Catégories
Semaine Twitter

Ma Semaine Twitter 43 de 2023

Robert Armstrong est le commentateur des marchés financiers aux Etats-Unis du Financial Times.

Le FT, cet ardent défenseur du capitalisme en général, et du capitalisme financier en particulier.

Pas vraiment un repère de gauchistes décroissants.

Armstrong, avant de devenir journaliste, a même été analyste financier dans une société de gestion adepte de la value. C’était il y a moins de 20 ans.

La semaine dernière, il s’est intéressé dans un papier intitulé « Active investing, inert industry » à un article de deux journalistes de Bloomberg sur les affres du gros ventre mou de la gestion d’actifs dont je parle dans une vignette ci-dessous.

Qu’écrit-il ?

Pour la majorité des investisseurs particuliers, les produits indiciels sont tout simplement préférables aux produits gérés activement. Pour la plupart des gens, il n’y a réellement qu’une façon d’investir, et elle n’est pas compliquée. S’exposer à une palette réduite mais diversifiée de classes d’actifs via des véhicules indiciels, dans des quantités en adéquation avec votre horizon de placement et vos préférences en matière de risque ; rééquibrer votre portefeuille régulièrement ; et maximiser les plafonds de versement des enveloppes fiscalement privilégiées. Pour 99% des investisseurs, il n’y a vraiment rien de plus à faire, et si le sort de votre activité dépend d’un comportement différent de la part des investisseurs particuliers, vous êtes probablement dans une situation très précaire. Affirmer que des taux d’intérêt et une volatilité plus élevés vont faire revenir « un marché pour les stock-pickers » et sauver la gestion active en tant que produit d’investissement pour les particuliers, c’est mettre l’espérance au-dessus de l’expérience. 

Tant que la marée — les marchés — montait, il était possible de ne pas voir que la plupart des gérants actifs étaient en déclin et perdaient des clients, puisque la décollecte était plus que compensée par l’effet marché.

Une période de baisse des taux qui a duré près de 40 ans a pris fin ; il est possible qu’une période de hausse des marchés actions de plus de 20 ans — perturbée pendant quelques mois par la crise financière de 2008 —  soit en train de prendre fin.

« Ce n’est que quand la marée baisse que l’on voit qui se baignait nu »1, a dit le sage Warren Buffett.

La marée baisse. There will be blood.

J’ai parcouru les résultats trimestriels d’Amundi et je me suis bien amusé en lisant une annexe de la présentation2.

Amundi nous y dit que 82% des encours de ses fonds gérés activement ont battu leur indice de référence sur 5 ans à fin septembre 2023.

Cocorico ! La gestion active à la française, ça marche !

Ah, une note de bas de page précise que la performance des fonds est calculée avant frais.

Est-ce à dire que les investisseurs ne paient pas de frais de gestion chez Amundi ?

BlackRock présente le même type de données lors de ses publications de résultats, mais a la décence d’utiliser la performance nette de frais de ses fonds gérés activement.

Connaissez-vous Antoine Wauters ? J’ai découvert l’an dernier cet écrivain belge né en 1981 avec Mahmoud ou la montée des eaux, un roman magnifique écrit en vers libres dans lequel un vieux poète syrien — Mahmoud — raconte les horreurs de la guerre civile.

J’ai lu la semaine dernière le dernier roman de Wauters, Le plus court chemin. C’est une espèce de recherche d’un temps perdu, celui — pas si lointain, mais qui semble tellement éloigné — de l’enfance de l’auteur, dans les Ardennes belges.

Les personnages de Wauters ne sont pas les bourgeois et les aristocrates d’A la recherche du temps perdu, mais les membres de sa famille (magnifiques passages sur les oncles flamands) et les voisins, décrits avec une grande tendresse.

Quand il tonnait on brûlait des fleurs de camomille. On attirait le tonnerre en coupant des fleurs de coquelicot. Pour retrouver un noyé, on faisait flotter du pain bénit sur l’eau parce que, quand celui-ci passait au-dessus du cadavre, le cadavre le stoppait net, avec son bras. On disait “avoir bon” quand on passait un moment agréable. On disait même parfois qu’on avait “bon de vivre”.

