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Ma Semaine Twitter 3 de 2024

Jack Bogle créa Vanguard en 1975. Quand il lança l’année d’après le premier fonds indiciel à destination des particuliers, il fut la cible des moqueries des acteurs établis.

Pour Ned Johnson, alors à la tête de Fidelity, il était inconcevable que la gestion indicielle séduise des investisseurs en quête de performances extraordinaires.

Je ne peux pas croire que la majorité des investisseurs va se contenter de performances moyennes.

Outre l’erreur de raisonnement mathématique (la performance du marché moins les frais de l’enveloppe indicielle n’est pas une performance « moyenne »), Ned Johnson n’avait apparemment pas compris cette vérité fondamentale exprimée par Bogle : 

In investing, you get what you don’t pay for.

Que je traduis libéralement par :

Quand vous investissez, tout frais en moins, c’est autant de performance en plus.

Cette règle implacable infusa lentement, jusqu’à ce que vers la fin de l’année 2023, aux Etats-Unis, les encours détenus par les fonds indiciels dépassent pour la première fois ceux détenus par les fonds gérés activement.

C’est ce que nous apprend Morningstar (source).

450 milliards de $ de décollecte en 2023 pour l’équipe gestion active, 529 milliards de collecte pour l’équipe gestion indicielle.

13,2 billions1 de $ d’encours à fin 2023 pour l’équipe gestion active, 13,3 billions pour l’équipe gestion indicielle.

Pour le moment, le village gaulois français continue de faire un rempart héroïque de son corps à la déferlante indicielle.

Cette dernière n’a que des avantages pour la plupart des investisseurs privés et un inconvénient majeur pour l’écosystème de la gestion chère pour tous à cause des rétrocessions : celui de ne pas rémunérer les distributeurs.

Heureusement, ce que j’avais appelé ici le piège de la Value for Money est en train de se refermer sur les fonds les plus chers, donc les moins performants : L’Agefi nous a appris que Generali allait déréférencer le quart des unités de compte présentes dans ses contrats d’assurance vie (source).

Soit 1200 parts de fonds sur 5000. Un sacré coup de balai.

De Jack Bogle, vous pouvez lire Le petit livre pour investir avec bon sens.

Sur l’histoire de la gestion indicielle, Robin Wigglesworth, journaliste au Financial Times, a écrit un livre remarquable : Trillions.

J’ai lancé en novembre 2023 un Substack à destination des investisseurs privés, L’Odyssée des Placements. Mon objectif ? Contribuer à améliorer la littératie financière des abonné.e.s.

Le lancement est parrainé par Indexa Capital, qui commercialise en France le contrat d’assurance vie en gestion sous mandat le moins cher (j’en avais parlé ici) : Indexa Vie Spirica. Vous pourrez bénéficier sous conditions d’une remise pendant un an sur les frais d’assurance et de mandat en suivant ce lien.

J’aime beaucoup Jean-Patrick Manchette (1942-1995), père de ce qu’on appelé le néo-polar français.

J’ai lu la semaine dernière, Derrière les lignes ennemies – Entretiens 1973-1993, une compilation d’entretiens donnés par Manchette à divers médias au fil des ans.

J’ai souvent et beaucoup ri.

Serge Loupien de Libération fit cette réflexion à Manchette dans un entretien paru le 15 mars 1982 :

Ce qui ne manque pas de piment, c’est que Delon, catalogué comme homme de droite, adapte systématiquement les romans de Manchette, intellectuel de gauche notoire.

Manchette répondit ceci :

Ben oui. Je ne sais pas pourquoi mais jen suis très content. Puisque c’est pour ça que je vais pouvoir passer six mois à ne rien foutre. Comme je ne suis pas tellement léniniste, je ne pense pas prêter la main à une opération d’abrutissement des masses. De temps en temps, des lecteurs m’écrivent pour me demander comment je peux oser vendre à Delon. Personnellement je préférerais vendre à Fritz Lang. Malheureusement il est mort et ne m’a jamais rien proposé.

Vous ne connaissez pas Manchette ? Vous avez de la chance, vous allez pouvoir le découvrir. Commencez par Romans noirs chez Quarto Gallimard. 

Si vous aimez la BD, vous adorerez l’adaptation par Tardi de 4 romans de Manchette2 : Griffu – Le petit bleu de la cote ouest – Ô dingos, ô châteaux – La position du tireur couché.

