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Mes Semaines Twitter 21 et 22 de 2022

 

Avis de tempête sur l’ESG. Alors que la collecte était depuis des années au beau fixe en Europe et que même les Etats-Unis semblaient s’être convertis à l’investissement responsable et durable, les voix discordantes sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus bruyantes.

Ça avait commencé avec un repenti, Tariq Fancy, qui fut brièvement directeur des investissements ESG de BlackRock et qui explique depuis que Wall Street s’adonne au greenwashing.

Ça s’est poursuivi avec Desiree Fixler, qui a accusé son ex-employeur DWS de surestimer la part de l’ESG dans ses actifs sous gestion. Accusation qui a conduit la SEC et la Bafin a lancer des enquêtes. En Allemagne, les bureaux de DWS ont même été perquisitionnés.

La déferlante a enflé quand Stuart Kirk, le responsable de l’investissement responsable de HSBC Global Asset Management, s’est fait seppuku en direct lors du « Moral Money Summit » du Financial Times (Réjane Reibaud de Newsmanagers a traduit certains de ses propos ici). 

Parallèlement, des milieux politiques conservateurs et libertariens aux Etats-Unis sont partis en guerre contre une fiction idéologique qu’ils ont baptisée « woke capitalism« .

Qu’importe s’il n’y a pas plus de woke capitalism qu’il n’y a d’enseignement de la « théorie du genre » dans les écoles françaises, l’essentiel c’est d’agiter le chiffon rouge des « valeurs ».

En France, on peut voir sur Arte un intéressant documentaire : La finance lave plus vert, « une enquête grinçante dans les rouages d’un système cynique ».

Ce retour de balancier, attendu, me semble salutaire s’il conduit les acteurs de la finance dite responsable et durable à clarifier la façon dont ils présentent leur offre et son impact réel.

Non, votre fonds actions responsable et durable ne sauvera pas la planète. Du moins pas tant que l’immense majorité des transactions se fera sur le marché secondaire, entre investisseurs, et que les entreprises continueront de racheter leurs actions en bourse pour les annuler.

Oui, détenir un fonds d’actions responsable et durable peut vous permettre de mettre votre portefeuille en adéquation avec vos valeurs, à condition de trouver le fonds répondant parfaitement à ces valeurs, donc de soulever les capots et de regarder de très près le moteur.

J’ai parfois l’impression que les Etats, tétanisés à l’idée de légiférer pour nous forcer à changer nos comportements1, sous-traitent à la finance la lutte contre les effets du réchauffement en sachant pertinemment qu’elle n’aura qu’un impact limité.

Il me semble bien plus utile d’agir nous-mêmes directement sur des leviers que nous connaissons tous. The Shift Project a proposé des pistes raisonnables dans Climat, crises: Le plan de transformation de l’économie française.

Ma semaine Twitter a eu un petit coup de mou et a zappé la semaine 21. La raison ? Je courais mon premier trail en montagne à Forcalquier le 28 mai et j’avais pris la route en début de semaine précédente pour une longue itinérance non mémorielle peu propice à l’écriture : Chamonix, Voiron, Avignon, Forcalquier, Carpentras.

Bilan : la France est un bien beau pays.

Côté trail, j’ai terminé les 30 kilomètres et survécu aux 1500 mètres de dénivelé positif et négatif du trail de Haute Provence.

Me voici dans 2 états très différents : fringant et immaculé au départ, exténué et poussiéreux à l’arrivée, avec deux kilos de moins, 4 heures 20 minutes et 33 secondes plus tard.

Je recommencerai pour essayer de me hisser au niveau de l’ami Daniel Tondu de Gestion 21, avec qui je suis sur la photo de droite, qui a quant à lui couru le 50 kilomètres. Chapeau.

Le week-end suivant, repos. Ou plus exactement, jardinage, qui n’est pas une activité de tout repos. Et notamment cueillette de fraises. Nous avons fait la récolte du siècle : près de 9 kilos.

Dernière exhibition photographique : voici un bon résumé de l’effet thérapeutique d’un jardin sur un urbain vieillissant et stressé. De l’herbe, des arbustes en fleur, des salades. Ridicule ? Non, heureux.