Wauters est édité par Verdier, une exigeante maison indépendante qui est également l’éditeur de Pierre Michon (Les deux Beune), ou, pour les férus de littérature de langue allemande, de Robert Menasse (L’élargissement) et de Reinhard Kaiser-Mühlecker (Lilas Rouge).

Après le bitume des 20 kilomètres de Paris, place aux chemins et aux sous-bois : j’ai couru ce week-end le trail de la Foulerie à Chaumont-en-Vexin, dans sa version 23 kilomètres.

Il avait beaucoup plu la veille, il a plu pendant 45 minutes au début, le sol était donc très glissant et tous les coureurs ont fini maculés de boue. Mais quel plaisir, même dans la boue.

J’ai fini, crotté, fourbu et heureux, en un peu moins de 2 heures 28 minutes. Je recommencerai.

Au potager, qui va bientôt prendre ses quartiers d’hiver, nous avons récolté cucurbitacées, scarole, piments, poireaux, basilic et betteraves. J’en ai fait une nature morte.

Il restait même quelques vaillantes tomates.

Etienne Dorsay avait migré à la mi-août vers les cieux plus cléments d’Instagram. Il semble avoir fait son retour sur Twitter, ce qui me comble d’aise.

Bienvenue dans ma semaine Twitter 43 de 2023. Si vous préférez une synthèse vidéo de 3 minutes, en voilà une.

Toujours moins

Parmi mes sources d’hilarité dans le microcosme de la gestion et de la distribution de produits de placement auquel s’intéresse ce blog, figurent deux éléments :

  • L’un est déjà ancien, il s’agit des valeurs fondatrices de H2O AM : Performance, liquidité et transparence.
  • L’autre est tout récent : c’est la déjà immortelle réflexion de l’eurodéputée française Stéphanie Yon-Courtin, défenseure de la veuve, de l’orphelin et surtout des intérêts des lobbies financiers, pour qui « il faut arrêter de mettre l’accent exclusivement sur le prix d’un produit financier. »

Mettons donc l’accent sur le prix d’un produit financier.

Depuis l’invention des ETF indiciels (le premier ayant été coté à la bourse de Toronto en 1990), les frais baissent et c’est tant mieux. 

Ils baissent surtout aux Etats-Unis, où la concurrence existe sur le marché des produits de placement (j’en ai parlé la semaine dernière), mais aussi en Europe.

Illustration avec un ETF actions et un ETF obligataire.

Il est désormais possible de s’exposer à l’évolution de l’indice S&P 500 des grandes capitalisations étatsuniennes pour des frais de 0,03% par an. Merci SSGA. 

Les ETF obligataires sont gérés activement3 et permettent de s’exposer à des obligations d’entreprises alignées avec les objectifs de l’accord de Paris de 2015, émises en EUR pour l’un, et en USD pour l’autre. La société de gestion les a classifiés en Article 9.

La société de gestion ? Fidelity. Le prix (parlons-en) ? 0,30% par an.

Un abonné Twitter m’a demandé pourquoi ces ETF n’étaient pas disponibles chez BoursoBank. Je lui ai répondu qu’il fallait le leur demander et lui ai rappelé qu’un courtier en ligne n’avait pas l’obligation de donner accès à tous les ETF cotés sur une bourse européenne : le référencement d’un ETF est une décision commerciale.

BoursoBank4 ne permet ainsi pas de faire des transactions sur les ETF Vanguard, de droit irlandais, mais a signé un accord avec iShares (BlackRock) permettant à ses clients de faire des transactions sans frais de courtage sur une sélection d’ETF5.

On peut donc dorénavant s’exposer à la hausse comme à la baisse aux performances de l’indice S&P 500 pour 0,03% de frais par an, et accéder à une gestion active d’obligations d’entreprises article 9 pour 0,3% de frais par an.

Et vous, combien payez-vous ?

Si vous trouvez que c’est trop cher, vous pouvez écrire à l’eurodéputée Yon-Courtin, elle se fera un plaisir de défendre vos intérêts.

Ah, j’oubliais : tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes au pays des ETF. Les émetteurs d’ETF s’en donnent en effet à coeur joie avec le lancement de produits de niche, dont certains sont des armes de destruction massive.

L’excellent Robin Wigglesworth du Financial Times en a parlé dans un excellent article : « ETFantasmagoria ».

