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Ma Semaine Twitter 2 de 2024

Ça y est, la saga du premier ETF bitcoin spot aux Etats-Unis a trouvé son épilogue, avec la retraite en rase campagne de la SEC après une décision de justice qui ne lui laissait pas d’autre choix.

Je reviens longuement sur cette affaire dans une vignette ci-dessous. 

A titre anecdotique, et avant de passer aux choses sérieuses (mes lectures de la semaine dernière), je partage avec vous la nouvelle image du compte Twitter de Franklin Templeton aux Etats-Unis.

Cette société de gestion fort respectable a en effet obtenu l’agrément de la SEC pour lancer son ETF bitcoin spot et a décidé d’entrer dans la quatrième dimension du marketing pour s’adresser aux adeptes du culte du bitcoin. 

 

C’est à peu près aussi crédible que si je m’habillais en rappeur.

J’ai lu la semaine dernière un fort beau livre de la grande historienne Michelle Perrot (écrit avec Eduardo Castillo, qui fut un de ses étudiants), Le temps des féminismes, à la croisée de l’autobiographie et de l’histoire.

Elle y parle fort clairement du « genre », cette notion qui hystérise certaines personnes qui ne savent pas bien ce qu’elle recouvre.

Perrot définit le genre comme « la construction sociale et culturelle de la différence des sexes. »

Le genre est un outil de compréhension tel que l’histoire et les sciences sociales en fournissent pour permettre de comprendre les transformations de l’humanité dans la durée. Et comme l’écrivait Joan Scott en 1986, « le genre est un outil unique dans l’analyse historique ». Il ne faut pas confondre les instruments de compréhension et les systèmes de pensée : le genre n’est pas un dogme, c’est une manière d’appréhender une réalité.

J’ai récemment parlé de ma découverte émerveillée de Richard Morgiève (c’est ici).

Je poursuis mon exploration de son oeuvre avec Le Cherokee,1 qui se passe dans les Etats-Unis des années 1950, comme United Colors of Crime.

Une espèce de snobisme que je ne m’explique pas fait que pour moi, seuls les romanciers locaux savent écrire sur les Etats-Unis. C’est idiot, mais c’est comme ça.

Et c’est faux, je le réalise en lisant Morgiève.

L’histoire de Cherokee ? Nous sommes en 1954, en plein maccarthysme, la haine des Rouges le dispute à la peur des Martiens.

Le shérif Nick Corey est en poste dans un coin perdu de l’Utah.

Avant, il a combattu les Japonais dans les îles du Pacifique pendant la deuxième guerre mondiale puis a été flic à Boston, où il a connu un grand amour, devenu un chagrin d’amour. Il s’est donc enterré dans l’Utah.

Il est cultivé et désespéré. Ses parents adoptifs ont été assassinés quand il était adolescent.

Corey découvre une voiture abandonnée. Il est persuadé qu’une passagère, dont il sent le parfum, a été assassinée par le tueur de ses parents.

Puis, une nuit, un Sabre de l’armée de l’air se pose dans le désert, sans pilote. L’armée et le FBI accourent.

C’est génial. Le chapitre intitulé « Les crêpes » est un moment d’anthologie (pages 286 à 297 de l’édition Folio Policier).

La couverture de cette édition est très belle, même si l’avion représenté n’est pas un Sabre.

 

Un Sabre, ça ressemble à cela.

J’ai lancé en novembre 2023 un Substack à destination des investisseurs privés, L’Odyssée des Placements. Mon objectif ? Contribuer à améliorer la littératie financière des abonné.e.s.

Le lancement est parrainé par Indexa Capital, qui commercialise en France le contrat d’assurance vie en gestion sous mandat le moins cher (j’en avais parlé ici) : Indexa Vie Spirica. Vous pourrez bénéficier sous conditions d’une remise pendant un an sur les frais d’assurance et de mandat en suivant ce lien.

Je suppose que les temps ont changé depuis 1976.

Un détournement de d’Edward Hopper et d’Edith Cresson (pour les plus jeunes qui n’auraient pas la référence du « rien à cirer », c’est ici).

Sur cet immense peintre, on peut lire Hopper – Ombre et lumière du mythe américain de Didier Ottinger.

Bon, je n’en ai pas tout à fait rien à cirer de ce nouveau gouvernement, surtout après avoir entendu la puissante déclaration de la nouvelle ministre de l’Education et de la Jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et paralympiques, sur les motivations les ayant conduits, son mari et elle, a faire un choix de proximité pour l’école de leurs enfants.

