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Mes Semaines Twitter 25 et 26 de 2023

Quelques individus ont posé au siècle dernier les fondements théoriques de la finance de marché telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Harry Markowitz, qui vient de mourir à l’âge de 95 ans, en faisait partie : il a été le premier à introduire des concepts mathématiques dans le champ théorique de la finance.

Ces concepts ont permis de mettre en équation le dicton qui nous enjoint de ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier.

Markowitz, qui a obtenu son doctorat en économie à l’université de Chicago en 1954, est le père de la théorie moderne de portefeuille, fondée sur la diversification entre classes d’actifs permise par leurs corrélations entre elles, et le créateur de la frontière efficiente, que je me garderai bien d’expliquer ici car ce serait trop indigeste. 

Pour ses travaux, il a reçu en 1990 le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, prix partagé avec William Sharpe et Merton Miller1.

Markowitz, Sharpe et d’autres ont fourni le cadre conceptuel ayant permis l’éclosion de la gestion indicielle. Jack Bogle, en créant Vanguard et en lançant le premier fonds indiciel à destination des investisseurs privés en 1975, s’en est inspiré.

Mais si Markowitz a promu une approche mathématique et rigoureuse en finance, il n’en était pas moins humain : interrogé en 1997 par Jason Zweig, aujourd’hui journaliste au Wall Street Journal, sur la façon dont il construisait son propre portefeuille, il avait répondu ceci (source) :

J’aurais dû calculer les co-variances historiques des classes d’actifs et construire une frontière efficiente. A la place, j’ai visualisé ma peine si le marché actions avait monté alors que je n’y étais pas exposé, ou s’il avait baissé alors que j’y étais exposé. J’avais l’intention de minimiser mes regrets futurs. J’ai donc divisé mes contributions à 50/50 entre les actions et les obligations.

Ou comment réconcilier l’approche mathématique et l’approche comportementale.

Robin Powell avait interviewé Markowitz en 2017 et lui avait demandé quelle était la pire erreur commise par les investisseurs (source).

Si l’or monte, il se trouve des gens pour se précipiter et acheter de l’or. Si ça baisse, ils vendent. Il y a deux types de personnes : les mal-avisés et les bien-avisés. Les mal-avisés regardent Jim Cramer crier sur CNBC. Je suis peut-être enthousiaste mais je ne hurle pas pour donner des conseils. L’investisseur intelligent investit pour longtemps dans un portefeuille très diversifié, en utilisant des fonds indiciels.

Powell demande ensuite à Markowitz ce qu’il dirait à ses clients de faire s’il était conseiller financier.

Diversifiez et rééquilibrez votre portefeuille2. Ils ne m’invitent pas à la télévision parce que mon message est : ne regardez pas la télévision, contentez-vous de  diversifier votre portefeuille et de le rééquilibrer. L’investisseur professionnel fait mieux que le marché parce qu’il rééquilibre son portefeuille.

J’aime beaucoup les écrivains voyageurs : mon préféré, c’est Nicolas Bouvier (1929-1998), auteur d’un chef d’oeuvre absolu, L’usage du monde.

J’ai récemment découvert Robert McFarlane grâce aux bibliothécaires de la médiathèque Françoise Sagan qui l’avaient mis en avant sur un présentoir. 

Cet écrivain anglais né en 1976 est un grand marcheur : son livre Par les chemins – Une histoire des routes et de ceux qui les ont empruntées3 m’a enthousiasmé.

McFarlane emprunte les chemins traditionnels, mais aussi les voies maritimes, notamment en Ecosse. Il décrit ainsi l’arrivée aux îles Shiant :

Un son nous parvenait d’en haut, un bruit de feuilletage amplifié évoquant celui de billets comptés dans une machine. C’était le bruissement des ailes de macareux qui, par milliers, sillonnaient le ciel pour retrouver leur nid. On percevait au loin le jacassement de ces oiseaux sociables, à l’heure de leurs potins du soir sur la falaise. J’ai observé leur vol, leurs voies aériennes si densément peuplées, où, pourtant, ils n’entraient jamais en collision et ne semblaient pas même ajuster leur trajectoire pour s’éviter, vivant à contre-courant les uns des autres mais avec une aisance conviviale. J’ai imaginé chaque oiseau tirant un fil derrière lui, et l’étoffe que produirait ce céleste métier à tisser.