Un qui a eu la chance de connaître Fritz Lang, c’est Jean-Luc Godard, qui l’a fait jouer dans Le Mépris. La musique, sublime, est de Georges Delerue.

A l’origine, Le Mépris est un livre d’Alberto Moravia.

Je m’interrogeais la semaine dernière sur le sabir employé par Mme Amélie Oudéa-Castéra, la ministre de l’Education et de la Jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et paralympiques.

Apparemment, c’est sa façon habituelle de s’exprimer, si j’en juge par ce tweet que j’ai passé à la moulinette de Google Translate sans trouver la langue d’origine ni comprendre la signification précise.

Marie Bernard, je vous aime3.

Je ne sais pas de quel cerveau torturé est sorti le concept de réarmement abondamment utilisé par le Président Macron et repris par la cour, mais ce serait bien qu’il y retourne et s’y tienne coi.

Vous trouvez déjà ce billet trop long ? J’ai fait la synthèse de ce qui suit dans une vidéo de 3 minutes.

Vous pouvez même vous abonner à la chaîne YouTube d’Alpha Beta Blog ici.

Bienvenue dans ma semaine Twitter 3 de 2024.

La saignée continue

Les commissions de mouvement sont cette ignominieuse exception française qui consiste à faire payer aux porteurs de parts des fonds qui en facturent une prestation qu’ils ont déjà payée.

Il s’agit par exemple des frais de courtage, que le fonds (donc les porteurs de parts dudit fonds) a déjà payés aux courtiers.

Les commissions de mouvement, qui viennent frapper une deuxième fois ces transactions, vont dans la poche de la société de gestion et/ou de son dépositaire.

C’est une pratique qu’aucune juridiction financière digne de ce nom ne tolère. Mais il existe encore de nombreuses et grotesques exceptions par lesquelles se manifeste une forme particulière de génie français : les commissions de mouvement en font partie.

L’AMF, après avoir longtemps dormi à poings fermés, s’est réveillée en 2022 et a annoncé le 23 mai que ces scélérates commissions de mouvement allaient être interdites, à l’exception de celles sur les actifs immobiliers et les actifs non cotés (source).

Hélas, 733 millions de fois hélas, cette interdiction n’entrera en vigueur que… le 1er janvier 2026.

Ben oui, il faut laisser du temps aux sociétés de gestion shootées aux commissions de mouvement pour qu’elles se débarrassent de leur addiction.

Au fait, pourquoi 733 millions de fois hélas ?

Parce que ces commissions de mouvement ont représenté 733 millions d’euros en 2022 d’après les données publiées par l’AMF dans son rapport sur les chiffres clés de la gestion d’actifs. Soit une augmentation de 3,9% sur un an.

733 millions d’euros prélevés légalement dans les poches des investisseurs, pour des prestations qu’ils ont déjà payées.

Je crois avoir entendu le président Macron annoncer une baisse d’impôts de 2 milliards d’euros pour les classes moyennes.

733 millions d’euros, c’est beaucoup d’argent, et je crains que les sociétés de gestion qui ont facturé des commissions de mouvement dans le passé (Carmignac, Comgest, DNCA, H2O AM, La Financière de l’Echiquier, Oddo BHF Asset Management et de nombreux plus petits acteurs) ne continuent à le faire tant que ça n’est pas interdit.

J’écris sur et contre les commissions de mouvement depuis des années. Dans une chronique parue dans le numéro de mai 2021 de Gestion de Fortune, je parlais même de Déshonneur français.

En 2015, ces commissions de mouvement avaient représenté 497 millions d’euros. En 2016, 483 millions. En 2017, 482 millions. En 2018, 541 millions. En 2019, 500 millions. En 2020, 505 millions. En 2021, 706 millions. Et en 2022, 733 millions.

Soit, en 8 ans, 4 milliards 440 millions d’euros.

La baisse d’impôts de 2 milliards d’euros ne va pas suffire.

Je crains que les sociétés de gestion qui s’adonnent encore aux scélérates commissions de mouvement n’aient continué à saigner leurs clients en 2023. Et qu’elles continuent en 2024 et en 2025, puisque l’AMF les y a autorisées.

Oseront-elles collectivement ponctionner plus d’un milliard d’euros par an ?