La langue utilisée par les ministres se dégrade en continu depuis qu’Emmanuel Macron — pour lequel j’ai par ailleurs voté aux premier et second tours en 2017 et en 2022 — est président. 

C’était peut-être déjà le cas avant, mais ça ne m’avait pas frappé.

Je ne sais pas d’où sort le sabir qui sort de la bouche de Madame Amélie Oudéa-Castéra et je suis stupéfait de l’usage qu’elle fait de la brosse à reluire.

Le tout me semble sorti d’un livre de développement personnel écrit par une IA de deuxième division.

En revanche, 100% d’accord avec la nécessité de bouger. Pour bouger, il suffit de marcher. Si vous pouvez faire du vélo, courir, nager, sauter, c’est encore mieux.

Il faut que je relise LTI, la langue du IIIe Reich, de Victor Klemperer, pour me rassurer sur le fait que nous ne suivons pas le même chemin d’un dévoiement absolu du langage.

Vous trouvez déjà ce billet trop long ? J’ai fait la synthèse de ce qui suit dans une vidéo de moins de 3 minutes.

Vous pouvez même vous abonner à la chaîne YouTube d’Alpha Beta Blog ici.

Bienvenue dans ma semaine Twitter 2 de 2024 et sur la terre des possibles.

La saga de l’ETF bitcoin spot

En 2009, un individu (ou un groupe d’individus) se faisant appeler Satoshi Nakamoto publiait un livre blanc et inventait le bitcoin, avec des règles sorties d’un jeu vidéo : quantité plafonnée, halving périodique, minage.

Les évangélistes initiaux mettaient en avant les vertus miraculeuses des crypto et de la blockchain : donner un accès aux services financiers à tous ceux qui n’y avaient pas accès, protéger l’épargne des convoitises du méchant Etat spoliateur, protéger contre l’inflation, prévenir la chute des cheveux2.

Le bitcoin ne sert à rien, mais a réussi à convaincre de très nombreux individus qu’il présentait un potentiel d’enrichissement considérable, sur un modèle proche de celui de la pyramide de Ponzi : il suffit pour gagner qu’il y ait toujours quelqu’un pour acheter plus cher.

Il a également attiré de nombreux escrocs et fraudeurs (dont Sam Bankman-Fried et Changpeng Zhao) qui ont créé des entités permettant aux adeptes du culte de faire des transactions sur les crypto, le cas échéant via des produits à très fort effet de levier.

Il a également attiré de très nombreux criminels, séduits par l’anonymat présumé des transactions leur permettant blanchir de l’argent issu d’activités illégales et/ou destiné à financer le terrorisme.

La SEC s’est opposée pendant une décennie au lancement d’un ETF bitcoin spot, à savoir adossé à des bitcoins, tout en autorisant le lancement d’ETP adossés à des futures listés sur un marché réglementé, avec des arguments juridiques peu convaincants.

Suite à une décision de justice défavorable après une plainte de Grayscale (les refus successifs de la SEC ayant été jugés « arbitraires et frivoles », voir ici le commentaire de Dechert sur cette décision), la SEC a fini par donner son agrément au lancement de 10 ETF bitcoin spot et à la conversion en ETP du Grayscale Bitcoin Trust de Grayscale.

Parmi les sociétés de gestion lançant un ETF spot, on retrouve des noms très institutionnels : BlackRock, Franklin Templeton et Fidelity. 

Illustration parfaite de la maxime de feu Charlie Munger (source) : 

The investment banking profession will sell ‘shit’ as long as ‘shit’ can be sold.

Légèrement modifiée en :

The asset management profession will sell ‘shit’ as long as ‘shit’ can be sold.

Après que la SEC a donné son accord, Gary Gensler, son Président, qui est aussi l’un des cinq commissaires nommés, s’est fendu d’une déclaration qui montre combien il regrette que la SEC ait été contrainte de donner son agrément au lancement d’ETF bitcoin spot. 

3 autres commissaires ont également publié des déclarations.

L’une d’entre eux, Hester Peirce, était depuis longtemps favorable à une approbation de ces produits.

Mark Uyeda aussi, mais avec des réserves sur le raisonnement juridique.

Une autre, Caroline Crenshaw, est très opposée à cette approbation.

