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Ma Semaine Twitter 18 de 2024

La puissance combinée de tous les lobbies de l’écosystème de la gestion et de la vente rétrocommissionnée de produits de placement gérés activement et de quelques grands pays de l’Union européenne1 préférant une injustice (que des millions d’investisseurs privés paient bien trop cher leurs placements) à un désordre (de la concurrence sur ce marché) a eu la peau de la stratégie d’investissement de détail de l’Union européenne (la fameuse RIS, pour Retail Investment Strategy).

Le dernier narratif en vogue pour expliquer en quoi les commissions sont bonnes, c’est de s’abriter derrière le bouclier de la souveraineté.

Souveraineté, que de couleuvres on avale en ton nom.

Pour restaurer notre souveraineté alimentaire, on fait marche arrière sur le verdissement de l’agriculture.

Et pour restaurer notre souveraineté financière, menacée par la déferlante indicielle aux mains de gérants d’actifs étrangers à l’Union européenne, on n’interdit pas les rétrocessions.

Cet argumentaire fumeux est repris par les différents protagonistes du torpillage de la RIS.

Par Stéphanie Yon-Courtin, députée européenne française, qui a encore mieux défendu les lobbies qu’un lobbyiste professionnel n’aurait pu le faire.

Elle avait déclaré sans rire que « [[l]’interdiction des rétrocessions] reviendrait à confier les clés du camion aux distributeurs de produits d’épargne américains et déstabiliserait toute l’industrie de la gestion d’actifs européenne » (source).

Par Julien Sérouqui, le président de la CNCGP, l’une des associations de conseillers en investissement financier, à qui Décideurs Patrimoine a tendu cette perche : 

Il y a l’idée persistante prétendant qu’un cabinet fonctionnant sur le modèle du 100 % honoraire est totalement indépendant…

Réponse de Monsieur Sérouqui :

C’est vrai que cette idée est souvent reprise sur le plan européen par les pourfendeurs des commissions. Ces personnes associent systématiquement leur interdiction à la promotion d’instruments financiers sans aucune rémunération, notamment les ETF. Mais qui sont les sociétés de gestion qui promeuvent ces fonds ? Les cinq premières sociétés sont américaines et contrôlent 80 % du marché. La problématique n’est pas celle de l’indépendance, mais celle de la souveraineté : souhaitons-nous livrer l’épargne des Européens aux Américains ?

Hein, qui sont ces scélérates sociétés de gestion promouvant les ETF, ces produits scélérats « sans aucune rémunération » ?

Cinq sociétés américaines.

Ben oui. 

Sinon, il y a bien Amundi qui fait des ETF. Je croyais que c’était une société française.

Non, nous ne livrerons pas l’épargne des Européens aux Américains ! La souveraineté financière de l’Europe passe par les rétrocessions !

J’ai lancé en novembre 2023 un Substack à destination des investisseurs privés, L’Odyssée des Placements. Mon objectif ? Contribuer à améliorer la littératie financière des abonné.e.s.

Le lancement est parrainé par Indexa Capital, qui commercialise en France le contrat d’assurance vie en gestion sous mandat le moins cher (j’en avais parlé ici) : Indexa Vie Spirica. Vous pourrez bénéficier sous conditions d’une remise pendant un an sur les frais d’assurance et de mandat en suivant ce lien.

Je ne sais pas si c’est la même chose pour vous, mais il y a des vêtements dans lesquels on se sent bien. Même s’ils sont vieux, même s’ils sont en mauvais état. Par exemple un pantalon de jogging informe. Ou un pull rapiécé et maintes fois raccommodé avec des pièces aux manches.

En ce qui me concerne, il y a aussi des écrivains dans lesquels je me sens bien. Et ça n’a rien à voir avec leur âge.

Par exemple Jean Rolin. Je lis tout ce qu’il publie, à chaque fois avec un immense plaisir.-

Tenez, la semaine dernière, j’ai lu Les Papillons du bagne.