Il qualifie ainsi certains pièges à gogo lancés dans l’intérêt exclusif des sociétés de gestion :

Turd sprinkled with some hype and wrapped by a sexy backtest.

Je vous laisse chercher la signification de « turd »6 si vous ne connaissez pas ce mot.

Wigglesworth est l’auteur d’une remarquable et indispensable histoire de la gestion indicielle : Trillions – How a Band of Wall Street Renegades Invented the Index Fund and Changed Finance Forever.

Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous présenter le dernier combat de mon eurodéputée préférée.

Big Tech (Etats-Unis et Chine) = Méchants, il faut en protéger les consommateurs.

Big Finance (France, à la limite Union européenne) = Gentils, il faut les protéger des consommateurs.

Allez comprendre.

Quand on ne veut pas parler d’un énorme problème (le coût prohibitif des produits financiers en France), on met le projecteur sur un problème totalement accessoire (le rôle néfaste des finfluenceurs).

Un grand classique de la désinformation.

Consumer Duty

Le Royaume-Uni, c’est le pays du Financial Times (même si le quotidien est détenu depuis 2015 par Nikkei Inc., une société japonaise qui publie notamment le Nihon Keizai Shinbun — 日本経済新聞 —, le grand quotidien économique nippon).

Le Royaume-Uni, c’est un pays qui a été durablement modelé par Margaret Thatcher et qui est très libéral, au sens économique du terme : l’Etat intervient aussi peu que possible et fait en sorte de ne pas trop réglementer pour ne pas entraver le développement des entreprises.

C’est pourtant, et aussi, le pays du Consumer Duty. A savoir le devoir vis-à-vis des consommateurs de services financiers, entré en vigueur le 31 juillet 2023.

Selon la FCA, le régulateur des marchés financiers au Royaume-Uni, ce Consumer Duty garantit en théorie que les consommateurs de services financiers reçoivent :

  • Le support dont ils ont besoin, au moment où ils en ont besoin, afin qu’il soit aussi facile de résoudre un problème, changer de produit ou en annuler la vente, aussi facilement que pour y souscrire.
  • Des communications compréhensibles permettant de prendre les bonnes décisions. Ce qui signifie notamment que des informations importantes ne doivent pas être noyées dans de longues conditions d’utilisation difficiles à comprendre.
  • Des produits et des services qui répondent à leurs besoins plutôt qu’à ceux des fournisseurs et offrent une valeur juste (« offer fair value »). Le consommateur ne sera pas volé ou n’aura pas à payer des frais auxquels il ne s’attendait pas. Le régulateur insiste sur le fait que cette « valeur juste » n’implique pas que le produit ou le service est le moins cher, et incite les consommateurs à examiner d’autres offres.

Dans le document de la FCA destiné à éclairer les fournisseurs de services financiers, on trouve des explications détaillées sur la notion de « Fair value »7.

La valeur juste, c’est plus que le seul prix. […] La valeur doit être considéré dans sa totalité et des prix bas ne sont pas toujours synonymes de valeur juste. […] Notre intention  n’est pas de fixer les prix et nos règles n’ont pas cet effet. Cela ne signifie pas non plus que nous attendons des sociétés qu’elles fournissent des produits et des services à un prix bas. Les produits et les services qui coûtent plus cher aux consommateurs peuvent tout à fait fournir de la valeur si [leur prix] est le reflet de leur qualité et de leurs avantages.

La FCA invite les fournisseurs de services financiers à se poser les questions suivantes :

  • Existe-t-il des coûts ou des charges qui semblent déraisonnablement élevés, ou sans justification, en comparaison des avantages du produit ou d’autres produits comparables (que ce soit parmi le portefeuille de produits de la société ou parmi des produits comparables fournis par des concurrents) ?
  • Est-ce que des changements dans les avantages du produit ont été pris en compte dans le prix, ou devraient l’avoir été ?
  • Est-ce que des changements matériels dans les hypothèses utilisées pour fixer le prix (par exemple celui du service) ont été pris en compte dans le prix, ou devraient l’avoir été ?

Que se  passe-t-il si une société arrive à la conclusion qu’un produit ou un service n’apporte pas (ou plus) une valeur juste aux consommateurs ?

Les sociétés doivent prendre les mesures appropriées pour atténuer et prévenir tout préjudice, par exemple en faisant évoluer le produit ou le service pour améliorer sa valeur, ou en le retirant de la vente.

