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Ma Semaine Twitter 45 de 2023

Jordan Belfort a changé. En bien.

Jordan Belfort, c’est l’escroc du Loup de Wall Street.

Jordan Belfort a payé sa dette à la société (condamné à 4 ans de prison, il en est sorti après 22 mois de détention) pour repartir du bon pied.

Lui qui a arnaqué de nombreux particuliers crédules en les incitant à trader des titres sans valeur s’est transformé en partisan… de la gestion indicielle !

Son père spirituel sur son chemin de Damas ? Feu Jack Bogle (1929-2019), le fondateur de Vanguard.

Belfort a raconté sa rédemption à Gregg Greenberg d’Investment News. Parce qu’il faut bien promouvoir le livre qu’il a écrit pour faire bénéficier les masses de ses lumières : The Wolf of Investing – My Playbook for Making a Fortune on Wall Street.

Je ne le lirai pas, mais j’aime beaucoup ces histoires de rédemption. Même si j’ai du mal à y croire complètement.

J’ai lancé la semaine dernière un Substack à destination des investisseurs privés : L’Odyssée des Placements. N’hésitez pas à vous y abonner et à le recommander.

Pas de Vexin ce week-end, nos filles ayant kidnappé la voiture familiale pour le week-end. Pour nous consoler, nous avons pris le RER jusqu’au Vésinet et avons marché jusqu’à Poissy en traversant la splendide forêt de Saint-Germain-en-Laye.

Et nous avons comblé une grosse lacune en visitant enfin la Collégiale Notre-Dame de Poissy, où l’on trouve une belle mise au tombeau.

J’ai terminé ce week-end une trilogie de Frédéric Paulin sur le terrorisme islamiste du début des années 1990 jusqu’aux attentats de 2015 en France. Le fil rouge, c’est Tedj Benlazar, un agent de la DGSE. 

Ça commence avec La guerre est une ruse, qui se passe avant dans l’Algérie de la décennie tragique (les années 1990). Benlazar y est en poste et pressent que le terrorisme algérien va s’exporter en Europe.

Ça continue avec Les prémices de la chute, où l’on suit la trajectoire de certains terroristes qui vont mener les attaques du 11 septembre.

Et ça se termine avec La fabrique de la terreur. C’est exceptionnel.

Paulin avait parlé de sa trilogie dans un entretien de mai 2022 avec Yves Le Pape du site We Culte !

Le coffret de la trilogie Benlazar est ici.

J’ai découvert un compte Twitter parodique que je trouve souvent fort drôle. Je vous laisse en juger.

Si vous n’avez pas envie de lire au-delà, voici la synthèse vidéo de cette semaine en moins de 2 minutes. Vous pouvez vous abonner à la chaîne YouTube d’Alpha Beta Blog ici.

Bienvenue dans ma semaine Twitter 45 de 2023.

OK, néo-investisseurs

L’OCDE, dont le siège est à Paris, fait depuis des années un travail de très grande qualité sur l’éducation financière, et met à la disposition des pays membres de multiples ressources pour les aider à mettre en place une stratégie nationale d’éducation financière.

Le site dédié est ici.

Longtemps la France s’est tenue à l’écart de ces ressources, pour des raisons qui sont obscures : croyance dans la supériorité d’un « modèle français » d’éducation financière qui n’existait pas ? Dédain technocratique pour un sujet jugé peu noble ?

Quoi qu’il en soit, les temps changent et c’est tant mieux.

L’AMF a souhaité mieux connaître les épargnants ayant commencé à investir sur les marchés depuis 2020. Pour cela, le régulateur français

a sollicité le soutien de la Commission européenne qui a désigné l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour l’appuyer dans ses actions à destination de ce public.

Le premier volet de la collaboration entre l’AMF et l’OCDE a pris la forme d’une étude de terrain conduite par l’institut Audirep en avril 2023, portant sur un échantillon de plus de 8.000 personnes qui a permis d’interroger plus de 2.134 investisseurs particuliers, dont 1.056 avaient acheté pour la première fois ces trois dernières années des produits d’investissement.

Qui sont ces « nouveaux » investisseurs ?