Au début, vous partez avec Rolin marcher sur la Côte d’Azur de Bandol à Menton sur les pas de Katherine Mansfield (1888-1923).

Puis il change d’avis après avoir revu à la télévision Papillon de Franklin Schaffner avec Steve McQueen et Dustin Hoffman. Film lui-même adapté du livre d’Henri Charrière (Papillon), ex-bagnard évadé du bagne de Cayenne.

Et Rolin décide de filer en Guyane à la poursuite de papillons de style morpho.

C’est inimitable.

A l’entrée d’un chemin cimenté qui prenait sur la droite, en surplomb au-dessus des palétuviers, et s’interrompait presque aussitôt, toutes caractéristiques qui le désignaient en effet comme un parfait succédané de toilettes publiques, un écriteau notifiait une « interdiction de passer ou de faire caca », traduite en créole, succinctement, par « pa kaka la ».

Dans Les Papillons du bagne, il est question du Journal de Katherine Mansfield, dont je n’ai rien lu.

Plus près de Paris et toujours sur les pas de Rolin, j’ai récemment fait La traversée de Bondoufle et traversé Le pont de Bezons.

Je suis décidément de plus en plus fan de Marie Bernard.

Pour ça notamment.

Ou ça.

Ce week-end, j’ai de nouveau passé des heures à bêcher pour agrandir d’une quinzaine de mètres carrés mon potager du Vexin. Encore quatre heures de travail, et ce sera fait. 

Juste à temps pour les semis et les plantations.

Sauf catastrophe météorologique, nous devrions avoir beaucoup de fraises, de cerises, de framboises et de groseilles.

Ils ne sont pas beaux mes fraisiers ?

Vous trouvez déjà ce billet trop long ? J’ai fait la synthèse de ce qui suit dans une vidéo de moins de 3 minutes.

Vous pouvez même vous abonner à la chaîne YouTube d’Alpha Beta Blog ici.

Bienvenue dans ma semaine Twitter 18 de 2024.

Warren vs les pickpockets

Le premier week-end de mai, des pélerins d’un genre particulier convergent vers Omaha, dans le Nebraska. Ces pélerins sont les actionnaires de Berkshire Hathaway, réunis pour la grand-messe annuelle de l’assemblée générale.

Leurs dieux s’appelaient Warren Buffett et Charlie Munger. Charlie est mort l’an dernier, Warren toujours en pleine forme à 93 ans, a officié seul.

Jason Zweig, l’excellent journaliste du Wall Street Journal, a utilement rappelé ce qui avait fait le succès de Berkshire Hathaway (BH) : ne pas être un fonds d’investissement.

En effet, BH est une société qui prend des participations — majoritaires ou minoritaires — dans d’autres sociétés mais qui, contrairement aux fonds d’investissement, ne facture rien à ses actionnaires pour cela, et surtout n’a pas à faire face aux demandes de souscriptions et de rachats auxquels ont à faire face les sociétés de gestion.

Et ça change tout.

Pour illustrer son propos, Zweig s’est livré à un exercice : il a demandé à plusieurs experts de simuler la performance de Berkshire Hathaway si la société était un hedge fund facturant 2% de frais de gestion fixes et 20% de la surperformance annuelle par rapport à celle de l’indice S&P 500 (« 2/20 »).

Zweig a fait simuler l’évolution d’un placement de la somme 1000 $ en actions BH début 1965 (quand Buffett a pris le contrôle de la société) ; dans le S&P 5002 ; et dans un hedge fund 2/20.

Voici la valeur atteinte par cet investissement aujourd’hui :

  • BH : 42 500 000 millions de $
  • S&P 500 : un peu plus de 300 000 $.
  • Hedge fund : un peu moins de 5 millions de $.

Eh oui, il y a une différence de 37,5 millions de $ entre BH et le hedge fund : c’est le prix de la rémunération de la gestion active avec une commission de surperformance de 20%.

Vous voulez trouver le prochain Warren Buffett ? Selon Zweig,

[p]artir en quête d’un bon stock picker est une condition nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Vous devez également trouver un bon stock picker qui ne soit pas un pickpocket.