En dépit de ces activités multiples, j’ai quand même lu pendant ces deux semaines.

Notamment le prodigieux deuxième tome de M d’Antonio Scurati, une trilogie sur la vie de Mussolini2 : M. L’homme de la providence. qui se passe entre 1925 et 1932.

M est au pouvoir, l’Etat totalitaire étend son emprise, les fascistes de la première heure s’étripent. J’y ai découvert l’histoire épouvantable de la « pacification » de la Libye : mensonges, trahisons, armes chimiques (ypérite) et camps de concentration.

Le premier volume, c’était M. Le fils du siècle.

J’ai aussi lu un splendide recueil de nouvelles d’Haruki Murakami, Première personne du singulier3, 8 bijoux dans lesquels on retrouve les grands thèmes de l’auteur : le jazz, les souvenirs, le base-ball. Il y a un vrai-faux album de Charlie Parker (Charlie Parker plays bossa-nova) et un singe qui parle et raconte au narrateur comment il vole le nom des femmes.

En allant de Forcalquier à Carpentras chez mon ami G., nous nous sommes arrêtés à Banon (les fromages) où ledit G. m’avait recommandé la librairie Le Bleuet. C’est en effet un endroit magique.

J’y ai acheté La tombe des lucioles d’Akiyuki Nosaka (qui a été adapté en anime par Isao Takahata, Le tombeau des lucioles) pour l’offrir à G., grand connaisseur du Japon, ainsi que Fenêtres sur le Japon d’Eric Faye, pour moi.

Le toujours inspirant Etienne Dorsay.

La toujours inspirante Gabriela Manzoni.

Bienvenue dans mes semaines Twitter 21 et 22 de 2022.

L’AMF déchaînée

Après avoir dormi pendant des années sur le dossier des commissions de mouvement, l’AMF semble enfin se préoccuper sérieusement de la protection des investisseurs : elle a ainsi interdit cette scélérate exception française à partir du 1er janvier 2026 (j’en ai parlé ici).

Cette interdiction résulte d’un exercice de supervision commune sur le sujet des coûts et frais dans les OPCVM à destination des clients particuliers, exercice initié en 2021 par l’ESMA, auquel l’AMF a pris part.

Une autre décision concerne les fonds pseudo-actifs, les célèbres closet indexers. Ces fonds qui se prétendent actifs, mais ne s’éloignent presque pas de la composition de leur indice de référence. Des fonds presque indiciels, habillés en fonds actifs et vendus comme des fonds actifs à des tarifs de gestion active. Des fonds qui trompent sur la marchandise.

Comme il n’y a pas de définition communément acceptée du closet indexing (on utilise généralement une combinaison d’écart de suivi et de part active — active share — faibles mais variables selon les écoles de pensée), il est très délicat pour un régulateur de statuer.

L’AMF a donc astucieusement délégué la responsabilité de l’identification des fonds pseudo-actifs aux prestataires de services d’investissement (PSI), entités dont elle est le régulateur.

A compter du 1er janvier 2023 (le délai de grâce pour se mettre en conformité est sans commune mesure avec celui accordé pour les commissions de mouvement), voilà les obligations qui pèseront sur les PSI (italique ajouté par mes soins pour insister) :

Concernant les fonds actifs, les PSI doivent mettre en place des procédures afin de pouvoir identifier les fonds ayant des frais élevés par rapport à leur tracking error vis-à-vis de leur indice de référence. Quant aux fonds passifs, l’AMF précise également que les PSI doivent disposer de politiques et de procédures permettant de comparer le niveau de frais des fonds affichant un objectif de gestion passive avec celui de fonds comparables afin de déterminer si des placements collectifs équivalents moins coûteux sont susceptibles de correspondre au profil de leur client.

Bon courage aux PSI pour identifier les closet indexers. Quant à la dernière phrase, je suppose qu’elle fait allusion à des fonds indiciels chers qui pourraient avoir des équivalents moins chers.