S’ils sont majoritairement des hommes (64 %) de moins de 35 ans (56 % contre 21 % chez les investisseurs « traditionnels »), la part des femmes est plus élevée que chez les investisseurs de longue date. Leurs revenus, leur patrimoine financier et leur niveau d’éducation sont supérieurs à la moyenne de la population française

Quels produits d’investissement détiennent-ils ?

  • Des crypto pour 50 % d’entre eux (contre 25 % des investisseurs « traditionnels »). Le taux de détention est encore plus élevé pour les nouveaux investisseurs âgés de 25 à 34 ans, à 63 %.
  • L’assurance vie pour 33 % d’entre eux (contre 47 % des investisseurs « traditionnels »).
  • Des placements d’épargne retraite (29 % contre 33 %).
  • Des actions d’entreprises cotées (24 % contre 36 %).
  • Du financement participatif (ou « crowdfunding ») (18 % contre 17 %).
  • Des jetons non fongibles (NFT) (13 % contre 7 %).
  • Des produits financiers spéculatifs tels que les options et les produits dérivés (12 % contre 11 %).
  • Des fonds indiciels cotés en bourse (Exchange-Traded Funds ou ETF) (11 % contre 9 %).

Les « nouveaux » investisseurs ont investi 6 743 euros en moyenne (25 % d’entre eux ont investi moins de 500 euros depuis 2020 et 75 % ont investi moins de 10 000 euros) et ils déclarent avoir un horizon de placement plus court que celui des investisseurs traditionnels : 66 % des « nouveaux » ont investi avec un horizon de placement de moins de 10 ans, contre 37 % des « traditionnels ».

Sans surprise, les « nouveaux » réalisent leurs transactions d’investissement via des moyens numériques : 70 % d’entre eux utilisent des outils en ligne.

Ils utilisent plusieurs sources d’information avant d’investir (seuls 7 % d’entre eux, notamment les ouvriers ou les personnes à revenu modeste et peu qualifiées, déclarent n’en utiliser aucune). Les nouveaux investisseurs les plus jeunes (18 à 25 ans) privilégient les sources d’information que le rapport de l’OCDE qualifie de « non-officielles » : les réseaux sociaux et les influenceurs.

Les points les plus problématiques concernent le niveau de confiance dans leurs compétences pour investir et les objectifs d’investissement des « nouveaux ».

Ils ont en effet confiance en leurs propres connaissances financières, malgré des niveaux de connaissances avérés limités dans ce domaine. C’est particulièrement vrai pour les jeunes âgés de 18 à 24 ans, ainsi que ceux appartenant aux catégories socioprofessionnelles inférieures.

67 %  des nouveaux investisseurs pensent que leurs connaissances financières sont plutôt élevées ou très élevées.

Vous avez dit excès de confiance ?

Encore plus ennuyeux, la majorité de ceux qui investissent dans des produits très risqués (produits dérivés, options ou crypto-actifs) n’ont pas été en mesure de répondre correctement aux questions relatives à l’utilisation de ces produits.

Le cocktail excès de confiance + faible compréhension des produits utilisés peut-il conduire à de bonnes performances ? J’en doute.

L’objectif des nouveaux investisseurs est particulièrement inquiétant : 73 % d’entre eux, dont 80 % chez les 18-24 ans considère que leur priorité est de gagner beaucoup d’argent très rapidement grâce à leurs investissements, alors qu’ils sont 61 %  à privilégier les investissements à risque modéré.

C’est un grand écart intenable.

89 % des nouveaux investisseurs ont déclaré jouer à des jeux vidéo en ligne, et près de 9 nouveaux investisseurs sur 10 ont déclaré faire des paris, en ligne ou hors ligne.

Les auteurs de l’étude ont segmenté la population des nouveaux investisseurs en quatre familles :

  • Les « Néophytes », comprenant ceux qui investissent principalement dans les crypto-actifs et recherchent des informations auprès de sources non officielles, telles que les réseaux sociaux et les influenceurs ;
    • Les « Non-informés », comprenant ceux qui ne recherchent aucune information quelle qu’elle soit avant d’investir ;
    • Les « Dynamiques », comprenant ceux qui jouent et parient régulièrement en ligne et qui sont très confiants dans leurs connaissances financières ; et
    • Les « Consciencieux », comprenant ceux qui diversifient leurs investissements et souhaitent financer des projets précis.