Zweig rappelle que la rémunération annuelle fixe de Buffett est de 100 000 $ depuis des années.

Zweig rappelle aussi que la raison d’être d’une société de gestion pratiquant la tarification ad valorem (c’est-à-dire proportionnelle aux encours gérés), c’est de faire croître ses encours et que très rares sont les sociétés de gestion qui ferment leurs fonds aux nouvelles souscriptions ; que ces sociétés de gestion doivent gérer des flux de capitaux (entrants après une bonne performance passée, sortants après une mauvaise performance passée), ce que n’a pas à faire BH, qui peut investir les liquidités provenant des dividendes perçus de ses participations et d’une partie des primes d’assurance de ses filiales d’assurance (le fameux capital permanent, ou « permanent capital »).

La morale de cette histoire : il n’y a qu’un Berkshire Hathaway car Buffett est unique.

Le BH d’aujourd’hui est gigantesque (182 milliards de $ de liquidités à fin mars 2024, Buffett déclarant depuis des années avoir du mal à trouver de bonnes idées d’investissement au bon prix) et la performance récente de l’action est de plus en plus proche de celle du S&P 500.

Vous avez le choix entre sélectionner les actions vous-même ; sélectionner un gérant actif avec ou sans commission de surperformance, en vous gardant des pickpockets ; vous exposer au(x) marché(s) actions via un véhicule indiciel diversifié à bas coûts.

Ce choix3 dépend de vos compétences, réelles ou présumées4.

Les lettres annuelles de Warren Buffett aux actionnaires de BH depuis 1977 sont accessibles ici.

Eric Platt, Eva Xiao et Patrick Mathurin du Financial Times ont écrit un excellent article sur Berkshire Hathaway après Warren Buffett.

La distribution de fonds en Europe

L’EFAMA se présente comme « la voix de l’industrie européenne de la gestion d’actifs « .

En d’autres termes, c’est un organisme de représentation et de défense des intérêts des gérants d’actifs.

En d’autres termes, c’est le lobby des gérants d’actifs.

L’EFAMA s’est opposée à l’interdiction des rétrocessions dans l’Union Européenne. Elle trouve même encore à redire à la version vide de toute substance votée par le Parlement Européen le 23 avril dernier (source).

L’EFAMA a aussi de bons côtés : comme de fournir des statistiques fort intéressantes, par exemple sur le marché de la distribution des fonds dans 17 pays européens5.

En préambule de l’étude, les rédacteurs rappellent que les particuliers en Europe laissent une part qu’ils qualifient d’excessive de leur épargne en dépôts bancaires.

Pour comprendre comment y remédier, ils estiment nécessaire de comprendre comment ces particuliers accèdent aux produits de placement qui leur sont destinés.

L’EFAMA distingue quatre familles de canaux de distribution des fonds :

  • Le canal direct : les sociétés de gestion gèrent directement des portefeuilles pour le compte de leurs clients particuliers, typiquement sous la forme de mandats de gestion.
  • Le canal du conseil : il comprend les banques, les conseillers financiers, les assureurs, les gérants de portefeuille et les courtiers en ligne, qui accompagnent les particuliers.
  • Le canal des plateformes de distribution de fonds : dans ce cas, il n’y a pas d’intermédiaire pour conseiller le client particulier, auquel la plateforme fournit des outils de recherche, d’analyse et de comparaison en self-service. Au sein de cette famille existent des acteurs en architecture ouverte et des plateformes captives ne distribuant que les produits de leur maison-mère.
  • Le canal de la préparation à la retraite.

Mes réflexions sur le canal du « conseil » : il faudrait plutôt l’appeler canal de la vente (« sales channel ») tant le terme de « conseil » est impropre quand le « conseiller » est rémunéré par le fournisseur de produits.

Et si l’on voulait être puriste, il faudrait appeler canal du conseil le canal des indépendants au sens de MIF 2 (c’est-à-dire les intermédiaires financiers ayant fait le choix ultra-minoritaire d’être rémunérés exclusivement par leurs clients).