McFarlane voyage aussi sous terre. Je me réjouis à l’idée de lire Underland – Voyage au centre de la terre4.

Gallimard a rassemblé dans un fort beau volume de la collection Quarto plusieurs livres de Nicolas Bouvier : Oeuvres.

Programme allégé au potager le week-end dernier : je n’ai plus qu’à désherber, à bîner, à cueillir les salades et à en repiquer de nouvelles. Le catalpa, en fleur, est magnifique.

On a fait une orgie de framboises.

Devenir qui l’on n’est pas, l’héroïque programme d’Etienne Dorsay.

Bienvenue dans mes semaines Twitter 25 et 26 de 2023.

Le monde change

Peter Lynch est le symbole d’un phénomène somme toute assez récent : celui du gérant star. Phénomène récent qui aura peut-être été assez éphémère.

Lynch a géré entre 1977 (il avait alors 33 ans) et 1990 Fidelity Magellan, un fonds d’actions Etats-Unis. Durant son mandat, sa performance annuelle moyenne a été de 29,2%.

Lynch a été une star de la gestion ainsi que l’auteur d’un best-seller paru en 1989, One Up On Wall Street (en français Et si vous en saviez assez pour gagner en bourse), dont on célèbrera l’an prochain le 35ème anniversaire.

A l’occasion de cette prochaine célébration, Lynch s’est entretenu avec Yahoo Finance, qui l’a notamment interrogé sur ce qui a changé sur les marchés depuis la première parution de One Up.

Ceci.

Il y a plus de données disponibles aujourd’hui.

Et celà :

Les investisseurs privés ont un accès en temps réel aux informations financières, comme les professionnels.

De plus, les commissions de courtage n’ont fait que baisser aux Etats-Unis. Mais attention, pour Lynch, ce n’est pas parce qu’il est presque gratuit de faire des transactions qu’il faut faire des transactions : trader, ce n’est pas investir, c’est jouer au casino.

La grande idée de Peter Lynch, c’est qu’il ne faut investir que dans ce que l’on connaît bien. Mais il ajoute qu’il faut aussi comprendre les modèles d’affaires des entreprises, leurs histoires, et savoir vendre quand l’histoire change.

Tout l’entretien est de cet acabit : un tissu de platitudes.

Ce qui a vraiment changé depuis que Lynch a cessé de gérer (en 1990), c’est la montée en puissance de la gestion indicielle à bas coûts, qui est un fantastique vecteur de démocratisation de l’accès aux produits financiers.

Lynch a effectivement été un excellent gérant pendant 13 ans, mais les temps ont changé : des gérants probablement aussi bons, sinon meilleurs que lui, ne peuvent plus délivrer les performances de Lynch tant le niveau global s’est élevé.

Il y a de plus en plus de gérants professionnels, ils sont de mieux en mieux formés, ils ont tous accès au même moment aux mêmes données via leur terminal Bloomberg.

Ah, et accessoirement, même si Lynch, qui a toujours des fonctions honorifique chez Fidelity, ne mentionne pas la gestion indicielle dans l’entretien avec Yahoo Finance, le plus gros fonds de Fidelity en termes d’encours aujourd’hui est un fonds indiciel : Fidelity® 500 Index, sont les encours à fin mai étaient de 392 milliards de dollars et les frais de gestion annuels de 0,015% (source).

0,015% par an.

Et Fidelity Magellan ? Ses encours étaient de 25,4 milliards de dollars à fin mai, ses frais de gestion annuels de 0,52%, soit 34 fois plus que le fonds indiciel.