Il pourrait y avoir de grosses déconvenues pour tous ceux qui ne font pas partie des Consciencieux.

Prochaine étape ? L’OCDE va élaborer une proposition de stratégie d’éducation financière à destination de ces nouveaux investisseurs.

Le rapport complet est ici, il est passionnant.

Consumer Duty

J’ai parlé ici du Consumer Duty, à savoir le devoir des fournisseurs de services financiers vis-à-vis des consommateurs de services financiers, entré en vigueur au au Royaume-Uni le 31 juillet 2023.

La FCA vient d’envoyer aux dirigeants des sociétés proposant des services de gestion de patrimoine (« wealth management firms ») ainsi qu’aux courtiers actions (« stockbroking firms ») une de ces lettres qu’elle appelle des « Dear CEO letters ».

Lettre que j’ai trouvée particulièrement gratinée.

Le sujet ? Les attentes du régulateur en matière de prévention des crimes financiers (blanchiment d’argent et financement du terrorisme) et de prise en compte du Consumer Duty.

La FCA commence par prévenir que son approche a changé.

Notre supervision évolue pour devenir plus affirmée, intrusive, proactive, et plus fondée sur des données. Nous ferons plus de visites sur site avec un court préavis et sans préavis quand nous l’estimons nécessaire. Et nous utiliserons bien plus nos pouvoirs d’intervention formelle dans les cas les pires.

Les attentes de la FCA en matière de prise en compte du Consumer Duty n’ont pas été satisfaites.

Malheureusement, nous avons constaté que de nombreux gestionnaires de patrimoine et courtiers actions ne respectaient pas les obligations en matière de fourniture de services qui délivrent de bons résultats pour les consommateurs.

Ça commence à piquer :

On vous fait confiance pour gérer des patrimoines résultant souvent de décennies de dur labeur et d’investissements prudents. Et pourtant, de nombreuses sociétés trahissent cette confiance en promouvant des produits ou des services trop risqués et/ou trop complexes pour la plupart des consommateurs.

Ça pique encore :

Des courtiers actions fournissant des services d’exécution sans conseil ont mis en avant des produits bien trop compliqués à comprendre. […] Ces produits et services, qui peuvent être très profitables pour les sociétés, conduisent souvent les consommateurs à perdre de l’argent.

Diantre, la FCA ferait-elle allusion à ces splendides armes de destruction massive que sont certains produits dérivés ? Ou structurés ?

Ca continue dans le registre inamical.

Nous continuons de voir des sociétés facturer des services qui ne sont pas fournis (par exemple du conseil continu), faire trop de transactions sur les portefeuilles pour générer des revenus transactionnels élevés, ou fournir un produit ou un service qui n’est pas aligné avec les besoins du consommateur (comme une offre chère de gestion discrétionnaire pour un consommateur ayant une forte aversion au risque).

Ah, faire tourner abusivement les portefeuilles, une vieille pratique scélérate toujours en vigueur. Au moins, les commissions de mouvement au sein des fonds ne sont pas autorisés au Royaume-Uni, alors qu’elles le sont encore —hélas, mille fois hélas — en France. 

Ah, et les frais, car il faut parler des frais, quoi qu’en dise l’eurodéputée française Stéphanie Yon-Courtin, autrice de ses immortelles paroles : « Il faut arrêter de mettre l’accent exclusivement sur le prix d’un produit financier. »

Nous sommes aussi préoccupés par le fait que des sociétés ne fournissent pas systématiquement des informations claires sur leurs frais ou leur tarification. Il en résulte que les consommateurs peuvent ne pas avoir confiance des frais élevés qui réduisent significativement la performance de leurs investissements. Nous avons vu en particulier des sociétés facturant des frais moyens élevés, voire très élevés dans le cas de certains de leurs clients. Nous allons mettre au défi les sociétés de justifier des frais aussi élevés.

Ah ben zut, si on ne peut plus tondre les clients en paix, où va-t-on ?

Que le régulateur anglais écrive une telle lettre aux gérants de patrimoine et aux courtiers actions prouve qu’il existe des abus importants dans ces deux secteurs et surtout que les régles du jeu ont changé.