Je note incidemment qu’il y a une très forte concurrence tarifaire entre les différents émetteurs, certains allant jusqu’à raser gratis pendant une durée limitée ou jusqu’à un certain niveau d’encours.

Grayscale, qui facturait 2% de frais de gestion annuels — un montant exorbitant qui reflétait son monopole — pour Grayscale Bitcoin Trust, n’a baissé les frais de gestion de son ETF qu’à 1,5%. C’est l’acteur qui a le plus à perdre.

Sans surprise, Vanguard ne participe pas à la ruée vers l’or du bitcoin et n’autorise même pas l’accès aux ETF bitcoin spot à ses clients sur son site de courtage.

Voici le premier spot publicitaire de BlackRock. Ennuyeux comme la pluie, c’est le parfait symbole du début de l’institutionnalisation du bitcoin.

Après le discours initial (« avec le bitcoin, l’Etat scélérat ne pourra pas confisquer l’argent que vous avez gagné à la sueur de votre front et vous échapperez aux griffes de Wall Street, aka tradfi, grâce à la finance décentralisée, aka defi »), le discours inverse :

Grâce à notre ETF bitcoin spot, fourni dans le cadre sécurisant de Wall Street, aka tradfi, régulé par l’Etat fédéral, faites fructifier l’argent que vous avez gagné à la sueur de votre front.

Et à la fin, c’est Wall Street qui gagne.

Ah, au fait, en Europe, cela fait belle lurette que les ETP bitcoin spot sont autorisés, sous forme d’ETN. Mais comme en Europe, il y a bien moins de concurrence qu’aux Etats-Unis, ils sont fort chers et les spreads sont assez élevés.

ESG : le schisme

Blaise Pascal, source éternelle d’inspiration, dont je recommande de grappiller périodiquement les Pensées.

Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà.

En matière d’ESG, un gouffre s’est ouvert entre les deux côtés de l’Atlantique.

C’était prévisible depuis que quelques Républicains en quête de nouvelles raisons d’attiser la colère ont fait semblant de découvrir qu’il existait une frange woke de la gestion d’actifs, emmenée par BlackRock, qui complotait pour distiller dans le corps sain de la société étatsunienne le poison de l’ESG.

Résultat : Larry Fink ne connaît plus le mot ESG et, plus sérieusement, le soutien des grands gérants d’actifs aux résolutions climatiques et sociales déposées lors des assemblées générales des sociétés cotées a fortement diminué aux Etats-Unis.

C’est ce que montre le dernier rapport de ShareAction, une association du Royaume-Uni travaillant à l’élaboration de normes en matière d’investissement responsable et qui a la vision d’un système financier au service de la planète et de ses habitants (source).

Le contraste avec les gérants d’actifs européens est spectaculaire.

C’est le grand schisme de la gestion d’actifs.

Rappelons qu’une résolution d’actionnaires (« shareholder resolution ») est présentée par un groupe d’actionnaires alors que le conseil d’administration de la société cotée présente des « management resolutions ».

Pour toutes les résolutions présentées en assemblée générale, les actionnaires peuvent voter « pour », « contre » ou « abstention ».

ShareAction s’est intéressé au vote en assemblée générale en 2023 de 69 gérants d’actifs pour 257 résolutions d’actionnaires liées à des sujets environnementaux ou sociaux, ainsi que pour 17 résolutions de type ‘say-on-climate » présentées par les entreprises ou par des actionnaires.

ShareAction montre que le pourcentage des résolutions étudiées obtenant la majorité des votes (et donc adoptées, sans qu’elles soient contraignantes pour les entreprises) baisse depuis 2021 et a atteint en 2023 un niveau très bas : 3% des 257 résolutions.

Le soutien de  4 grands gérants d’actifs étatsuniens (BlackRock, Fidelity, Vanguard et SSGA) à ces résolutions a suivi la même trajectoire.

Vanguard se distingue par son très faible niveau de soutien.

Quant à BlackRock, la chute entre 2021 et 2023 est spectaculaire : la société a reçu 5 sur 5 le message des Républicains aux Etats-Unis.

Pis encore, le soutien de ces 4 géants a été très inférieur en 2023 aux recommandations des 2 grands cabinets de conseil en vote (« proxy advisors »), ISS et Glass Lewis.

Et ce schisme entre les Etats-Unis et l’Europe, où est-il ?

Le voilà.