Pour une performance sur 10 ans à fin mai à peu près identique.

Pour 0,15% par an, tu as quoi ? Le monde entier.

Avant, dans les années 1970, il y avait des gérants stars comme Peter Lynch. Ils sont arrivés plus tard en Europe, dans les années 1990. Ces stars géraient activement des fonds actions, en investissant généralement sur leur seul marché domestique, qu’ils connaissaient parfaitement.

Comme on mesurait mal l’alpha, on pensait qu’ils étaient doués et qu’ils délivraient de bons résultats. Et de toute façon, on n’avait pas le choix. Ou plutôt si : on pouvait investir directement en actions, mais c’était compliqué d’investir directement en actions (ça l’est toujours), et ça coûtait cher.

Durant les années 1980, les investisseurs ont commencé à comprendre que le monde était grand. Les performances du Japon furent exceptionnelles, jusqu’à l’explosion de la bulle immobilière. L’offre de fonds s’enrichit. Des fonds toujours gérés activement, bien entendu.

Vanguard avait bien lancé le premier fonds indiciel à destination des particuliers en 1975, mais il fallut des années pour que la gestion indicielle décolle aux Etats-Unis. Et encore plus d’années pour qu’elle existe en Europe.

La création du premier ETF en 1990 donna un coup d’accélérateur à la gestion indicielle. Notamment grâce à la concurrence entre les grands émetteurs d’ETF qui amena les frais de certains produits à un niveau très bas.

Aujourd’hui, il n’a jamais été aussi facile ni aussi peu coûteux de s’exposer à un portefeuille d’actions très diversifié.

Mais si l’offre d’ETF répliquant des indices actions marchés développés et des indices actions marchés émergents est importante et les frais de gestion assez bas, il y avait encore peu de produits permettant de s’exposer à des indices exposés aux actions des pays développés et des pays émergents.

De tels produits présentent pourtant un intérêt majeur : ils évitent d’avoir à faire des choix de régions, donc de commettre des erreurs, et permettent de minimiser les regrets. En effet, ils détiennent la quasi-totalité de la capitalisation boursière mondiale, à l’exception des petites capitalisations et des valeurs cotées sur certains marchés.

L’investisseur novice, ou l’investisseur qui n’a pas envie de faire de choix, a tout intérêt à utiliser de tels véhicules pour sa poche actions.

Pour cela, il peut s’exposer à deux indices : MSCI ACWI (pour All Country World Index) et le FTSE All-World Index. Ces indices sont quasi identiques.

Bonne nouvelle pour les investisseurs : Theo Andrew d’ETF Stream nous apprend qu’Invesco vient de lancer en Europe un ETF répliquant l’indice FTSE All-World, avec des frais de gestion annuels de 0,15%.

Ce qui fait d’Invesco FTSE All-World UCITS ETF (FWRA) le produit le moins cher de sa catégorie (toutes les actions de grandes et moyennes capitalisations des marchés développés et émergents).

Avant le lancement de FWRA, il existait deux ETF répliquant l’indice MSCI ACWI : SPDR MSCI ACWI IMI UCITS ETF (SPYI), géré par SSGA, qui avait baissé ses frais de gestion de 0,40% à 0,17% en mars 2023 pour être moins cher que MSCI ACWI UCITS ETF (SSAC), géré par BlackRock, dont les frais de gestion sont de 0,20%.

FWRA sera coté sur la bourse suisse (Six Swiss Exchange), sur le London Stock Exchange et sur la bourse italienne (Borsa Italiana). Les courtiers en ligne traditionnels les moins préhistoriques devraient y donner accès.

J’espère que les néo-courtiers ayant mis en place des plans d’épargne en ETF (Trade Republic et Scalable Capital) référenceront rapidement FWRA. Au 3 juillet à 9 heures, cet ETF ne semblait pas être référencé.