C’est une excellente nouvelle pour les consommateurs de services financiers au Royaume-Uni.

Value for Money

En France, on n’a pas de pétrole, on n’a pas de Consumer Duty, mais on a le concept de Value for Money, introduit dans l’Union européenne par le projet de Retail Investment Strategy dont j’ai déjà parlé ici à maintes reprises.

Jean-Paul Faugère, le patron de l’ACPR, qui régule en France les banques et les compagnies d’assurance,  s’était exprimé sur le sujet des frais de l’assurance vie lors de la conférence annuelle de l’ACPR le 5 décembre 2022.

Tous les signaux semblent donc indiquer qu’un mouvement des professionnels serait opportun voire nécessaire. Ce mouvement devrait se caractériser par une double exigence de transparence et d’autoévaluation.

Le message avait été reçu par France Assureurs5 qui dans un communiqué de presse du 7 décembre 2022 déclarait ceci :

[L]es représentants de la profession ont engagé une réflexion afin de rechercher comment, d’une part, favoriser la transparence et l’information de la clientèle et, d’autre part, aboutir à une modération du niveau des frais in fine réglés par les souscripteurs dans ce type de contrats.

France Assureurs avait suggéré une piste à ses membres (italique ajouté par mes soins) :

France Assureurs invite ses membres à renforcer, à compter de 2023, l’examen des unités de compte (UC) référencées hors titres vifs dans ces contrats en comparant les frais de chaque UC à un niveau de référence, par exemple la moyenne des frais des UC appartenant à un ensemble cohérent, tel qu’une même catégorie d’indicateur de risque (SRRI)6.

Lorsque les frais d’une UC considérée sont nettement supérieurs à la moyenne des frais susmentionnée, par exemple de plus de 50 %, il pourrait être utile d’examiner sa performance nette de frais par rapport aux UC de la même catégorie.

En cas de performance non satisfaisante au regard, par exemple, de la durée de détention recommandée de chaque UC examinée, la pertinence du maintien de son référencement pour les nouveaux versements pourrait être étudiée dans le respect des règles de gouvernance de chaque entreprise.

En cas de référencement de nouvelles UC dans les contrats précédemment mentionnés, une analyse équivalente pourrait être pertinente en appliquant par exemple un seuil de 33 %.

Suite à l’introduction au Royaume-Uni du Consumer Duty, je notais ici que des plateformes de distribution de produits de placement en ligne avaient commencé à déréférencer des produits ne répondant pas aux critères de la « juste valeur » (« fair value »).

Il n’a pas fallu longtemps pour qu’un assureur vie important sur le marché des CIF et des COA1, BNP Paribas Cardif, exclue 41 fonds ne répondant pas aux critères de la « Value for Money ».

Le site H24 Finance a dévoilé l’information et publié la liste des 41 produits déréférencés. Tout versement sera impossible sur ces produits à partir du 15 novembre.

Parmi les produits concernés, on retrouve des fonds gérés par de grands acteurs internationaux comme JPMorgan AM (un produit) et Franklin Templeton ( produits) ; et des fonds gérés par des sociétés de gestion ayant conservé la fâcheuse habitude de facturer des commissions de mouvement.

Cette scélérate exception française, qui a réussi à perdurer pendant des décennies grâce à l’inertie de l’AMF, a finalement été interdite2 par le régulateur qui l’avait annoncé dans un communiqué du 22 mai 2022 (j’en avais parlé ici).

Avec une période de grâce scandaleuse jusqu’à fin 2025, qui va permettre aux sociétés de gestion qui s’y adonnent de ponctionner environ 500 millions d’euros par an sans aucune justification aux porteurs de parts des fonds concernés.

Revenons aux 41 fonds bannis par BNP Paribas Cardif. La plupart d’entre eux ont des performances relatives à 3 et 5 ans (par rapport aux autres fonds de leur catégorie, j’ai utilisé Quantalys pour l’analyse) très médiocres. La plupart d’entre eux ont des frais courants élevés (source : DICI). Certains d’entre eux facturent des commissions de mouvement, qu’elles soient perçues par le seul dépositaire ou par le dépositaire et la société de gestion, c’est toujours le porteur de parts qui les paie).