En moyenne, les gérants d’actifs européens analysés ont voté en faveur de 88% des résolutions d’actionnaires en 2023, contre 25% pour les gérants d’actifs étatsuniens.

Pour tous les pays européens sauf le Royaume-Uni, le niveau de soutien est en hausse entre 2021 et 2023, en raison de l’environnement réglementaire, notamment la directive concernant les droits des actionnaires (Shareholder Rights Directive 2), entrée en vigueur en septembre 2020.

Pour la bonne bouche, le top 10 du rapport Voting Matters 2023 de ShareAction.

Des cibles de choix pour les croisés républicains de la lutte contre le wokisme en gestion d'actifs.

Nous avons donc deux visions du monde très différentes : aux Etats-Unis, pas question de remettre en cause l'American way of life. On met la clim quand il fait chaud, on chauffe quand il fait froid, on prend l'avion, on roule, il y a peu de trains.

Pas de panique, la technologie va nous sauver. Et si ça ne marche pas, on ira sur Mars. Ou on se réfugiera en Nouvelle-Zélande, chez Elon Musk ou Mark Zuckerberg qui nous accueilleront sans doute à bras ouverts.

En Europe, un discours politique très affirmé en faveur de la lutte contre les effets du changement climatique, avec des contraintes fortes en matière de réduction des émissions de GES. Le tout imposé aux entreprises et aux acteurs financiers par le biais de directives, car il serait politiquement suicidaire d'imposer de telles contraintes aux individus, qui sont aussi des électeurs.

Le problème, c'est que les capitaux sont aux Etats-Unis, pas en Europe.

Le problème, c'est que les Etats-Unis ont pour habitude de ne pas ratifier les traités signés par leur président.

Donc, à la fin, ce sont généralement les Etats-Unis qui gagnent.

C'est ennuyeux pour la planète, non ?

Oncle Howard

Howard Marks est un des sages de la gestion d'actifs. Il écrit depuis 1990 (il travaillait alors chez TCW Group) des mémos, dont les clients d'Oaktree, la société de gestion qu'il a co-fondée en 1995, sont les premiers destinataires.

Pendant de nombreuses années, il ne reçut aucune réaction à sa prose. En janvier 2000, il publia Bubble, un mémo dans lequel il alertait sur les excès de valorisation dans le secteur de la technologie.

Peu de temps après, la bulle internet commençait à se dégonfler et Marks devenait l'homme qui anticipait les bulles.

J'aime beaucoup lire Marks car il a une longue expérience des marchés et une excellente connaissance de l'histoire économique et financière. Cerise sur le gâteau, je trouve qu'il écrit fort bien.

Mais voilà, Marks annonce depuis des années des excès de valorisation sur les actions Etats-Unis sans que le krach annoncé ne se soit pour le moment produit.

Je ne retiens donc de son mémo de début d'année, Easy Money, que les enseignements qu'il tire des conséquences de la longue période d'argent facile qui a pris fin avec la hausse des taux initiée par la Réserve Fédérale aux Etats-Unis en 2022.

C'est la même Réserve Fédérale qui avait baissé les taux à un niveau proche de zéro fin 2008 pour contrer les effets de la grande crise financière et les y avait maintenus jusqu'en 2022.

S'inspirant de la la lecture d'un livre d'Edward Chancellor, The Price of Time - The Real Story of Interest, Marks fait la liste des multiples effets des taux bas.

C'est une très bonne leçon d'économie.

  • Des taux d'intérêt bas stimulent l'économie.
  • Des taux d'intérêt bas réduisent les coûts d'opportunité perçus, ce qui rend les transactions (notamment les achats de biens immobiliers ou d'actifs financiers risqués) plus probables.
  • Des taux d'intérêt bas font monter le prix des actifs, dès lors que l'on accepte le fait que le taux de valorisation d'un actif, c'est la valeur actualisée de ses flux de trésorerie futurs. Toutes choses égales par ailleurs, un taux d'intérêt servant à l'actualisation plus faible conduit mécaniquement à une valeur présente plus élevée.
  • Des taux d'intérêt bas encouragent la prise de risques, ce qui peut conduire à des décisions d'investissement imprudentes (ce que Friedrich Hayek appelait "malinvestments").
  • Des taux d'intérêt bas permettent aux transactions d'obtenir des financements aisément et à bas coût.
  • Des taux d'intérêt bas encouragent un recours accru au levier, ce qui augmente la fragilité systémique.
  • Des taux d'intérêt bas peuvent conduire à des décalages financiers, quand certains acteurs empruntent à court terme pour prêter à long terme.
  • Des taux d'intérêt bas conduisent à anticiper qu'ils resteront bas longtemps.
  • Des taux d'intérêt bas octroient des récompenses et des pénalités, et créent des vainqueurs et des perdants. Typiquement, les taux d'intérêt bas subventionnent les emprunteurs aux dépens des prêteurs et des épargnants. Marks, faussement naïf, se demande s'il est logique de réduire les revenus des prêteurs pour permettre aux emprunteurs de financer à bas coût le levier de leurs investissements ?
  • Des taux d'intérêt bas incitent à l'optimisme, ce qui prépare le terrain de la prochaine crise.