« Ou en le retirant de la vente. »

C’est ce qui est en train de se produire chez certaines importantes plateformes de distribution de produits de placement en ligne d’après Jessica Beard de This is Money.

Par exemple chez Interactive Investor et Fidelity International.

Interactive Investor a ainsi retiré 66 fonds de ses rayonnages. 53 d’entre eux avaient fait l’objet de moins de 2 transactions en 2022. Dans la plupart des cas, c’est la société de gestion qui a alerté Interactive Investor sur la médiocre valeur de leurs fonds.

Fidelity est la seule plateforme qui a publié la liste des fonds déréférencés : on y trouve deux fonds (investment trusts) cotés en bourse (MIGO Opportunities et RIT Capital Partners) et deux fonds traditionnels (Premier Miton Worldwide Opportunities et Argonaut European Alpha).

Je comprends mieux pourquoi le mammouth des services financiers dans l’Union européenne se bat avec tant d’acharnement contre les nouvelles obligations du projet de stratégie pour l’investissement de détail (RIS).

Et notamment contre la mise en place de benchmarks de coûts et l’introduction de la notion de Value for Money. 

Allez, un dernier coup de chapeau à mon eurodéputée préférée, Stéphanie Yon-Courtin, en pointe dans le juste combat pour éviter que l’Union européenne n’emboîte le pas au Royaume-Uni dans ses dérives et délires socialistes.

Value for Money, et puis quoi encore ?

Mammouths

Willis Towers Watson (WTW) est une société dont la mission est pour le moins ésotérique :

Managing people, risk and capital to propel the world’s leading businesses forward. This is perspective that moves you.

Quand on creuse, on comprend que la société est active dans le domaine des assurances de personnes, du risque d’entreprise et du capital humain.

Une société de conseil, donc, qui publie également des classements annuels via le Thinking Ahead Institute8

Par exemple celui des 500 plus gros gérants d’actifs en termes d’encours. Pour l’investisseur, l’exercice présente un intérêt assez limité, mais il permet de distinguer des tendances de long terme et d’avoir une idée des rapports de de force, dans un secteur où la taille peut être importante.

Les quelques enseignements du classement 2023 (basé sur des données à fin 2022).

  • Le podium, 100% étatsunien, est inchangé par rapport au précédent : BlackRock et Vanguard sont très loin devant le numéro 3, Fidelity.
  • Dans le top 10, 7 gérants étatsuniens, un allemand (Allianz, #), un français (Amundi, #9), un suisse (UBS, #10, c’était avant le rachat de Credit Suisse).
  • En raison de la baisse des marchés, tant actions qu’obligataires, en 2022, les actifs gérés par le top 500 ont baissé de 13,7%.
  • Plus intéressant, la poursuite de la montée en puissance des fonds indiciels, qui représentaient à fin 2022 34,7% des encours de 189 sociétés de gestion du top 500 ayant fourni des données détaillées depuis 2018, une hausse de 5,7 points de pourcentage par rapport à 2018.

On notera dans le top 20 la présence de 3 gérants d’actifs français : outre Amundi, on trouve BNP Paribas AM (#17) et Natixis Investment Managers (#20).

Autre classement WTW, celui des plus gros fonds de pension.

Un fonds de pension, c'est une entité qui détient des actifs provenant de cotisations de futurs retraités qu'il doit investir sur les marchés afin de pouvoir payer leurs pensions (dans le cas de plans à prestations définies9) ou de faire fructifier le capital (dans le cas plans à cotisations définies10).

Il existe aussi des fonds de réserve, servant à garantir un système de retraite national (comme le fonds norvégien géré par NBIM), et des fonds de pension hybrides (une partie à prestations définies, l'autre à cotisations définies).

Ces fonds de pension peuvent confier leurs capitaux à gérer à des sociétés de gestion et/ou les gérer (en totalité ou en partie) en interne. 

On confond encore trop souvent sociétés de gestion et fonds de pension. Par exemple, Le Parisien, dans un article consacré à Picard paru le 26 octobre, affirme que la société est "[d]étenue par un fonds de pension", Lion Capital.

Non. Lion Capital est une société de gestion, en aucune façon un fonds de pension.