Voici un tableau récapitulatif. Les commissions de mouvement étant interdites dans toutes les juridictions sérieuses, les grands acteurs internationaux (JPMorgan AM, Franklin Templeton et Invesco) ne sont pas concernés, puisque leurs fonds sont de droit luxembourgeois ou irlandais.

On y retrouve la typologie habituelle des drogués aux commissions de mouvement : des sociétés de gestion françaises plutôt petites, ayant généralement une clientèle privée à laquelle il est facile de vendre des fonds trop chers. La plupart des fonds de ces sociétés bannis par BNP Paribas Cardif ont des encours très faibles.

L'exception : La Financière de l'Echiquier, rachetée récemment par La Banque Postale Asset Management, qui n'a toujours pas réussi à se débarrasser de sa très ancienne addiction. Pour de nombreux fonds, la société de gestion perçoit jusqu'à 0,4% de commission de mouvement à chaque transaction sur les actions. C'est énorme et honteux.

Mais il y a pire : c'est 0,5% maxi pour le fonds banni géré par Montségur Finance. Et même 0,59% maxi pour le fonds banni géré par Turgot AM.

On notera que je n'ai pas réussi à identifier le fonds Patrimoine Pro Actif mentionné par H24 Finance, dont La Financière de l'Echiquier serait la société de gestion.

Je rappelle à toutes fins utiles que le plus gros bénéficiaire des commissions de mouvement est vraisemblablement Carmignac, dont aucun fonds ne figure dans la liste des bannis de BNP Paribas Cardif.

On notera aussi la présence de fonds gérés par Rothschild & Co AM, qui fait hélas partie de ces sociétés "prestigieuses" facturant ces scélérates commissions de mouvement.

Le génie "Value for Money" est sorti de la bouteille, il n'y rentrera plus et ça va faire mal.

Et du bien aux particuliers français qui seront de moins en moins exposés aux produits les plus médiocres, qui sont souvent les plus chers.

Ils sont médiocres précisément parce qu'ils sont chers.

Du côté de l'ESG

L'ESG, c'est un univers en évolution permanente. Normal, c'est récent, il n'y a pas encore beaucoup de normes ni d'approche universellement acceptée.

Le grand débat du moment, c'est celui qui agite le monde des normes comptables : matérialité simple (schématiquement, l'approche des méchants anglo-saxons adeptes du capitalisme financier le plus débridé) vs double matérialité (schématiquement, l'approche de la gentille Union européenne, adepte d'un capitalisme plus tempéré — je n'ose le qualifier de "rhénan", je crois que ce concept n'est plus vraiment en vogue).

Mais ce n'est pas mon sujet ici. J'en ai trois.

Il est important de bien définir les termes de l'ESG. 3 organisation de poids, CFA Institute3, Global Sustainable Investment Alliance et Principles for Responsible Investment ont travaillé sur une définition commune de 5 termes omniprésents.

En voici ma traduction.

  • Screening : L'application de règles basées sur des critères précis qui déterminent si un investissement est acceptable4.
  • Intégration ESG : La prise en compte en continu de considérations ESG dans le cadre d'une analyse d'investissement et d'un processus décisionnel dans le but d'améliorer la performance ajustée du risque5.
  • Investissement thématique : Sélection d'actifs pour accéder à des tendances spécifiées6.
  • Stewardship : L'utilisation des droits et de l'influence des investisseurs pour protéger et améliorer la valeur à long terme pour les clients et les bénéficiaires, en ce compris les actifs communs économiques, sociaux et environnementaux dont leurs intérêts dépendent7.
  • Investissement à impact : Le fait d'investir avec l'intention de générer un impact social et/ou environnemental positif et mesurable, parallèlement à une rentabilité financière8.

Le document complet détaille et précise ces définitions et chaque terme utilisé.

Du côté de SFDR, c'est toujours aussi confus : les catégories 6, 8 et 9 passeront-elles l'hiver ? Pas sûr.

Le régulateur néerlandais, l'AFM, vient de faire une proposition.