Pour Howard Marks,

les leçons tirées des périodes passées d'argent facile ne sont généralement pas écoutées, en raison a) de l'ignorance de l'histoire, b) du rêve du profit, c) de la peur de manquer l'immanquable3 et d) de la capacité de la dissonance cognitive à inciter les individus à évacuer les informations qui ne sont pas en phase avec leurs croyances ou ce qu'ils croient être leur intérêt bien compris. Tous ces éléments sont systématiquement suffisants pour décourager la prudence en période de taux d'intérêt bas, en dépit des conséquences probables.

Howard Marks est l'auteur d'un livre traduit en français, La chose la plus importante - Un bon sens hors du commun pour investisseurs éclairés.

Edward Chancellor est l'auteur de Devil Take the Hindmost - A History of Financial Speculation, dont la lecture avait inspiré à Marks le mémo Bubble.

Friedrich Hayek est l'auteur de La route de la servitude.

Les leçons de Larry

Larry, c'est Larry Swedroe, le très expérimenté directeur de la recherche de Buckingham Wealth Partners aux Etats-Unis.

Dans une chronique publiée sur le site Morningstar, il a livré les 12 enseignements de l'année 2023 pour les investisseurs.

Ces enseignements s'appliquent aussi à toute autre année que 2023.

Leçon 1: Personne n'est capable de faire des prédictions de marché qui se réalisent. Je ne reviens pas sur cette affirmation, j'en ai fait une chronique pour Gestion de Fortune, "Miroir, ô mon miroir".

Leçon 2 : Peut-être qu'il faudrait appeler les Magnificent Seven les Magnificent Three. Swedroe rappelle qu'entre fin 2021 et fin 2023, seuls Apple, Microsoft et NVidia ont fait mieux que les bons du trésor à un mois.

Leçon 3 : Les valorisations ne sont pas un bon indicateur pour choisir quand s'exposer au marché. Cela fait des années que les valorisations des actions Etats-Unis sont très élevés et que des individus sérieux et expérimentés comme Jeremy Grantham prédisent des krachs qui ne se produisent pas (encore).

Leçon 4 : Il faut de la discipline pour garder le cap pendant les périodes de mauvaise performance, périodes que tous les actifs risqués connaissent un jour ou l'autre.

Leçon 5 : Les actifs ayant de mauvaises performances ont des mécanismes d'auto-guérison. Les mauvaises performances boursières sont généralement dues à la combinaison de mauvais résultats opérationnels et d'une baisse des valorisations. Cette dernière est un mécanisme d'auto-guérison car une faible valorisation aujourd'hui conduit généralement à une valorisation plus élevée demain, quand la performance opérationnelle se sera redressée.

Leçon 6 : Même avec une boule de cristal infaillible, les marchés sont imprévisibles.

Leçon 7 : Ne laissez pas la politique influencer vos décisions d'investissement.

Leçon 8 : Le gros des performances est délivré sur de courtes périodes. Il est par conséquent vain de chercher le "bon" moment pour s'exposer au marché et infiniment préférable d'y être exposé en permanence.

Leçon 9 : Les gagnants de l'année dernière sont susceptibles d'être les perdants de l'année suivante.

Leçon 10 : La gestion active est perdante que les marchés soient haussiers ou baissiers. C'est un sujet récurrent de ce blog.

Leçon 11 : La diversification marche toujours, parfois vous en aimez les résultats, parfois pas. 

Leçon 12: Les grandes innovations ne sont pas toujours de bons placements.