Principaux enseignements de l’étude de l’EFAMA :

  • Le canal du conseil est le canal de distribution le plus significatif. Les financiers fournissant des conseils à leurs clients, dont les banques, les conseillers financiers, les assureurs, les gérants de portefeuille et les courtiers en ligne représentent 80% des encours des fonds détenus par les investisseurs de détail en Europe.
  • La part de marché des banques dans la distribution de fonds est de 45% en Europe et de 57% dans l’Union européenne.
  • Les plateformes de distribution de fonds en architecture ouverte et les conseillers financiers devraient jouer un rôle plus important dans les cinq ans à venir. La technologie financière devrait être le principal catalyste des évolutions dans les canaux de distribution des fonds.

Entrons dans les détails : le canal du pseudo-conseil intermédie donc 80% des encours ; les plateformes suivent à 10% des encours ; puis le canal retraite à 7% ; et enfin le canal direct à 2%.

Au sein du canal du pseudo-conseil, les banques intermédient 45% des encours totaux ; les « conseillers » financiers 18% ; les sociétés de gestion et les courtiers en ligne 9% ; les assureurs 7%.

La structure de la distribution de fonds diffère d’un pays à l’autre. La France fait partie des 4 pays dans lesquels la part de marché des banques est inférieure à la moyenne de l’étude.

Du fait du poids de l’assurance vie, ce sont les assureurs qui sont en tête, intermédiant 34% des encours en fonds (26% pour les banques).

Ah, et la part des « conseillers » financiers en France ? 4%. Comme le part du canal direct.

L’étude fort intéressante se décrédibilise dans sa conclusion, qui est un plaidoyer en faveur du maintien des rétrocessions.

Pourquoi ? Parce que les banques sont un acteur essentiel de la distribution de fonds et qu’au Royaume-Uni, où la RDR6 a interdit les rétrocessions, elles se seraient retirées du marché de la distribution du fonds, créant un « advice gap » (c’est-à-dire un déficit de conseil).

Argument fallacieux : les banques n’étaient pas un acteur important de la distribution de fonds avant l’entrée en vigueur de la RDR, et il y a autant d’advice gap au Royaume-Uni que de monstre dans le Loch Ness.

L’EFAMA publie également un suivi mensuel de la collecte des OPCVM. Il ressort de la dernière édition de ce suivi, avec des données arrêtées à fin mars 2024, que la progression des ETF se poursuit inexorablement.

En effet, si les ETF représentaient à fin mars 11,9% des encours des fonds de long terme, leur part dans la collecte depuis le début de l’année est de 53% (source).

Les lobbies ont beau avoir réussi à torpiller la stratégie d’investissement de détail, et notamment l’interdiction des rétrocessions, les investisseurs votent avec leur porte-monnaie en favorisant les ETF indiciels à bas coûts.

Incidemment, en raison de l’émergence des ETF gérés activement, il va falloir rapidement distinguer les ETF indiciels des autres dans les statistiques.

Heureux comme un investisseur en fonds aux 🇺🇸

J’ai beaucoup de plaisir à lire la production de Morningstar7 aux Etats-Unis, qu’il s’agisse de la recherche ou d’articles plus accessibles.

Amy Arnott, CFA, vient de publier un de ces articles plus accessibles, dans lequel elle revisite 40 ans d’évolution du marché des fonds.

Morningstar a en effet été créée il y a 40 ans, en 1984, par Joe Mansueto.

La conclusion d’Arnott : pour les investisseurs, c’est nettement plus facile de construire un portefeuille de fonds qu’il y a 40 ans.

Elle rappelle qu’il y a 40 ans, les investisseurs passaient par leur courtier pour acheter et vendre des fonds et qu’ils payaient des droits d’entrée (« load ») élevés. 

Il y avait alors environ 900 fonds. Il y en a aujourd’hui plus de 10 000.

En 40 ans, les frais ont beaucoup baissé : les frais pondérés des encours des fonds actions sont aujourd’hui inférieurs à 0,3% par an et les droits d’entrée sont devenus très rares.