L'AFM constate que

[la directive] SFDR a été une étape importante en ce qui concerne la transparence en matière de durabilité, mais les données publiées restent difficiles à comprendre et à comparer.

Le régulateur néerlandais propose donc de supprimer les catégories article 8 et article 9 et d'introduire 3 labels faciles à comprendre pour les investisseurs :

  • transition
  • durable (sustainable)
  • impact durable (sustainable impact)

Enfin, ça vient de bouger du côté du label ISR français. Créé en 2016, il était en état de mort cérébrale depuis le rapport dévastateur de l'inspection générale des finances paru en décembre 2020.

[A] moins qu’il n’évolue radicalement, le label ISR s’expose à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence. Nonobstant son succès quantitatif, il présente des faiblesses intrinsèques qui obèrent son adaptation à un marché en forte évolution.

Renouvelé, le comité de pilotage avait publié en avril 2023 ses propositions sur la refonte du label ISR.

Bruno Le Maire vient de trancher sur la disposition la plus attendue.

Elle concerne les énergies fossiles : la plupart des sociétés qui en exploitent ne seront plus éligibles à compter du 1er mars 2024, date d'entrée en vigueur de la nouvelle version du label.

Bruno Le Maire a décidé de lancer une nouvelle version du label ISR, plus ambitieuse, et faisant de l’impact climatique un principe clef du label. Ainsi, l’éligibilité des fonds exclura les entreprises qui exploitent du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels, ainsi que celles qui lancent de nouveaux projets d’exploration, d’exploitation ou de raffinage d’hydrocarbures (pétrole ou gaz). En complément, un plan de transition aligné avec l’Accord de Paris sera requis.

Ce qui revient à exclure TotalEnergies, BP, ENI ou Shell, pour ne mentionner que les sociétés européennes, des portefeuilles des fonds qui voudraient obtenir ou conserver le label ISR.

Ah, un dernier sujet, qui me tient à coeur :  Goodvest distribue en ligne un contrat d'assurance vie et un PER permettant aux assurés de choisir "ce que finance [leur] assurance-vie" (source).

Le terme "finance" est séduisant, mais trompeur : pour la partie actions des portefeuilles proposés par Goodvest, il n'y a presque aucun "financement" des sociétés détenues, puisque les actions de ses sociétés sont à peu près exclusivement achetées et vendues sur le marché secondaire.

Malheureusement, le titre de l'article des Echos reprend ce terme séduisant et inexact : "Goodvest, la plateforme d'épargne qui finance les entreprises engagées pour le climat".

A copier 100 fois pour la semaine prochaine : "Mon fonds actions ne finance presque jamais les entreprises dans lesquelles il investit."

Des nouvelles du #H2Ogate

Avertissement : j'assiste depuis novembre 2022 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). Cette mission, suspendue depuis avril 2023, est susceptible de redémarrer. A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.

Des side-pockets H2O AM sont actionnaires de La Perla, la société italienne de lingerie de luxe détenue majoritairement par Tennor.

La Perla se meurt, les autorités italiennes sont mobilisées pour sauver ce (petit) fleuron du savoir-faire national (j'en ai parlé ici).

Le Ministère des Entreprises et du Made in Italy (si si, c'est bien son nom9) avait organisé une réunion le 6 novembre à Rome, à laquelle participait aussi la région d'Emilie-Romagne.

Entretemps, le plan stratégique promis par Tennor n'était jamais arrivé.

Et bien entendu, personne de chez Tennor n'a fait le déplacement à Rome.

Le spécialiste de l'impayé avait délégué un consultant en visioconférence qui a demandé un délai supplémentaire de 4 mois pour présenter un plan, forcément ambitieux, de développement, qui imposerait des licenciements.

Les autorités italiennes sont très remontées, les syndicats italiens sont très remontés et les employés de La Perla sont très remontés.

Les actions La Perla ne valent rien.

Ah, un tribunal de Londres a finalement ordonné la mise en liquidation de la filiale anglaise de La Perla, qui devait 2,8 millions de £ au fisc. Les avocats de la société ont osé dire durant l'audience que Tennor allait virer 14 millions de £ à La Perla UK sous 14 jours. La juge a tellement été convaincue qu'elle a prononcé la liquidation.