Afer : la grande désillusion

Grâce à mon père, qui était agent d’assurances et distribuait le contrat d’assurance vie Afer, mes trois filles et moi avons tous ce contrat qui fut longtemps excellent.

Pour moi, ça fait plus de 30 ans. Au fil des ans, j’ai vu les avantages du contrat Afer disparaître : en partie parce que la concurrence n’est pas restée inactive, notamment sur les frais ; mais aussi et surtout en raison des mauvaises décisions de l’association.

La pire de ces décisions a consisté à faire voter par des assurés fort dociles une augmentation importante des frais de gestion des unités de compte du contrat en contrepartie de la suppression des frais sur versement.

Les frais de gestion des unités de compte sont permanents et non négociables alors que les frais sur versement étaient ponctuels et d’autant plus négociables qu’ils étaient totalement anachroniques, ne rémunérant aucune prestation.

Alors que les unités de compte avant augmentation de leurs frais de gestion étaient bien moins chères que les unités de compte actives des contrats concurrents, et que leur différentiel de frais par rapport aux fonds indiciels à bas coûts n’était pas trop élevé, la donne a changé après augmentation.

Même si les frais des unités de compte du contrat Afer restent inférieurs à ceux des UC gérées activement des contrats concurrents, ils sont maintenant beaucoup plus chers que les fonds indiciels à bas coûts que l’on retrouve dans un nombre croissant de contrats d’assurance vie.

Si l’on met en regard les frais de gestion du contrat Afer, qui sont de 0,475% par an, et les frais de gestion des UC (1,13% en moyenne pour les UC actions et 1,07% pour les UC obligataires d’après l’Afer), avec les frais de gestion des contrats internet les moins chers (0,5% par an) et ceux des unités de compte indicielles très diversifiées, qui sont inférieurs à 0,2% par an, le contrat Afer est cher.

Mais la réputation du contrat Afer s’est faite avec son fonds en euro, dont le rendement annuel a longtemps été dans la fourchette haute du marché, et dont l’annonce était attendue comme le messie durant le mois de janvier.

C’est peu dire que le rendement de 2022 (+2,01%, soit +1,66% après prélèvements sociaux) avait déçu. Mais il restait proche de la moyenne du marché.

Celui de 2023, dévoilé le 16 janvier, était très attendu.

J’ai écouté avec mon père l’interminable et grand-guignolesque présentation de Gérard Bekerman, le président de l’association Afer.

Au fil des pontifications de ce dernier, j’ai compris qu’il préparait le terrain pour l’annonce d’un très mauvais taux.

J’ai alors émis un pronostic que j’ai partagé avec mon père :

Entre +2,4% et +2,6%.

Ben non.

Ce fut encore pire que ce à quoi je m’attendais : +2,22%, soit +1,84% après prélèvements sociaux.

Et encore, en utilisant une partie importante de la provision pour participation aux bénéfices pour doper le taux.

Le fonds en euro du contrat Afer est définitivement rentré dans le rang.

Quant à l’offre d’UC, elle s’est enrichie mais il n’y a toujours pas d’UC indicielles à bas coûts dans ce contrat, pour la bonne raison qu’il est avant tout géré au profit des distributeurs, comme le montre la part très élevée des rétrocessions aux distributeurs pour les UC actions, obligataires et diversifiées.

L’arithmétique est parfois implacable : j’ai simulé l’évolution du nombre de parts d’UC actions et obligations au fil des ans dans le contrat Afer et dans un contrat X plus récent qui aurait des frais de gestion assurance de 0,5% par an et proposerait :

  • des ETF actions très diversifiés (par exemple un ETF répliquant l’indice MSCI World pour 0,18% par an, comme ce produit Amundi).
  • des ETF obligataires très diversifiés (par exemple un ETF répliquant l’indice Bloomberg Global Aggregate Bond couvert contre le risque de change pour 0,1% par an, comme ce produit iShares).

Pour neutraliser l’impact de la performance, je fais la simplification suivante : je considère que les frais de gestion des UC viennent en déduction du nombre de parts (ce n’est pas le cas, ils viennent en réalité en déduction de la performance, mais je ne veux pas utiliser la performance) et je leur ajoute les frais de gestion assurance, qui sont prélevés en nature et viennent bien réduire le nombre d’UC détenues.

J’applique la somme de ces 2 types de frais une fois par an, en fin d’année, ce qui réduit le nombre de parts d’UC, fixé au début de la simulation à 100.