Autre tendance de fond, qui a contribué à la baisse des frais, la montée en puissance de la gestion indicielle, disponible pour la quasi totalité des stratégies investissant dans des actifs cotés.

Amy Arnott estime que la qualité des équipes de gestion a augmenté chez les gérants actifs, chez qui l’on trouve moins de gérants stars agressifs et plus d’équipes de gestion.

Elle estime aussi que les fonds à horizon, qui se sont progressivement imposés face aux fonds d’allocation d’actifs équilibrés, rendent un bien meilleur service aux investisseurs, notamment ceux qui investissent en vue de leur retraite.

L’abondance de choix actuelle est problématique, les sociétés de gestion proposant des choix d’investissement risqués en fonction des tendances du moment : fonds thématiques, fonds à effet de levier. 

Pour Arnott, en dépit de ce point négatif, les investisseurs d’aujourd’hui « paient moins, capturent une partie plus importante de la performance des fonds, font des transactions plus facilement, et ce en accédant à des données et à des informations plus claires et plus exhaustives. »

Heureux comme un investisseur en fonds aux Etats-Unis.

Le bonheur est dans le pré

et la transparence dans les rapports annuels.

Avertissement : j’ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l’Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d’une mission rémunérée (détails ici).  A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l’affaire H2O AM sur ce blog.

A l’occasion de son changement d’identité visuelle, H2O AM a cessé de mettre en avant ses 3 valeurs cardinales : liquidité, transparence et performance.

C’est une bonne chose, car de transparence, il n’y avait pas dans le H2Ogate. Et il n’y en a d’ailleurs toujours pas.

Ainsi, H2O AM n’avait à ma connaissance jamais fourni le montant exact des deux remboursements aux porteurs de parts des side-pockets : celui de janvier 2023 et celui de mars 2024.

Pour le premier, un communiqué de presse rédigé dans une novlangue assez terrifiante mentionnait une réduction du nominal de la FSSN de 250 millions d’euros.

En analysant les montants unitaires de remboursements par part de fonds, j’étais arrivé à une somme totale de 143 963 224 euros.

Il m’a fallu attendre la publication de tous les rapports annuels des side-pockets8 pour calculer de façon certaine la somme totale remboursée.

Elle est fort proche de mon calcul initial : 143 752 297 euros.

Ce même rapport annuel a permis d’apprendre quelques informations intéressantes.

Je rappelle que lors de la création des side-pockets, H2O AM avait repris la même structure de frais que celle des fonds d’origine.

En d’autres termes, en plus des frais de gestion fixes, la société de gestion avait prévu une commission de surperformance. 

Ben oui, on a investi chez un spécialiste reconnu du non-remboursement de ses dettes, de surcroît dans des titres non éligibles à nos fonds, et vous allez quand même nous verser une commission de surperformance si on vous sort du fossé dans lequel on vous a mis !

Ah, et si vous avez aimé la structure de frais des hedge funds dont parle Jason Zweig (voir vignette ci-dessus), à savoir 2% de frais de gestion fixes et 20% de commission de surperformance, vous adorerez forcément le taux de la commission de surperformance des fonds H2O : 25%.

Il est rapidement apparu qu’il n’y aurait pas de surperformance pour les side-pockets.

Et la question de la légitimité de percevoir des frais de gestion fixes pour essayer de résoudre un problème dû à la seule incompétence de l’équipe de gestion a fini par se poser.

On a enfin la réponse, et elle se trouve dans le rapport annuel de H2O Multibonds :

[E]n décembre 2023, la société de gestion H2O AM EUROPE a renoncé aux frais de gestion provisionnés.

Je suppose que cette décision — la seule possible pour pouvoir continuer à se regarder sans honte dans la glace — s’applique également aux autres side-pockets. On en aura confirmation dans leur prochain rapport annuel.