Les actions La Perla ne valent rien.

J'attends les informations promises par H2O AM dans le communiqué annonçant la dernière dépréciation des valeurs estimatives des side-pockets :

Nous informerons les porteurs de tout développement significatif d’ici mi-novembre.

Je crains d'être en mesure de vous en dévoiler la teneur en avant-première : les side-pockets ne valent plus rien et les porteurs de parts ont perdu collectivement 1,5 milliard d'euros.

J'ai fait un sondage sur Twitter sur l'évolution des prochaines valeurs estimatives de ces malheureuses side-pockets. Voici les résultats. Les 42 répondants ne sont pas très optimistes.

Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.

Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.

Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.

Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.

Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.

Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).

Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.

Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.

En fait de 250 millions, ce sont 144 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.

Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.  

Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.

Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre.

Et pas qu’un peu : on passe d’une valorisation estimée de 945 millions d’euros à fin février à 301 millions d’euros à fin septembre. 644 millions d’euros sont partis en fumée.

Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de fin septembre 2023, compte tenu du remboursement de janvier 2023, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de plus de 1 milliard 196 millions d’euros d’après mes calculs. 

 

Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 9 novembre 2023 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 29 septembre 2023). J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant de la distribution du 23 janvier 2023.

En matière de décollecte, voilà où on en est.

En matière de performance, voilà où on en est.

Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 45 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).

Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens ci-dessous (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).

Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais .

N’hésitez pas à réagir dans la rubrique « Laisser un commentaire » à la fin de chaque article. Votre contribution ne sera publiée qu’après validation par mes soins.

Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.

Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.

Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.

C’était ma semaine Twitter 45 de 2023. Sayōnara. さようなら.

Illustration : Leonardo di Caprio dans Le Loup de Wall Street de Martin Scorcese

  1. Je n’ose pas les qualifier de « conseillers » financiers puisqu’ils sont pour la quasi totalité d’entre eux rémunérés par des rétrocessions.
  2. Sauf pour les commissions de mouvement sur les actifs immobiliers.
  3. J'en suis membre.
  4. Screening: Applying rules based on defined criteria that determine whether an investment is permissible.
  5. ESG integration: Ongoing consideration of ESG factors within an investment analysis and decision-making process with the aim to improve risk-adjusted returns.
  6. Thematic investing: Selecting assets to access specified trends.
  7. Stewardship: The use of investor rights and influence to protect and enhance overall long-term value for clients and beneficiaries, including the common economic, social, and environmental assets on which their interests depend.
  8. Impact Investing: Investing with the intention to generate positive, measurable social and/or environmental impact alongside a financial return.
  9. Ministero delle Imprese e del Made in Italy.

5 réponses sur « Ma Semaine Twitter 45 de 2023 »

Bonjour,
Pensez-vous que les fonds détenant des entreprises qui exploitent du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels etc. feront le nécessaire pour garder le label ISR, ou les performances de ces mêmes entreprises seront privilégiées au label ?

Bonjour,
Les sociétés de gestion ayant une clientèle institutionnelle prépondérante dans les encours de leurs fonds labellisés choisiront probablement de conserver le label ISR, donc d’exclure les producteurs d’énergie fossile. Pour les autres, c’est moins sûr. Ils ont un délai pour choisir à compter de l’entrée en vigueur du nouveau label, leur communication sera intéressante à suivre.

Philippe !

C’est toujours un plaisir de vous lire ; vous parvenez à être « en boucle » (comme dirait un néo-investisseur non consciencieux) sans jamais devenir rasoir.
La SNCF voulait nous faire préférer le train ; vous parviendriez presque à me faire rêver d’un voyage en RER.
De passage sur H24finance.com pour y découvrir sans attendre la liste infâmante que vous évoquez, je me suis laissé aller à jeter un œil au panorama des fonds éligibles au PEA suivis sur ce site. Il y en a une soixantaine. Triés sur le volet, pour sûr ; rien que des cadors. Pensez ! Il y en a même un qui affiche une meilleure performance au 1er janvier que l’indice MSCI World ! Indice qui, comme son nom ne l’indique pas, est accessible aux détenteurs d’un PEA.
Allez, H24, on fait un peu de tri ?

Bien à vous

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