Je simule sur 20 ans l’évolution du nombre de parts en début d’année (« Année 21 = début de la 21 année). 

Voici les données utilisées pour la simulation actions.

Après 20 ans (en début d'année 21), il reste parts 72,35 d'UC actions pour le contrat Afer et 87,24 parts pour le contrat X.

Voici les données utilisées pour la simulation obligations.

Après 20 ans (en début d'année 21), il reste parts 73,24 d'UC obligations pour le contrat Afer et 88,66 parts pour le contrat X.

Bien entendu, si votre UC actions ou obligataire Afer est bien plus performante sur 20 ans qu'un ETF à bas coûts, vous êtes gagnants avec Afer.

Quant à moi, je vais accélérer la migration de mes avoirs en assurance vie du contrat Afer vers le contrat Indexa Spirica Vie et ses frais annuels totaux de 0,81% maximum (voir ci-dessus).

Bye bye Afer.

Bonus

Une dernière simulation, pour la route, entre un contrat standard investi en UC actions gérées activement et un contrat low cost investi en ETF indiciels actions.

  • Hypothèses pour le contrat standard : 2,01% de frais de gestion (c'est le dernier montant de frais moyens pour les UC actions gérées activement d'après Good Value for Money) et 0,8% de frais du contrat (même source).
  • Hypothèses pour le contrat low cost : 0,38% de frais de gestion (c'est le dernier montant de frais moyens pour les ETF indiciels actions publié par l'AMF) et 0.5% de frais du contrat (frais de gestion les moins élevés parmi les contrats donnant accès à des ETF).

Attention, ça pique : après 20 ans, il reste 54,96 parts d'UC pour le contrat standard avec UC actions gérées activement et 83,06 parts d'UC pour le contrat low cost avec UC ETF indiciel actions.

Le coup de grâce : je remplace l'ETF à 0,38% de frais moyens par l'ETF MSCI World sus-mentionné à 0,18% de frais annuels.

Après 20 ans, il reste toujours 54,96 parts d'UC pour le contrat standard avec UC actions gérées activement et 86,65 parts d'UC pour le contrat low cost avec UC ETF indiciel actions à 0,18% de frais de gestion.

La maxime de Jack Bogle ("Quand vous investissez, tout frais en moins, c'est autant de performance en plus") s'applique aussi à l'assurance vie.

Bromance

Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si cette mission influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM dans ce blog.

Une bromance (brothers + romance), c'est une histoire d'amitié entre hommes. Ce terme, apparu dans les années 1990, s'est popularisé au milieu des années 2000 (source).

Avant la naissance de ce terme, les chefs d'Etat derrière ce qui s'appelait encore le rideau de fer avaient l'habitude de se donner des baisers, souvent sur les joues, parfois sur la bouche. Je précise à l'usage des lecteurs et lectrices les plus jeunes qu'à cette époque lointaine, les hommes s'embrassaient moins qu'aujourd'hui.

Voire ne s'embrassaient pas du tout, sauf dans le cadre familial, et encore.

Le baiser fraternel de 1979 à Berlin des peu regrettés Erich Honecker et Leonid Brejnev est devenu culte et a été détourné par de nombreux artistes (source). Une représentation de ce baiser illustre d'ailleurs ce billet.

Les deux journalistes du Financial Times qui avaient révélé le H2Ogate en juin 2019, Robert Smith et Cynthia O’Murchu, ont publié dans le FT Magazine du 20 janvier 2024 un très long papier intitulé « La ballade de Lars et Bruno», mis en ligne dès le 18 janvier.

Si ce qu'ils relatent est vrai, le casse du siècle est peut-être le résultat d'une espèce de bromance entre Bruno Crastes et Lars Windhorst.

Voici ma synthèse de cette ballade.

On apprend dans cet article exceptionnel4 que c'est Vincent Chailley qui aurait été initialement séduit par Lars Windhorst, vers 2014.

Selon un ancien employé de H2O AM, Bruno Crastes, après avoir fait une recherche sur internet sur Windhorst, aurait répondu à Chailley :

Vincent, il a déjà fait faillite deux fois. Ne mets pas de ça dans mes fonds.

Rétrospectivement hilarant, car je me souviens de la réponse d'un des dirigeants de H2O AM à une question posée lors de l'audience de la commission des sanctions de l'AMF en novembre 2022 par une personne qui se demandait pourquoi H2O avait investi dans des titres Windhorst en dépit de la réputation bien établie de cette personne. 