Autre information intéressante :

H2O AM LLP, anciennement société de gestion du fonds H2O MULTIBONDS SP, a maintenu sa décision de renoncer à sa rémunération au titre des commissions de surperformance sur l’exercice 2019 dans la limite de 150 000 000 EUR, si à terme une dépréciation de la valeur de la FSSSN devait être constatée après prise en compte de l’ensemble des collatéraux et garanties attachés à la FSSSN.

On trouvait en effet cette décision dans le rapport annuel 2019 de H2O Multibonds :

[L]a société de gestion a pris la décision de renoncer à sa rémunération sur cet exercice dans la limite de
150 000 000 euros, si lors du débouclement final des opérations de « sell back », une dépréciation de leur valeur devait être constatée après prise en compte de l’ensemble des collatéraux déjà reçus en titres.

Dans le rapport annuel 2023, on apprend que

[d]epuis le 28 février 2023, compte tenu de la valorisation
retenue de la FSSSN, la renonciation a été prise en compte dans l’estimation de l’actif net du fonds.

Là, je suis perdu : je comprends que ces 150 millions d’euros viennent s’ajouter à l’actif net de la side-pocket. Or les actifs estimés de H2O Multibonds SP étaient de 458 001 454 € à fin janvier et de 459 040 684 € à fin février 2023.

Si vous avez des lumières, m’écrire.

Ah, Lars Windhorst, c’est l’homme qui rembourse rarement ses dettes. Il ne rembourse pas le principal, mais il ne paie pas non plus les intérêts.

Pour le seul H2O Multibonds SP, 

[a]u 29 décembre 2023, le retard de paiement de coupons échus sur tous les titres à l’exception d’ADS9 a conduit la société de gestion à ne plus prendre en compte leurs coupons courus dans la valorisation et à constituer une provision pour le montant attendu de tous les coupons échus non payés (134 338 121 EUR pour les coupons échus non payés).

134 millions d’euros de coupons échus non payés. 

Toujours plus mystérieux (pour moi), le fonds H2O Deep Value. Je rappelle que ce FIA faisait partie des 8 fonds sur lesquels l’AMF avait suspendu les transactions le 31 août 2020.

D’après Cynthia O’Murchu du Financial Times, ce fonds avait été créé en juillet 2019 et son actif s’élevait à 300 millions d’euros (source). J’en avais parlé ici.

Lors de l’audience de la commission des sanctions du 25 novembre 2022, Loïc Guilloux de H2O AM avait mentionné l’existence d’un plan de remédiation d’environ 300 millions d’euros.

Voici ce que j’écrivais le 25 novembre 2022 (source) sur la répartition de cette somme :

  • 133 millions dans un fonds lancé en 2019 (sans doute H2O Deep Value), somme qui devait revenir aux actionnaires de H2O ;
  • et 166 millions d’euros de commissions de performance de 2 fonds n’ayant pas été distribuées à la société de gestion.

J’ai donc retrouvé la trace de 150 millions sur les 166 millions d’euros de commissions de performance dans le rapport annuel de H2O Multibonds SP, mais je ne sais pas de quelle façon les porteurs de parts des side-pockets en ont bénéficié.

Qu’en est-il des 133 millions d’euros sans doute logés dans H2O Deep Value ?

De nouveau, la réponse est dans le rapport annuel 2023 de H2O Multibonds SP (italique ajouté par mes soins).

En décembre 2023, dans le cadre des conditions de remboursement en titres de la FSSSN, H2O MultiBonds SP a reçu les droits sur les actifs correspondant à 1 980 701 parts du FCP H2O Deep Value (pour un nombre total de 3 140 774 parts en circulation) précédemment détenues par Tennor Holding et des parties liées. En parallèle, d’autres porteurs du FCP H2O Deep Value, liés à H2O AM, ont décidé de céder gracieusement aux fonds cantonnés H2O Adagio SP, H2O Moderato SP, H2O MultiBonds SP et H2O Allegro SP leurs droits sur les actifs correspondant au solde des parts du FCP H2O Deep Value soit 1 160 073 parts.