J’ai par exemple en tête des ETF répliquant un même indice, le MSCI Emerging Markets, ayant un écart de frais de gestion de 1 à 3. Ils étaient offerts par deux sociétés de gestion françaises. L’une d’entre elles ayant récemment acquis l’autre, il va falloir gérer ces différences de frais au mieux des intérêts des investisseurs (c’est-à-dire en alignant les tarifs sur l’ETF le moins cher).

J’espère que l’ACPR imposera rapidement les mêmes exigences aux compagnies d’assurance vie pour leur imposer de faire le ménage dans leurs contrats. Tant que ça ne sera pas le cas, il y aura un énorme trou dans la raquette.

Enfin, en matière de communication sur les coûts et frais dans la documentation réglementaire et commerciale des fonds, l’AMF a relevé une faiblesse dans l’échantillon des fonds analysés :

[L]’absence d’information sur l’existence, la nature, les principaux types de bénéficiaires et la formule générale de calcul des éventuelles rétrocessions versées.

Ça n’est hélas pas étonnant tant l’écosystème s’agrippe à sa vieille habitude ne surtout pas parler de ce système qui empêche toute concurrence sur les prix de la gestion : celui des rétrocessions.

Les leçons du professeur Damodaran

Il y a différentes façons de s’informer sur les marchés financiers et d’en améliorer sa compréhension.

Vous pouvez par exemple regarder pendant un an une chaîne d’information économique en continu et vous n’aurez RIEN appris d’utile.

Vous pouvez aussi vous lancer dans la certification CFA, y consacrer 400 heures d’efforts par niveau (il y en a 3). Vous en retirerez beaucoup mais dans la douleur.

Vous pouvez enfin écouter Aswath Damodaran dialoguer avec Patrick O’Shaughnessy dans le podcast Invest like the best. Ça (ne) dure (que) 2 heures, TOUT est utile et vous devriez en sortir mieux outillé.e pour naviguer dans les eaux parfois traîtresses des marchés financiers.

Aswath Damodaran est professeur de finance à la Stern School of Business de New York University et c’est un des grands spécialistes de la valorisation des entreprises.

Je parle régulièrement de lui ici. C’est une des sources d’information les plus intéressantes que je connaisse. Source gratuite de surcroît : suivez-le sur Twitter ; lisez son blog Musings on markets.

Alors que l’inflation est pour la première fois depuis des décennies à un niveau élevé dans des parties du monde où elle avait presque disparu depuis les années 1990, Damodaran invite à distinguer la consommation discrétionnaire de la consommation non discrétionnaire : nous ne pouvons pas retarder l’achat de nourriture ou de médicaments alors que nous pouvons différer l’achat d’une nouvelle voiture. Les producteurs de biens de consommation discrétionnaire sont donc plus exposés à l’inflation.

Mais nombre de produits et de services consommés aujourd’hui n’existaient pas il y a 40 ans, et n’ont jamais connu d’environnement inflationniste. Et les sociétés qui les fournissent ont un poids important dans les indices.

Nous ne savons pas si votre abonnement à Netflix est discrétionnaire ou non discrétionnaire. Nous allons le découvrir rapidement, n’est-ce pas ? Ce sera le vrai test. […] Est-ce que vous serez bien moins susceptible d’acheter la dernière version de l’iPhone si son prix augmente de 15 ou 20% par an que s’il augmente de 5% par an ? Nous allons l’apprendre si l’inflation se maintient à un niveau élevé.

Alors que certains commentateurs estiment qu’il peut être judicieux d’avoir des portefeuilles très concentrés (5 à valeurs), Damodaran estime que c’est beaucoup trop risqué dans les marchés d’aujourd’hui :

C’était peut-être vrai il y a 50 ans. Vous cherchez les ennuis dans cet environnement de marché en pariant sur cinq valeurs. Je recommande de diversifier les paris, de les diversifier au sein de plusieurs classes d’actifs, et au sein de différents types de sociétés.

Damodaran est un expert de la valorisation des actifs, et notamment de celle des entreprises. Ce qui ne l’empêche pas de reconnaître l’importance des narratifs produits par les entreprises sur elles-mêmes, tout en s’en défiant.