Réponse, en substance : notre département juridique avait fait une vérification et n'avait rien trouvé d'anormal.

En dépit des préventions de Bruno Crastes, les premiers investissements de fonds H2O dans les titres émis par les entités contrôlées par Windhorst débutèrent en avril 2015.

Alors que Windhorst s'était engagé à racheter les obligations à H2O peu de temps après les avoir vendues, il n'honora pas son engagement et Vincent Chailley tenta de l'y forcer.

Windhorst remboursa finalement après un mois d'échanges, un avant-goût de ce qui allait suivre.

Windhorst continua d'inviter Chailley à dans des dîners privés, avec des individus qui allaient plus tard être impliqués dans des scandales, comme celui de 1MDB.

A l'été 2015, Windhorst invita Crastes, Chailley et leur famille pour une croisière de trois jours en Méditerranée sur Global, son super yacht.

Ah, ce super yacht avait été saisi auparavant par un créancier kazakh de Windhorst, lequel créancier le restitua à Lars en leasing.

La bromance à deux devint une bromance à trois.

En septembre 2015, Chailley alerta Crastes sur le poids grandissant des titres "Windhorst" dans certains fonds H2O et sur le manque de parole du nouveau partenaire.

En dépit de ces alertes, Crastes continua d'investir dans des titres "Windhorst", jusqu'au début du H2Ogate en juin 2019.

Le mystère lié au fait que Windhorst ait convaincu Crastes de ne pas s'arrêter à ces risques évidents fut débattu sans fin par les collaborateurs de H2O.

Il est aussi question dans l'article du Financial Times d'une semaine de vacances à Saint Martin en hiver pour la famille de Bruno Crastes, transportée dans le jet de Windhorst ; d'invitations à des événements avec la haute société monégasque.

Le tout payé par les sociétés du groupe Tennor, financées notamment par les fonds H2O.

Le summum fut atteint en 2019 lors du mariage de Lars Windhorst, auquel furent invités de nombreux créditeurs du marié, dont Crastes et Chailley. A l'hôtel du Cap-Eden-Roc, normalement fermé en cette saison mais ouvert pour l'occasion.

3 chanteurs étaient là pour égayer les invités : Lionel Richie, Craig David et Lenny Kravitz. Et pas Taylor Swift ?

Mariage financé par ces créditeurs, puisqu'il apparaît que Windhorst faisait payer ses dépenses personnelles par ses sociétés.

Mariage auquel les détenteurs de parts des fonds H2O ayant prêté de l'argent aux sociétés de Windhorst ne furent vraisemblablement pas conviés.

Quelque temps après, Windhorst, qui s'était engagé à acheter une participation dans le club de football Hertha Berlin, vint quémander 99 millions d'euros auprès de H2O, en agitant la menace d'insolvabilité s'il n'honorait pas sa promesse.

Alors que Chailley voulait refuser, les journalistes du FT écrivent que Crastes accéda à la demande de Windhorst en une après-midi, via des transactions permettant de prêter la majeure partie de la somme demandée.

Quand je pense que j'écrivais à une époque que Windhorst pourrait transférer sa participation dans Hertha Berlin aux side-pockets, je n'étais pas si loin de la vérité.

Les journalistes concluent leur article en rappelant que de nombreux créditeurs de Windhorst l'ont attaqué en justice. Pas H2O AM.

Vous connaissez la suite si vous lisez ce blog.

Tout cela finira dans une série Netflix.

Dans le rôle de Bruno Crastes, il y aura Jean Dujardin. Dans celui de Lars Windhorst, il y aura Lars Eidinger. Dans le rôle de Vincent Chailley, il y aura Niels Schneider.

Je suis très admiratif des capacités d'investigation du Financial Times en général (le quotidien a révélé le scandale Wirecard et bien d'autres) et de Smith et O'Murchu en particulier.

Je suis très conscient du manque criant de moyens de la presse française, mais je suis vraiment très, très surpris par l'absence à peu près totale d'investigation dans cette affaire absolument hors-norme, qui concerne directement la place financière française, même si l'activité de H2O AM au moment des faits s'exerçait principalement au Royaume-Uni.

J'espère que la publication de ce fabuleux et terrifiant article sur "La ballade de Lars et Bruno" va susciter quelques vocations dans certaines rédactions. 