Quant aux contrats d’assurance vie commercialisés en France, j’espère, sans espoir excessif, qu’ils référenceront rapidement ce produit et les 2 ETF répliquant le MSCI ACWI. Ils ont malheureusement plutôt la mauvaise habitude de référencer des ETF peu diversifiés, voire, pour les pires contrats, des ETF à effet de levier, y compris short, ce qui est une hérésie dans cette enveloppe.

Vive la concurrence quand elle permet de s’exposer aux actions du monde entier pour seulement 0,15% de frais de gestion annuels.

Quand Vanguard s’éveillera

Napoléon Ier a prononcé de nombreuses paroles aussi immortelles qu’apocryphes.

Par exemple sur la Chine :

Laissez donc la Chine dormir, car lorsque la Chine s’éveillera le monde entier tremblera.

A ce jour, aucune preuve irréfutable de cette citation n’a été trouvée, mais peu importe, c’est la marque des génies que d’avoir prononcé des paroles immortelles qu’ils n’ont jamais prononcées.

Vanguard est un géant tout ce qu’il y a d’éveillé aux Etats-Unis, où la société a été créée en 1975.

En revanche, dans le reste du monde, et notamment en Europe, Vanguard a une présence moins hégémonique.

Jamie Gordon de l’excellent site ETF Stream s’est demandé si Vanguard était le géant endormi des ETF en Europe. 

En effet, alors que Vanguard pourrait devenir le premier gérant d’ETF en termes d’encours dans le monde dans la décennie, la société n’est que numéro quatre en Europe.

Il faut dire que Jack Bogle (1929-2019), le fondateur de Vanguard, n’était vraiment pas en faveur de ce véhicule, dont il pensait que par sa nature même (être négociable en bourse), il conduirait les investisseurs à faire trop de transactions.

Ce n’est que 8 ans après le lancement en janvier 1993 par SGGA de SPDR, le premier ETF du marché étatsunien, que Vanguard sauta le pas pour lancer son premier fonds indiciel coté : Vanguard Total Stock Market ETF (VTI), créé en 2001, qui pesait 301,6 milliards de dollars au 23 juin (source).

Vanguard lança son premier ETF en Europe en 2012 et il fallut attendre 2023 pour que sa gamme européenne dépasse les 100 milliards de dollars d’encours.

En Europe, Vanguard reste fidèle à sa stratégie, qui est de ne pas céder aux modes : sa gamme d’ETF comporte 34 produits (75 aux Etats-Unis), là où les 3 premiers émetteurs (BlackRock, Amundi et DWS) en comportent beaucoup plus (1051 pour la gamme iShares de BlackRock, 390 pour Amundi et 300 pour la gamme Xtrackers de DWS).

Vanguard préfère n’offrir que des produits de coeur de portefeuille à bas coûts. En Europe, la société s’est d’abord concentrée sur les investisseurs institutionnels, puis sur les intermédiaires (banques, compagnies d’assurance et sociétés de gestion). En Allemagne et au Royaume-Uni, Vanguard a lancé une offre à destination des particuliers.

Vanguard voit un potentiel de croissance dans 2 segments : les investisseurs privés en direct et les conseillers financiers. Au Royaume-Uni, l’interdiction des rétrocessions par la RDR (Retail Distribution Review) a ouvert le marché aux ETF.

Dans le reste de l’Europe, la prévalence du modèle à base de rétrocessions empêche l’adoption des ETF par les particuliers ayant recours aux services de conseillers financiers vendeurs de produits financiers.

Sauf en Europe, où les plans d’épargne en ETF proposés notamment par Trade Republic et Scalable Capital connaissent un immense succès.

Vanguard estime que l’interdiction des rétrocessions en l’absence de conseil proposée par la Commission européenne dans le cadre de sa stratégie d’investissement des particuliers (dont j’ai parlé en détail ici) devrait permettre un référencement plus important des ETF sur les plateformes de courtage en ligne.