Silicon Valley entraîne les fondateurs d’entreprises à raconter des histoires. Le problème, c’est que ces histoires sont des contes de fée.

Il taille en pièces la notion de total addressable market (TAM, ou marché total potentiel4, omniprésente dans les présentations (decks) des start-ups désireuses de lever des fonds ou des sociétés qui veulent entrer en bourse.

Ce TAM doit être énorme, ce qui conduit à des aberrations de calcul : quand Uber est entré en bourse, la société a annoncé un TAM de 3500 milliards de dollars, égal à la somme des achats de véhicules et de ticket de métro dans le monde.

Avec un tel TAM, je (Uber) vaux moi-même des centaines de milliards.

C’est ce que j’appelle l’approche Cathie Wood de l’investissement. Raconter une belle et grosse histoire et dire qu’il en découle que chaque société [en portefeulle] doit valoir beaucoup à cause de cette belle et grosse histoire. J’appelle cela la grande illusion du marché, mais ils s’en sortent parce qu’il y a des gens pour écouter leur histoire. Ils regardent le marché total potentiel et ne cherchent pas à construire leur propre histoire.

Damodaran a commencé à s’intéresser sérieusement à l’ESG en 2019 et confesse son scepticisme initial. Il a interrogé des spécialistes pour comprendre de quoi il s’agissait. Après avoir échangé avec ces spécialistes, il dit avoir été renforcé dans son scepticisme.

Il tape sur tous les acteurs de l’ESG : sur les consultants opportunistes, sur les professeurs d’université publiant de la recherche ESG d’une qualité extrêmement médiocre, sur les sociétés de gestion collant une étiquette à des fonds existants pour pouvoir en augmenter les frais de gestion, sur les fournisseurs de données extra-financières.

Il n’a identifié aucun impact positif de l’ESG sur la planète : un investisseur activiste, Engine N°1 (j’en avais parlé ici), a certes réussi à faire élire des administrateurs dissidents au conseil d’administration d’ExxonMobil, la major pétrolière a certes vendu des actifs fossiles polluants, mais ces derniers existent toujours et sont détenus par des actionnaires bien moins exposés au regard du public qu’une société cotée comme ExxonMobil.

Je suis impatient que ce concept [l’ESG] meure, mais je crains qu’il y ait trop d’argent à gagner pour qu’il meure rapidement. Ce sera une lente et pénible agonie, et, devinez quoi ? ils créeront un nouveau mot à la mode pour remplacer ESG. Parce que dans l’histoire, ce qu’on appelle ESG s’appelait ISR et RSE. J’aimerais que l’acronyme se transforme en RIP mais je suis sûr qu’ils vont trouver quelque chose d’autre pour le remplacer.

Damodaran est l’auteur de The Little Book of Valuation: How to Value a Company, Pick a Stock and Profit et de Narrative and Numbers: The Value of Stories in Business.

Howard le sage

Howard Marks a co-fondé en 1995 de Oaktree Capital, une société de gestion. Il écrit fort bien sur les marchés financiers et je lis religieusement chacun de ses mémos.

Il m’arrive même de les partager ici. C’est ce que j’avais fait en janvier 2021 avec un mémo de Marks sur la Value et en janvier 2022 avec un autre sur l’art difficile de vendre un actif financier.

Alors que de nombreuses bulles ont éclaté depuis maintenant deux ans, Marks publie un nouveau billet, absolument remarquable, intitulé « Bull market rhymes » (Le marché haussier rime), dont le titre est inspiré de la remarque apocryphe de Mark Twain, qui aurait écrit que « l’histoire ne se répète pas, mais elle rime ».

Pour Marks, la raison du caractère immuable de la façon dont les marchés haussiers se développent et prennent fin est due aux invariants psychologiques de la nature humaine, qui affecte le comportement des investisseurs. Il existe des cycles boursiers car les travers des investisseurs conduisent à des excès et des corrections.

Quand les investisseurs deviennent exagérément optimistes, ils ont tendance à penser que a. tout va monter éternellement et que b. quel que soit le prix qu’ils paient pour un actif, il se trouvera toujours quelqu’un d’autre pour vouloir le leur racheter plus cher.