Donc, si je comprends bien, Tennor (la holding de Lars Windhorst) et des parties liées à Tennor détenaient 63% des parts de H2O Deep Value et des porteurs de ce fonds liés à H2O AM détenaient le solde, à savoir 37% des parts.

H2O AM a décidé de liquider ce fonds et Multibonds SP a reçu des actifs illiquides et probablement sans valeur, ainsi que des liquidités pour l’équivalent de 29,61 millions d’euros.

Actifs reçus de Tennor et des parties liées :

Actifs reçus des parties liées à H2O AM :

Le rapport annuel 2023 de H2O Multibonds SP précise ceci :

Liquidités obtenues suite à la liquidation de H2O DEEP VALUE +29 723 968,21 €.

Le compte est bon.

Si les autres SP ont reçu en cadeau 37% des parts de H2O Deep Value, cela correspond à 17,45 millions de liquidités. Soit, pour la totalité de H2O Deep Value, 47,18 millions de liquidités plus des titres vraisemblablement sans valeur.

A comparer à une valorisation initiale de 300 millions d’euros pour ce véhicule créé par H2O AM dont Tennor détenait, directement et indirectement, 63% des parts.

Qu’est-ce que ça vous inspire que H2O AM ait créé un fonds avec Tennor quelque temps après la parution de l’article du Financial Times révélant la présence de titres Windhorst illiquides dans certains fonds H2O (« Illiquid Love« , paru le 17 juin 2019) ?

Le même rapport annuel indique ceci :

Ainsi à fin décembre 2023, la société de gestion valorise les actifs détenus par le fonds comme suit :

1. 58 102 436 EUR de liquidités, montant détenu très majoritairement en euro. Cette somme va permettre de procéder à un second remboursement début 2024.

Problème : le second remboursement de mars 2024 s’est élevé à 47 431 694 €, là où H2O AM mentionne « 58 102 436 EUR de liquidités ».

Je ne comprends décidément pas grand chose à cette affaire.

Je me demande qui va fournir les explications en premier : H2O AM ou Robert Smith et Cynthia O’Murchu du Financial Times ?

Vous pariez sur qui ?

Des nouvelles du #H2Ogate

Avertissement : j’ai assisté entre novembre 2022 et avril 2023 l’Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d’une mission rémunérée (détails ici).  A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l’affaire H2O AM sur ce blog.

Décidément, les voies de l’AMF sont toujours aussi impénétrables.

L’AMF a en effet eu la riche idée de cesser de mettre à jour le site fournissant les données sur les OPCVM sans avoir mis en ligne de nouvelle version.

Les dernières données disponibles sont en date du 21 mars 2024. Nous sommes le 6 mai 2024. Allô Houston, y a-t-il quelqu’un aux commandes ?

Je ne peux donc plus suivre la décollecte des fonds H2O AM. Pour les données de performance, je me fournis ailleurs que sur le site de l’AMF et peux donc les mettre à jour, mais elles n’ont aucune importance.

Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.

Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.

Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.

Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.

Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.

Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).

Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n’y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.

Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d’euros.

En fait de 250 millions, ce sont 144 millions qui ont été remboursés d’après mes calculs (je n’ai pas eu le temps de mettre à jour ce tableau avec les chiffres définitifs du remboursement mentionnés ci-dessus).

Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.  

Après avoir cessé pendant des mois de mettre à jour la valeur estimative mensuelle de side-pockets, bloquée à fin février 2023, H2O AM a dû se résoudre le 12 septembre 2023 à la baisser pour les 7 fonds.

Puis de nouveau en octobre pour les valeurs estimatives à fin septembre. Puis de nouveau en décembre pour les valeurs estimatives à fin novembre.

En janvier 2024, coup de théâtre : la valorisation estimative à fin décembre 2023 est en hausse.

H2O AM, généralement mutique, publiait le 26 janvier 2024 un communiqué de presse pour annoncer « un nouveau remboursement dans les prochaines semaines ».

Remboursement « de l’ordre de 70 millions d’euros ».

Puis nouveau coup de bambou sur les valorisations à fin janvier, en baisse de 109 millions d'euros (voir ci-dessus), avant même que les 70 millions d'euros annoncés aient été remboursés aux porteurs de parts.