J’espère vraiment que Vanguard va s’éveiller en Europe, et particulièrement en France. Ça donnerait un grand coup de pied dans la fourmilière des frais trop élevés.

Mais au fait, pourquoi n’est-il pas possible de faire des transactions sur les ETF Vanguard sur Boursorama ?

M’écrire si vous savez, ça m’intrigue.

Sur l’impact de Vanguard et de Jack Bogle, lisez The Bogle Effect – How John Bogle and Vanguard Turned Wall Street Inside Out and Saved Investors Trillions d’Eric Balchunas, journaliste chez Bloomberg.

Sur les plans d’épargne en ETF en Europe, lisez l’article de Theo Andrew dans ETF Stream.

Du côté de chez Lars

Avertissement : j’assiste depuis novembre 2022 l’Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d’une mission rémunérée (détails ici). Cette mission est suspendue depuis avril 2023 mais est susceptible de redémarrer. A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l’affaire H2O AM sur ce blog.

Lars Windhorst, c’est l’espoir déçu du monde des affaires en Allemagne. La vie de l’entrepreneur né en 1976  avait pourtant débuté sous les meilleurs auspices : il créait en 1993 sa première entreprise ; en 1995, il accompagnait le chancelier d’alors, Helmut Kohl, lors d’un voyage officiel en Asie (source). Lars était le Wirtschafts-Wunderkind.

Kohl déclarait même ceci (source) :

Deutschland braucht mehr Wunderkinder wie ihn.

A savoir :

L’Allemagne a besoin de plus d’enfants prodiges comme vous.

Heureusement pour l’Allemagne, il n’y eut pas beaucoup d’enfants prodiges à la Windhorst, car la suite de la carrière de ce dernier fut une longue litanie de dépôts de bilan, de défauts et de tromperie. 

  • Dépôt de bilan de Windhorst AG, Windhorst Electronics GmbH et Windhorst Capital Holding GmbH en 2004.
  • Faillite personnelle de Lars Windhorst en 2007.
  • Dépôt de bilan de Vatas, détenue par sa holding Sapinda, en 2009.

L’information sur la vie et l’oeuvre de Lars Windhorst était disponible via une simple recherche internet. Mais je suppose que H2O AM ne disposait pas d’un accès à internet quand la société de gestion a commencé à prêter des centaines de millions d’euros au Wunderkind (probablement plus de 2,5 milliards d’euros entre juin 2016 et juin 2020).

C’est ce que pouvait laisser penser la surréaliste réponse d’un des dirigeants de la société de gestion à la question posée par une membre de la commission des sanctions de l’AMF lors de l’audience publique du 25 novembre 2022.

L’esprit de la question, c’était ceci :

Mais pourquoi avoir prêté de l’argent à Monsieur Windhorst au vu de son historique très défavorable ?

L’esprit de la réponse, d’après les notes que j’avais prises durant l’audience :

Notre service juridique a fait des recherches qui n’ont rien montré.

J’avais éclaté de rire intérieurement, et je crois que la journaliste du Financial Times qui était assise à quelques rangs de moi avait également eu du mal à se contenir.

Tennor, la holding de Lars Windhorst, a racheté La Perla, un producteur italien de lingerie de luxe, en 2018. La société fut inscrite par cotation directe (sans augmentation de capital) sur Euronext Growth en septembre 2019.

Alors que la société était déjà mal en point, le Covid lui porta un coup sévère. Euronext dut même la transférer sur son « penalty bench » le 20 décembre 2022 pour défaut de publication de comptes : à cette date, les comptes de 2021 n’avaient toujours pas été publiés.

Ils le furent juste après (le 4 janvier 2023), et ils étaient désastreux. En prime, les comptes du premier semestre 2022 furent également publiés, et ils étaient tout aussi désastreux.