Conséquences de cette euphorie :

  • Le cours des actions augmente plus que les bénéfices des sociétés et va bien au-delà de leur valeur intrinsèque (excès à la hausse).
  • Au bout d’un certain temps, l’environnement économique finit par décevoir et/ou la folie des cours bien trop élevés devient évidente, ces cours baissent et reviennent à la valeur intrinsèque (correction) ou en-dessous.
  • La baisse des cours conduit à plus de pessimisme, et les cours deviennent très inférieurs à la valeur intrinsèque (excès à la baisse).
  • Grâce aux achats d’investisseurs à la recherche de bonnes affaires, les cours augmentent et reviennent à la valeur intrinsèque (correction).

Marks écrit des choses qui semblent évidentes. Elles le sont, mais on les oublie à chaque fois. Ceci par exemple :

Les marchés haussiers sont par définition caractérisés par l’exubérance, la confiance, la crédulité et la volonté de payer des prix élevés pour acquérir des actifs – tout cela à des niveaux dont on découvre ensuite qu’ils étaient excessifs. L’histoire a généralement montré l’importance d’avoir une approche modérée de ces phénomènes. Pour cette raison, l’explication rationnelle ou émotionnelle d’un marché haussier est souvent basée sur un élément nouveau dont l’histoire ne permet pas de minimiser l’importance.

Au coeur du problème se trouve la courte durée de la mémoire financière. L’oubli n’est pas volontaire de la part des investisseurs, mais le rêve de s’enrichir rapidement prend le dessus sur les conseils de prudence, aidé par les justifications rationnelles aux valorisations très élevées (« this time it’s different », ou encore « la dernière innovation »5.

Dans de nombreux marchés haussiers, un ou plusieurs groupes reçoivent une onction qui en fait des « super actions ». Leur hausse rapide rend les investisseurs de plus en plus optimistes. Dans le processus circulaire qui caractérise souvent les marchés, cet optimisme grandissant pousse le cours des actions toujours plus haut. Une partie de cet optimisme et des appréciations des investisseurs se transmet aux autres titres — voire à tous les titres — par le biais de comparaisons de valeurs relatives et/ou en raison de l’amélioration de l’état d’esprit des investisseurs.   

Allez, encore une citation.

Les gens qui n’ont pas passé beaucoup de temps à observer les marchés peuvent penser que les prix des actifs ne dépendent que des fondamentaux, mais ce n’est sûrement pas le cas. Le prix d’un actif reflète ses fondamentaux et la façon dont les gens considèrent ces fondamentaux. Ainsi un changement dans le prix d’un actif est lié à un changement dans les fondamentaux et/ou à un changement dans la façon dont les gens considèrent ces fondamentaux.

Je vous encourage à lire l’intégralité du mémo de Marks, et à le relire la prochaine fois qu’une société de gestion voudra vous faire monter dans le petit train de l’innovation disruptive, qu’il s’agisse de la robotique, de l’hydrogène, des villes intelligentes ou de la blockchain.

This time, it’s not different, nihil novi sub sole.

A ma modeste échelle, j’observe avec perplexité depuis 2 ans ce que j’appelle la finance -2.0. Je lui ai consacré une chronique parue dans le numéro de juin de Gestion de Fortune : Game Over ?

Marks a écrit The Most Important Thing, ouvrage traduit en français : La chose la plus importante.

Son dernier livre, paru en 2020, s’intéresse aux cycles de marché : Mastering The Market Cycle.

Pour vous abonner à la lettre de Marks, cliquez ici puis sur Subscribe.

Et surtout la santé transparence

Puisqu’il n’y a rien d’intéressant dans les reportings publics des fonds H2O AM, dont la page détaillant l’exposition du portefeuille est soigneusement expurgée pour être réservée à quelques élus, je lis les rapports annuels, documents qu’il est plus difficile de caviarder.

On y trouve toujours des informations intéressantes.

Tenez, dans celui de H2O Adagio au 30 septembre 2021 par exemple.

 

On retrouve dans ce rapport annuel un concentré des pratiques de H2O AM, dont je rappelle les 3 vertus cardinales : liquidité, performance et transparence.