En revanche, Lion Capital gère peut-être (sans doute) des capitaux qui lui ont été confiés par un ou plusieurs fonds de pension.

Le plus gros fonds de pension, celui du secteur public au Japon, avait à fin 2022 des actifs de 1448 milliards de dollars, à comparer avec ceux du plus grand gérant d'actifs au monde, BlackRock : 8594 milliards de dollars. 

C'est près de six fois moins.

Mammouths en péril

Parmi les mammouths, il y a les gros : BlackRock, Vanguard, Fidelity et SSGA.

Et puis il y a les moyens, qui sont quand même très gros, mais nettement moins que les vraiment gros.

Figurez-vous qu'on peut-être un moyen mammouth et ne pas être très en forme, en raison de la déferlante ininterrompue de la gestion indicielle à bas coûts depuis 2008. Et de la fin de la hausse des marchés actions, qui a été presque continue de mars 2009 à fin 2021.

C'est ce que nous montre un excellent article de Silla Brush et Loukia Gyftopoulou de Bloomberg.

Les deux journalistes se sont intéressés aux affres de cinq sociétés de gestion (entre parenthèses leur rang dans le classement du Thinking Ahead Institute dont il vient d'être question et les encours qu'ils géraient à fin 2022) :

  • Invesco (#13, 1409 milliards de $)
  • Franklin Templeton (#14, 1387 milliards de $)
  • T. Rowe Price (#16, 1274 milliards de $)
  • Abrdn (#58, 452 milliards de $)
  • Janus Henderson (#78, 287 milliards de $)

Les journalistes rappellent que 90% du chiffre d'affaires supplémentaire généré par le secteur de la gestion d'actifs depuis 2006 provient de la hausse des marchés11

Les cinq gérants d'actifs analysés ont fait face à des rachats d'un montant total de 600 milliards de dollars depuis 2018.

Considérez ces cinq sociétés comme représentatives du vaste ventre mou du secteur qui, après des rachats massifs de la part des clients depuis une décennie, essaie de justifier son existence dans un monde qui n'achète plus ce qu'il vend.

L'ennemi principal du ventre mou ? Les fonds indiciels à bas coûts, dont la part de marché aux Etats-Unis était d'après Bloomberg de 50% des encours gérés collectivement à fin juin 2023, contre 47% en 2022 et 44% en 2021. 

Les réponses à la déferlante indicielle à bas coûts ?

  • Baisser les frais de gestion.
  • Racheter des concurrents.
  • Se convertir à l'ESG.

Ça n'a pas suffi.

Certains, comme Abrdn, se sont presque retirés du segment ultra-concurrentiel des grandes capitalisations pour se concentrer sur les petites capitalisations et les marchés émergents. Et explorer de nouveaux territoires : la gestion de fortune, et lancer une plateforme à destination des conseillers financiers.

Pour d'autres, le salut est dans le non coté et passe par le rachat à prix d'or d'acteurs spécialisés.

T. Rowe Price a ainsi racheté en 2021 pour 4,2 milliards de dollars Oak Hill Advisors.

Franklin Templeton a racheté Lexington Partners pour 1,75 milliards de dollars en 2022.

Pour les journalistes de Bloomberg, toutes ces mesures parviendront seulement à retarder l'inévitable : la disparition des mammouths généralistes de taille moyenne.

Question : sachant que le plus petit des mammouths étudiés, Janus Henderson, gérait 287 milliards de dollars à fin 2022, que seules quatre sociétés de gestion françaises géraient plus, que va-t-il advenir du reste de la gestion d'actifs française ?

Je suis modérément optimiste.

Des nouvelles du #H2Ogate

Avertissement : j'assiste depuis novembre 2022 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). Cette mission, suspendue depuis avril 2023, est susceptible de redémarrer. A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.

J'ai parlé la semaine dernière du dernier coup de massue sur les valorisations estimatives des side-pockets, qui a fait passer la moins-value latente pour les porteurs de parts à 1,196 milliard d'euros.

Comme les emmerdes volent en escadrille, on a récemment appris que l'une des sociétés de la galaxie Tennor dont les side-pockets sont actionnaires, avateramedical, avait été déclarée insolvable par un tribunal allemand, qui a nommé un mandataire pour trouver un repreneur.

Autant dire que les actions ne valent rien ou presque.