J’attendais donc avec impatience, mais sans espoir excessif de retour à meilleure fortune, les comptes de l’année 2022 : ils ont été publiés la semaine dernière… et ils sont désastreux.

Ah, j’oubliais, la confiance des dirigeants de H2O AM en Lars Windhorst était telle qu’ils avaient fait prendre à plusieurs des fonds une participation dans La Perla. Oh, pas grand chose, environ 10% du capital.

Voici l’étendue des dégâts :

  • CA 2022 (69 millions €) en baisse de 4,23% par rapport à 2021
  • Perte nette de 49,4 millions € contre 45,33 millions € en 2021
  • Trésorerie disponible à fin 2022 : 4,1 millions €
  • Dette nette à fin 2022 : 331,9 millions € (277,4 millions € à fin 2021)
  • Fonds propres à fin 2022 : -339,7 millions €
  • Frais financiers : 21,7 millions € ont été payés à Tennor et à Lars Windhorst, les prêteurs liés à La Perla, en 2022. Prêt Tennor : 273,4 millions  €. Prêt Windhorst : 30,5 millions € (contre 10 millions à fin 2021).
  • Rémunération du commissaire aux comptes en 2022 : 593 k€. Ce qui est troublant, c’est que le nom de ce commissaire aux comptes n’est mentionné nulle part.
  • La Perla s’est posé la question de sa viabilité (« going concern »). La société table sur une croissance annuelle de son CA de 31,8% entre 2023 et 2027. Dans ce cas, elle est viable.

Porteurs de parts de side-pockets, patientez jusqu’en 2027 et La Perla pourra peut-être rembourser quelque chose à Tennor, qui pourra peut-être vous rembourser quelque chose.

Ah, les excellents Cynthia O’Murchu et Robert Smith du Financial Times nous ont appris que Lars venait d’être condamné pour outrage à la cour par un tribunal de Londres, car il avait omis de se présenter à une audience  en décembre 2022, arguant de rendez-vous importants dans le Golfe pour lever des fonds (j’espère que le service juridique des entités qu’il est allé solliciter disposent d’un accès à internet plus performant que celui du service juridique de H2O AM).

La raison de ces audiences ? Une plainte d’un riche italien domicilié à Monaco (comme Lars), Manfredi Lefebvre d’Ovidio et de sa société, enregistrée aux Bahamas (where else? comme aurait pu le demander George Clooney), Heritage Travel and Tourism.

Laquelle société est le 2ème actionnaire de La Perla, après Tennor et devant les fonds H2O. Vous suivez ?

En 2021, Windhorst et plusieurs de ses sociétés avaient été condamnés à verser 172 millions d’euros à Lefebvre d’Ovidio. 50 millions d’euros auraient pour le moment été versés.

C’est un ratio bien plus élevé que celui des remboursements des side-pockets de H2O AM, mais il faut dire que H2O ne semble pas avoir porté plainte contre Windhorst. 

Jean Paul Getty, milliardaire étatsunien, aurait dit ceci :

Si vous devez cent dollars à la banque, c’est votre problème. Si vous devez cent millions de dollars à la banque, c’est le problème de la banque.

Lars doit plus d’un milliard d’euros aux side-pockets H2O, c’est le problème des side-pockets H2O. Hélas.

Des nouvelles du #H2Ogate

Avertissement : j’assiste depuis novembre 2022 l’Association Collectif Porteurs H2O dans le cadre d’une mission rémunérée (détails ici). Cette mission est suspendue depuis avril 2023 mais est susceptible de redémarrer. A vous de déterminer si elle influe sur ma couverture de l’affaire H2O AM sur ce blog.

J’attends avec une impatience toujours déçue la mise à jour des valeurs mensuelles estimatives des 7 side-pockets à fin mars. Depuis le début de l’année, elle advenait dès le début du mois. Les valeurs estimatives en ligne sur le site de la société de gestion le 3 juillet à 10 heures étaient toujours celles de fin février.