Swedroe est le co-auteur avec Andrew Berkin d'un livre indispensable à qui veut comprendre ce qu'est l'alpha et pourquoi le vrai alpha est si rare : The Incredible Shrinking Alpha.

Des nouvelles du #H2Ogate

Avertissement : j'assiste depuis novembre 2022 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). Cette mission, suspendue depuis avril 2023, est susceptible de redémarrer. A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM sur ce blog.

A défaut d'informer les porteurs de parts de side-pockets de chaque dégradation de leur valeur estimative, H2O AM a présenté ses voeux.

C'est Loïc Guilloux, le directeur général, qui a pris la plume, pour se féliciter des excellentes performances de 2023 (il ne parlait bien entendu pas des side-pockets mais des autres fonds), tout en invitant sagement à "la prudence indispensable".

Selon lui, les bonnes performances récentes

ne doivent pas occulter les risques inhérents à notre style de gestion ni les drawdowns passés.

Il avertit même les investisseurs qui pourraient accéder aux fonds H2O AM (je crois que nombre d'assureurs en interdisent toujours la souscription) :

investir uniquement sur la performance d’hier est l’erreur d’aujourd’hui qui se payera demain.

Il semble même que la société de gestion ait présenté ses perspectives pour 2024. Elles sont détaillées dans un très amusant compte-rendu paru sur H24 Finance, un site qui diffuse les informations de ses clients et qui sert de canal de communication quasi officiel à H2O AM.

On y apprend que dans "un panorama financier truffé de défis et d'opportunités", rien ne vaut "l'œil d'un sage et le sourire d'un joueur d'échecs rusé."

Ce sage au sourire de joueur d'échecs rusé, c'est bien entendu Bruno Crastes, qui s'exprimait en tant que directeur de la stratégie corporate et marché de la société de gestion, son titre depuis que la commission des sanctions de l'AMF lui a interdit pendant 5 ans d’exercer l’activité de gérant, directement ou par délégation, ou de dirigeant d'une société de gestion (source).

Si la synthèse des prédictions du sage Bruno — qui a trouvé en Lars Windhorst quelqu'un d'encore plus rusé que lui — vous intéresse, elle est ici.

J'en retiens cette prophétie audacieuse, telle qu'elle est rapportée par H24 Finance :

La géopolitique, toujours imprévisible, pourrait réserver des surprises.

Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.

Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.

Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.

Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.

Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.

Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).

Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.

Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.

En fait de 250 millions, ce sont 144 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.

Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.  

Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.

Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre. Puis de nouveau en décembre pour les valeurs estimatives à fin novembre.

Et pas qu’un peu : on passe d’une valorisation estimée de 945 millions d’euros à fin février à 198,6 millions d’euros à fin novembre. 747 millions d’euros sont partis en fumée.

Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de octobre 2023, compte tenu du remboursement de janvier 2023, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de plus de 1 milliard 300 millions d’euros d’après mes calculs. 

La valeur résiduelle des side-pockets est estimée à 198,6 millions d'euros. Leur valeur probable est plutôt de zéro, Windhorst étant aux abois. La perte totale pour les porteurs de parts de side-pockets pourrait donc atteindre 1,5 milliard d'euros.

C'est le casse du siècle.

Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 8 janvier 20244 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 30 novembre 2023).

J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant de la distribution du 23 janvier 2023.

En matière de décollecte, voilà où on en est.

En matière de performance, voilà où on en est.

Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 2 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).

Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens disséminés dans ce billet (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).

Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais .

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Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.

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Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.

Comment trouver un conseiller en investissements financiers (CIF) indépendant au sens de MIF 2 ? C'est à peu près mission impossible : le site de l'ORIAS, qui est l'organisme auprès duquel s'enregistrent les CIF, ne permet pas de rechercher selon les critères "indépendant" ou "non-indépendant". Pas plus que ne le permettent les sites des 4 associations de CIF agréées par l'AMF. C'est affligeant et scandaleux.

C’était ma semaine Twitter 2 de 2024. Sayōnara. さようなら.

Illustration : Reinhold Silbermann sur Pixabay

  1. Dont l’écrivain Laurent Chalumeau avait fait une critique assez déjantée dans Libération.
  2. Je m’égare, c’est pour voir si vous suivez.
  3. En VO : "the fear of missing out".
  4. Le 14 janvier 2023 à 11 heures, la dernière VL disponible sur le site de H2O AM était en date du 11 janvier, et du 8 janvier sur le site de l'AMF, que j'utilise pour mon suivi.

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