Des nouvelles du #H2Ogate

Avertissement : j'ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l'Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d'une mission rémunérée (détails ici). A vous de déterminer si cette mission influe sur ma couverture de l'affaire H2O AM dans ce blog.

Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.

Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.

Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.

Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.

Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.

Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).

Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.

Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.

En fait de 250 millions, ce sont 144 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.

Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.  

Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.

Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre. Puis de nouveau en décembre pour les valeurs estimatives à fin novembre.

Et pas qu’un peu : on passe d’une valorisation estimée de 945 millions d’euros à fin février à 198,6 millions d’euros à fin novembre. 747 millions d’euros sont partis en fumée.

Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de octobre 2023, compte tenu du remboursement de janvier 2023, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de plus de 1 milliard 300 millions d’euros d’après mes calculs. 

La valeur résiduelle des side-pockets est estimée à 198,6 millions d'euros. Leur valeur probable est plutôt de zéro, Windhorst étant aux abois. La perte totale pour les porteurs de parts de side-pockets pourrait donc atteindre 1,5 milliard d'euros.

C'est le casse du siècle.

Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 18 janvier 2024 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 30 novembre 2023).

J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant de la distribution du 23 janvier 2023.

En matière de décollecte, voilà où on en est.

Voici l'évolution des encours des sept fonds.

En matière de performance, voilà où on en est.

Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 3 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).

Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens disséminés dans ce billet (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).

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Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.

Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.

Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.

Comment trouver un conseiller en investissements financiers (CIF) indépendant au sens de MIF 2 ? C'est à peu près mission impossible : le site de l'ORIAS, qui est l'organisme auprès duquel s'enregistrent les CIF, ne permet pas de rechercher selon les critères "indépendant" ou "non-indépendant". Pas plus que ne le permettent les sites des 4 associations de CIF agréées par l'AMF. C'est affligeant et scandaleux.

C’était ma semaine Twitter 3 de 2024. Sayōnara. さようなら.

Illustration : Le "Baiser" fraternel d’Erich Honecker, le secrétaire général du Parti communiste est-allemand et de Léonid Brejnev, chef du Kremlin, immortalisé par l’artiste russe Dimitri Vrubel sur l'East Side Gallery (source)

  1. En français, un billion est égal à 1000 milliards.
  2. Seul Griffu a été publié du vivant de Manchette.
  3. En tout bien tout honneur, évidemment.
  4. Ni Bruno Crastes, ni Vincent Chailley n'ont accepté de parler aux journalistes.

4 réponses sur « Ma Semaine Twitter 3 de 2024 »

Vous pouvez constater qu’il n’est pas facile de bouger le mammouth frais de gestion comme le mammouth de l’ éducation nationale. Le réarmement civique des frais de gestion ou de notre jeunesse est critiquable mais nécessaire. Bien à vous

Cher Philippe
C’est toujours le même plaisir de vous lire. Merci de m’avoir fait connaitre Ghjulia Boccanera ; sa compagnie et celle de J-P Manchette (Que d’os !, en l’occurrence), dont je salue la présence de ce billet, m’ont rendu la trêve des confiseurs bien plus trépidante qu’elle n’est d’ordinaire.
Ces derniers temps, j’ai eu du mal à trouver des variations croquignolesques en français sur le thème de l »année de la gestion active ». Rendriez-vous le milieu méfiant ?
Ah, et Amundi transfère ses ETF. LU1437016972 se fait désormais appeler IE000BI8OT95.
A part ça, je me demande quelles seront les conséquences du changement climatique sur alphabetablog. En d’autres termes, quand reverrons nous le Vexin ? Que voulez-vous, j’aime le suspense, et on dirait que cette question recèle plus d’incertitude que toute tentative de déterminer la date à laquelle les sangsues cesseront leur succion…
Au plaisir de vous lire encore en 2024
Phaéton

Cher Phaéton,

Vous me comblez d’aise car ma vraie vocation, c’est d’être passeur littéraire. Comme ce n’est pas un métier, dans une prochaine vie, je serai bibliothécaire. Réouverture du Vexin courant mars, semis en appartement courant février.

Le climat irlandais est plus propice aux performances de certains ETF que le climat luxembourgeois. On me dit dans l’oreillette que c’est pour de basses raisons de retenue à la source sur les dividendes des actions Etats-Unis.

Merci de votre fidélité.

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