La publication par H2O AM du rapport annuel de la sicav luxembourgeoise H2O Lux Invest m'a conduit à me pencher sur la façon dont la société de gestion valorisait les titres non cotés.

Si j'en crois un article d'avril 2018 d'Adrien Paredes-Vanheule, cette sicav a été créée en partenariat avec la société Quadra Capital Partners12.

Elle comprend 3 compartiments, dont l'un a été mis en liquidation13 le 26 mai 2021 : Global L/S Opportunities.

Dans le portefeuille de ce compartiment, on trouve à fin mars 2023 des actions avateramedical N.V. et La Perla Fashion Finance B.V., représentant près de 86% de son actif de 6 millions d'euros.

L'action La Perla est valorisée 2,51 € dans le rapport annuel de Global L/S Opportunities, contre 0,88 € dans celui de H2O MultiEquities SP (au 30/9/22). Son dernier cours coté avant la suspension par Euronext du 3 juillet était de 7,2 €. J'avais parlé ici de la situation désespérée de cette société.

L'action avateramedical est valorisée 3,32 € dans le rapport annuel de Global L/S Opportunities contre 1,73 € dans celui de H2O MultiEquities SP (au 30/9/22).

Je sais que la valorisation était un art difficile, mais de telles différences à 8 mois d'écart sont stupéfiantes. Surtout dans ce sens : comment des sociétés qui vont de plus en plus mal peuvent valoir plus le 31 mars 2023 que le 30 septembre 2022 ?

Voici ce que l'on trouve à ce sujet dans le rapport annuel.

Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.

Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.

Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.

Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.

Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.

Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).

Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.

Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.

En fait de 250 millions, ce sont 144 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.

Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.  

Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.

Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre.

Et pas qu’un peu : on passe d’une valorisation estimée de 945 millions d’euros à fin février à 301 millions d’euros à fin septembre. 644 millions d’euros sont partis en fumée.

Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de fin septembre 2023, compte tenu du remboursement de janvier 2023, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de plus de 1 milliard 196 millions d’euros d’après mes calculs. 

Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 26 octobre 2023 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 29 septembre 2023). J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant de la distribution du 23 janvier 2023.

En matière de décollecte, voilà où on en est.

En matière de performance, voilà où on en est.

Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 43 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).

Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens ci-dessous (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).

Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais .

N’hésitez pas à réagir dans la rubrique « Laisser un commentaire » à la fin de chaque article. Votre contribution ne sera publiée qu’après validation par mes soins.

Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.

Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.

Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.

C’était ma semaine Twitter 43 de 2023. Sayōnara. さようなら.

Illustration : Mauricio Antón.

  1. « Only when the tide goes out do you discover who’s been swimming naked. » Pour illustrer cette semaine Twitter, j’ai demandé à deux IA de générer une image à partir de ce texte, qui a été considéré comme non conforme aux standards desdites IA. L’une a même menacé de résilier mon compte si je recommençais. Une citation de Warren Buffett considérée comme étant pornographique, on aura tout vu.
  2. Page 22.
  3. L’ETF à gestion active va sans doute se développer très rapidement, c’est une fantastique machine à désintermédier les réseaux de distribution pour les gérants actifs.
  4. Je suis client : j’y ai un compte courant et un compte-titres PEA.
  5. Bien entendu, BoursoBank est rémunérée par BlackRock.
  6. Un indice : 💩.
  7. En page 56.
  8. « The Thinking Ahead Institute (TAI) is a not for profit research and innovation network motivated to influence the investment industry for the good of savers worldwide and to mobilise capital for a sustainable future. » Source.
  9. Defined benefits.
  10. Defined contributions.
  11. Source : Boston Consulting Group.
  12. François Carlotti, ex-patron de Franklin Templeton France et associé de Quadra, fait partie des administrateurs de la sicav.
  13. C'est KPMG Luxembourg qui est en charge de cette liquidation.

2 réponses sur « Ma Semaine Twitter 43 de 2023 »

« Les deux beunes » a vraiment été une déception : ou est le lyrisme flamboyant des débuts ? A se demander si on ne l’a pas pressé d’écrire, lui qui disait ne plus vouloir (ou pouvoir ?)
J’ai tellement admiré et aimé cette langue des Vies minuscules et autres chefs d’œuvre des débuts !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.