Les 20, 21 et 22 mars arrivait le remboursement annoncé : H2O AM avait retenu la leçon de sa désastreuse communication sur le premier remboursement et avait choisi d'annoncer un montant inférieur au montant réel, qui est de 85 millions d'euros, répartis comme suit.

Entre la valorisation initiale d’octobre 2020 et celle de fin mars 2024, compte tenu du remboursement de janvier 2023, la moins-value latente sur les 7 side-pockets est de près de 1 milliard 336 millions d’euros d’après mes calculs.

La valeur résiduelle des side-pockets à fin mars 2024 est estimée à 77,386 millions d'euros.

S'il n'y a d'autre remboursement après celui de mars, la perte totale pour les porteurs de parts de side-pockets pourrait donc dépasser 1,4 milliard d'euros.

C'est le casse du siècle.

Pour les fonds liquides, voilà où on en est au 30 avril 2024 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 28 mars 2024).

J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant des distributions de janvier 2023 et de mars 2024.

En matière de décollecte, voilà où on en était au 21 mars 2024 (merci l'AMF).

En matière de performance, voilà où on en est au 30 avril 2024.

Les produits dont il a été question dans ma semaine Twitter 18 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).

Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens disséminés dans ce billet (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).

Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais .

N’hésitez pas à réagir dans la rubrique « Laisser un commentaire » à la fin de chaque article. Votre contribution ne sera publiée qu’après validation par mes soins.

Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.

Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.

Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.

Comment trouver un conseiller en investissements financiers (CIF) indépendant au sens de MIF 2 ? C'est à peu près mission impossible : le site de l'ORIAS, qui est l'organisme auprès duquel s'enregistrent les CIF, ne permet pas de rechercher selon les critères "indépendant" ou "non-indépendant". Pas plus que ne le permettent les sites des 4 associations de CIF agréées par l'AMF.

C'est affligeant et scandaleux.

C’était ma semaine Twitter 18 de 2024. Sayōnara. さようなら.

Illustration : Morpho menelaus (source animalia)

  1. Dont la France et l’Allemagne.
  2. Je rappelle qu’un indice est une fiction à laquelle on ne peut s’exposer que via un véhicule indiciel facturant des frais, et que la performance qu’on en obtient est généralement inférieure à celle de l’indice.
  3. Il est bien entendu possible de mixer les trois approches.
  4. Attention, dans la quasi-totalité des cas, nos compétences réelles en matière de placement sont inférieures à nos compétences présumées. Je parle d’expérience.
  5. Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Danemark, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède.
  6. Retail Distribution Review.
  7. J’ai été directeur général de Morningstar France de 2001 à 2005 et n’ai plus aucun lien d’intérêt avec ce groupe.
  8. Le dernier, celui de H2O Multibonds SP à fin 2023, a été publié la semaine dernière.
  9. Il faut dire qu’ADS Securities n’appartient pas à Tennor, ce qui aide. ADS Securities est un courtier d’Abu Dhabi. La SEC nous apprend que la société est détenue à 98% par ADS Holding LLC, également domiciliée aux Emirats Arabes Unis.

2 réponses sur « Ma Semaine Twitter 18 de 2024 »

Bonjour

Merci pour votre blog, toujours intéressant.

Une remarque sur la valorisation de Berkshire Hathaway.
1 000 $ investis en 1965 atteindrait aujourd’hui
BH : 42 500 000 millions de $
S&P 500 : un peu plus de 300 000 $.
Hedge fund : un peu moins de 5 millions de $
Vous insistez sur la différence de 37,5 millions de $ entre BH et le hedge fund . Mais l’écart entre l’indice S&P 500 et le hedge fund n’est-il pas l’illustration du fait qu’un investissement indiciel peut parfois être moins performant qu’un fonds géré activement ?

Oui, tout à fait. Si ce n’est que l’exemple d’un hedge fund qui aurait délivré les mêmes performances annuelles que l’action BH est hypothétique.

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