tweet important, Lars se réjouissait du derby à venir entre le Hertha Berlin, « son » club, dans lequel il a injecté 374 millions d’euros, et le FC Union. Le Hertha Berlin allait bien sûr gagner (« Doch der Favorit meines Herzens is Hertha BSC und die Punkten gehören uns »).

Damned, encore raté. Die Punkten gehörten Union Berlin.

Au nom de la transparence, toujours pas de réaction de H2O AM à la mise en liquidation de Tennor. En revanche, la société de gestion a informé la planète de la mise en place d’un comité exécutif global.

H2O AM, après avoir heurté l’iceberg Tennor et fait sombrer les porteurs de parts des FCP contaminés par le bacille illiquidita pestis ? H2O, s’est fait accompagner

par un cabinet de conseil international de premier plan afin d’améliorer son organisation globale et renforcer sa gouvernance et ses fonctions de contrôle (Risque & Conformité) selon les standards les plus exigeants de notre industrie.

L’exigence, il n’y a que cela de vrai. Avec la transparence, la liquidité et la performance.

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Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.

Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.

C’était ma semaine Twitter 47 de 2021. Sayōnara. さようなら.

Illustration : Les Temps Modernes (Modern Times, 1936) de Charles Chaplin

  1. Son étoile a pâli en 2021, j’en ai parlé ici.
  2. C’est ma minuscule contribution à la lutte contre le gaspillage. Moi aussi je suis ESG. Intrinsèquement ou pas.
  3. Incidemment, Citadel Securities, c’est l’entité qui paie fort cher Robinhood pour exécuter les ordres des utilisateurs de ce courtier. Je rappelle que Robinhood a bousculé le courtage aux Etats-Unis en instaurant la « gratuité » du courtage. Les « dégénérés » du groupe Reddit WallStreetBets qui ont participé à l’épisode GameStop ont donc contribué à permettre à Griffin à surpayer l’exemplaire de la constitution des Etats-Unis. J’adore la magnifique plasticité du capitalisme, qui est capable de tout récupérer à son avantage.
  4. Ca, c’est aux Etats-Unis. En France, un fonds actions géré activement coûte plutôt 2%.
  5. Et en France, sur la base de frais de gestion active de 2%, 28% du rendement attendu.

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