Lesquelles vertus cardinales seront peut-être bientôt plus nombreuses, puisqu’on apprend que « la société de gestion considère actuellement la prise en compte de critères ESG dans ses futures décisions d’investissement. »

Diantre. J’attends avec impatience de voir comment on peut prendre en compte des critères ESG quand on investit beaucoup sur des produits dérivés. En plantant des arbres pour compenser les émissions des forwards sur le rouble russe ?

Du côté des frais, alors que les frais de gestion fixes des parts R et SR € sont assez proches, les commissions de surperformance de la part SR sont beaucoup plus élevées que celles de la part R. Je dois avouer que cet écart est très mystérieux pour moi.

Du côté des rémunérations, c’est la bouteille à l’encre : H2O AM continue de ne pas fournir la répartition des rémunérations entre personnel identifié (pour faire vite, cette catégorie comporte entre autres les dirigeants et les gérants financiers, pour plus d’informations référez-vous à ce document de l’ESMA) et personnel non identifié.

Pour préserver l’harmonie en interne entre « personnel identifié » et « personnel non identifié ? Quand on voit le montant des bonus en 2019, on comprend pourquoi : 68,4 millions d’euros à répartir entre 84 collaborateurs.

En 2019, H2O AM LLP a réalisé un chiffre d’affaires de 606,65 millions de livres sterling. La rémunération du collaborateur le mieux payé s’est élevée à 11,65 millions de livres sterling et les collaborateurs éligibles au pool de bénéfices selon une répartition discrétionnaire se sont partagés 407,46 millions de livres sterling6.

Même en 2020, annus horribilis pour les porteurs de parts, il y a eu des bonus. Vous croyez que je peux envoyer mon CV ?

Enfin, H2O AM est toujours aussi peu ponctuel : la société de gestion n’a pas transmis tous les éléments à KPMG, le commissaire aux comptes du fonds, dans les délais réglementaires.

J’espère que Tennor, la holding de Lars Windhorst qui doit des sommes importantes aux side-pockets des fonds de H2O AM, sera plus ponctuelle pour rembourser rubis sur l’ongle sa dette en… juillet 2022.

Juillet 2022, c’est demain.

Mais j’ai confiance, car Lars lui-même m’a promis qu’il rembourserait.

J’attends avec impatience le rapport annuel au 31/12/2021 de H2O Multibonds FCP, d’autant plus que le rapport semi-annuel au 30/06/2021 n’est pas disponible sur le site.

Des nouvelles du #H2Ogate

Depuis le coup de grisou lié à la brutale chute du rouble russe, les fonds affectés ont remonté une partie de la pente. Pas toute la pente, sauf pour H2O Allegro FCP et H2O Multibonds FCP.

Pour ces deux fonds, si l’on regarde l’évolution depuis le plus haut atteint avant la scission en deux (la partie saine logée dans un nouveau fonds avec « FCP » à la fin du nom et la partie contaminée par le bacille illiquidita pestis windhorstis  🦠 dans le side pocket), la baisse est encore très loin d’avoir été effacée, comme on peut le voir plus bas.

Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.

Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.

Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.

Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.

Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.

Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).

Voilà où on en est au 2 juin 2022 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 29 avril 2022).

En matière de décollecte, voilà où on en est.

En matière de performance, voilà où on en est.

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C’étaient mes semaines Twitter 21 et 22 de 2022. Sayōnara. さようなら.

Illustration : Snow Storm - Steam-Boat off a Harbour's Mouth making Signals in Shallow Water, and going by the Lead - Joseph Mallord William Turner - 1842 - Tate Britain, Londres

  1. Rappelons l’immortelle affirmation du Président George H. W. Bush au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 : « The American way of life is not negotiable. »
  2. Les Arènes, 2021, traduit de l’italien par Nathalie Bauer.
  3. Belfond, 2022, traduit du japonais par Hélène Morita.
  4. J’abhorre l’ignoble néologisme « adressable » que je n’utiliserai donc pas, du moins de mon vivant.
  5. Marks parle de « The new thing ».)
  6. Source : rapport annuel de H2O AM LLP.

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