H2OAM a déjà suspendu la mise à jour des valeurs mensuelles estimatives des side-pockets : celles de fin avril et fin mars 2021 puis de fin septembre, fin octobre et fin novembre 2021, puis de fin octobre et fin novembre 2022 n’avaient pas été publiées.

C’est bien entendu dans un souci de transparence, pour maximiser la performance et la liquidité des actifs Windhorst pourris.

Je rappelle que H2O AM avait fait un pari massif sur le rouble russe début 2022. Pas de chance, la Russie agressait l’Ukraine et l’envahissait en février 2022. S’ensuivit un coup de grisou sur le rouble russe, qui fit brutalement chuter les fonds exposés à la devise de l’agresseur.

Depuis, les fonds affectés ont remonté la pent, pour certains de peu.

Et si l’on regarde l’évolution depuis le plus haut atteint avant la scission des fonds en deux (la partie saine logée dans un nouveau fonds avec « FCP » à la fin du nom et la partie contaminée par le bacille illiquidita pestis windhorstis  🦠 dans le side pocket), la baisse est encore très, très loin d’avoir été effacée, comme on peut le voir plus bas.

Depuis la scission des 7 fonds sinistrés de H2O AM, il est très difficile de reconstituer la performance des « vieux » fonds d’avant la scission.

Je me livre à l’exercice en calculant une valeur liquidative reconstituée, égale à la somme de la valeur liquidative des « nouveaux » fonds liquides (FCP à la fin du nom) et de la valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets.

Cette valeur liquidative reconstituée est une fiction, car aucune transaction n’est possible sur les side-pockets.

Mais elle permet de voir où en sont les porteurs de parts. Notamment par rapport au plus-haut historique atteint par les « vieux » fonds avant qu’ils ne heurtent des icebergs et fassent naufrage en février et mars 2020.

Autre limite de l’exercice : rien ne dit que les porteurs de parts récupèreront l’équivalent de la dernière valeur liquidative estimative des side-pockets. On ne le saura que quand toutes les participations illiquides auront été revendues au seul acheteur, Tennor, la holding de Lars Windhorst.

Ou plus exactement au fur et à mesure du remboursement par Tennor de la « first super senior secured note » (FSSSN) émise par Tennor, portant intérêt au taux annuel de 4,5% et prévoyant la possibilité de remboursements intermédiaires. Je rappelle (j’en avais parlé ici) que le remboursement total était initialement prévu début 2022. Les créanciers de Tennor, pour éviter la mise en liquidation de la société imposée par un tribunal néerlandais, ont consenti un délai supplémentaire de 6 mois (soit un remboursement début juillet 2022).

Je rappelle aussi que, comme de bien entendu, il n'y a eu aucun remboursement entre juillet et décembre 2022 de la part de Tennor.

Début janvier 2023, H2O AM a laissé entendre dans un communiqué sybillin que Tennor avait procédé fin 2022 à un premier remboursement partiel susceptible de permettre de diminuer le nominal de la FSSSN de 250 millions d'euros.

En fait de 250 millions, ce sont 144 millions qui ont été remboursés d'après mes calculs.

Par ailleurs, un porte-parole de Tennor avait déclaré début janvier au quotidien régional allemand Westfallen-Blatt que la holding de Lars Windhorst avait procédé en 2022 à plusieurs remboursements partiels de la FSSSN, dont un fin 2022 pour solde de tout compte.  

Voilà où on en est au 28 juin 2023 (date de la VL des fonds liquides dont le nom se termine par « FCP », la dernière valeur liquidative mensuelle estimative des side-pockets étant en date du 28 février 2023). J'ai ajouté à la VL reconstituée le montant de la distribution du 23 janvier 2023.

En matière de décollecte, voilà où on en est.

En matière de performance, voilà où on en est.

Je rappelle que les heureux porteurs de parts R de certains fonds disposant également de parts SR seront légalement expulsés desdites parts R pour être relogés dans les parts SR des fonds. Le loyer sera beaucoup plus élevé, mais c'est dans l'intérêt des investisseurs.

L'opération d'expulsion/relogement aura lieu le 6 juillet et les souscriptions/rachats sur les fonds concernés seront suspendus entre le 30 juin et le 6 juillet, ce qui rappellera de très mauvais souvenirs à certains.

Les porteurs de parts R pourront se consoler : même si leurs nouvelles parts seront beaucoup plus chères, donc moins performantes que les anciennes, elles s'appelleront toujours... R. 

Je tire — ironiquement — mon chapeau à ce merveilleux tour de magie.

J'ai parlé en détail de cette nouvelle ignominie ici.

Les produits dont il a été question dans mes semaines Twitter 25 et 26 peuvent être achetés en priorité chez votre libraire (pour les livres).

Sinon, si vous n’avez vraiment pas accès à un libraire, ou pour les livres en anglais, parfois plus difficiles à se procurer en librairie en France, vous pouvez cliquer sur les liens ci-dessous (informations sur le programme d’affiliation Amazon ici).

Vous pouvez suivre le compte Twitter d’Alpha Beta Blog ici et mon compte en anglais .

N’hésitez pas à réagir dans la rubrique « Laisser un commentaire » à la fin de chaque article. Votre contribution ne sera publiée qu’après validation par mes soins.

Je ne suis pas habilité à donner des conseils sur les produits de placement : ne me sollicitez pas pour cela car je ne vous répondrai pas.

Si vous avez des questions, consultez un conseiller en investissement financier. Un conseiller en investissement financier, c’est quelqu’un que vous payez pour qu’il.elle vous donne des conseils. Dans le jargon de MIF 2, seul le conseiller exclusivement payé par ses clients peut se déclarer indépendant.

Quelqu’un qui est payé par les fournisseurs de produits pour vous vendre lesdits produits, c’est un vendeur, pas un conseiller.

C’étaient mes semaines Twitter 25 et 26 de 2023. Sayōnara. さようなら.

Illustration : affiche du film Too many crooks (1959) de Mario Zampi 

  1. Le discours de présentation des 3 lauréats par le professeur Assar Lindbeck de la Royal Swedish Academy of Sciences est ici.
  2. A savoir : rétablissez périodiquement l’allocation d’actifs initiale en vendant ce qui s’est apprécié pour acheter ce qui s’est déprécié, ou s’est moins apprécié.
  3. Traduction : Patrick Hersant. En anglais : The Old Ways – A Journey on Foot.
  4. Traduction : Patrick Hersant. En anglais : Underland – A deep time journey.

3 réponses sur « Mes Semaines Twitter 25 et 26 de 2023 »

Bonjour,
Je ne comprends pas comment la « VLR » correspondant à H2O Multibonds FCP SREUR C peut être de 119€ car sa VL au 22/06 était de 121€. La VLR ne peut donc qu’être supérieure à 121€ car il reste à réintégrer la VL de la side pocket ?

Merci pour vos chroniques. Un point qui me chagrine c’est que le jour où les gens vous écouteront et auront en majorité des ETF sur leur AV, les assureurs majoreront les frais d’UC sur ces instruments (certains le font déjà) et cela me coutera plus cher qu’aujourd’hui 😉 A moins de remettre un peu de concurrence dans ce secteur (appliquer simplement la loi pacte serait déjà une 1ère étape, les assureurs et france assureur se sont bien moqués du monde, c’est incroyable !).

Bonjour,

Un grand merci, votre oeil de lynx m’a permet de corriger une erreur dans le calcul de cette VLR pour H2O Multibonds ! De l’inconvénient de travailler dans 2 fichiers Excel et de ne pas utiliser une structure homogène pour l’un d’entre eux. Ça devrait être mieux dans le tableau des VLR de ma dernière semaine Twitter, mise en ligne à l’instant.

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